Partager cet article

L'Eglise : Vie de l'Eglise

En 1976, lettre d’un catholique du bout du banc à son évêque : Nihil novi

En 1976, lettre d’un catholique du bout du banc à son évêque : Nihil novi

Voici la lettre de Louis Fontaine (+), écrite en 1976 et adressée à son évêque (Créteil). Elle avait été publiée sous pseudonyme (Victor Marc) le 2 août 2003 dans le quotidien “Présent”. À l’heure de “Traditionis custodes”, elle présente une triste analogie avec la situation présente. Un affligeant retour à la “case départ”: semper idem !

Est-il encore possible, à notre époque, qu’un catholique de la foule, père de famille, s’adresse à vous pour dire : “Monseigneur, je n’y comprends plus rien !”

Par-delà les anathèmes qu’avec certains de vos confrères vous proférez au sujet de Monseigneur Lefebvre, j’ai bien du mal à transposer les arguments théologiques. Car, voyez vous, moi le catholique du bout du banc, je ne suis ni théologien ni canoniste. (Mais le droit canon existe-t-il encore ?)

Existe-t-il en France quelqu’un qui sache combien de personnes ont pris connaissance directement des actes du concile Vatican II ? Un pour 1000, un pour 10 000 ? La réponse serait intéressante. Entre ce concile et nous il s’est toujours trouvé un “spécialiste”, un “exégète” pour en donner une interprétation, une paraphrase. Et j’ai même tout lieu de croire que mon curé de paroisse n’a pas été plus loin que les commentaires de l’Abbé Laurentin.

Depuis plus de dix ans que je m’efforce de m’adapter à la mode conciliaire, j’entends, il est vrai, un vocabulaire nouveau dont j’ai retenu comme beaucoup les mots clefs : “aggiornamento, recherche, ouverture, dialogue, œcuménisme, liberté, justice”… C’est par ces mots décisifs, répétés à satiété, un peu comme on le fait dans les réunions idéologiques, que sont venus les changements et les retournements impensables quelques années avant.

Pourquoi s’attacher à la soutane ? Pourquoi regretter le latin ? Le nouveau Notre Père n’est-il pas plus près de nous ? Tant de génuflexions pour une commémoration ! Rien ne semble plus nécessaire, tout apparaît superflu. Bientôt, à l’instar de Clovis, nous brûlerons ce que nous avons adoré pour adorer ce que nous brûlions !

Ici et là, il s’est bien trouvé quelques nostalgiques, voire quelques puristes, qui avaient étudié Vatican II et l’enseignement des derniers papes. Ils s’étonnaient et ils tentaient de nous faire passer un message : “Savez-vous que le Pape Jean XXIII était un partisan fidèle du latin, qu’en plein concile il en recommandait l’usage à toute la chrétienté ? Avez-vous lu les articles 35, 54 et 116 de la Constitution sur la liturgie ? Paul VI a pris soin d’éditer pour l’année sainte un petit volume appelé Jubilate Deo qui contient le minimum de chants latins que tous les fidèles doivent savoir.”

Ce genre de “message” n’est pas perçu par les chrétiens de notre temps, à l’écoute de leurs frères en lutte pour une plus grande justice sociale. Ils n’ont que faire du texte du concile, nous sommes maintenant en marche dans une période post-conciliaire… J’en passe et des plus graves.

Voyez-vous, Monseigneur, pour un père de famille, la liturgie et le latin ne sont pas, effectivement, toujours le principal de leurs problèmes. Chaque jour que Dieu fait, dans ce “monde de notre temps”, c’est pour l’éducation de ses enfants que le père tente de se battre. Il lui faut à tout moment trouver le contrepoison nécessaire à tout l’environnement perverti qui nous assaille sans relâche. C’est sur sa responsabilité de père de famille qu’il sera jugé au dernier moment. Ni par vous, Monseigneur, ni par le Pape.

    • Combien t’ai-je confié d’âmes, dira le Seigneur. Et d’ajouter immédiatement :
    • Qu’en as-tu fait ?
    • Mais, Seigneur, j’écoutais mon évêque !
    • Cette affaire n’est pas entre ton évêque et toi mais entre le Maître et le serviteur.

Pour tout vous dire, Monseigneur, depuis dix ans, nous les pères de famille catholiques nous n’avons pas la tâche facilitée car, derrière notre dos, on tente implicitement de dévoyer nos enfants. Vous arrive-t-il encore de faire des visites pastorales ? Avez-vous questionné les enfants du catéchisme ? Ils ne doivent pas manquer de vous entourer maintenant que votre soutane ne les effarouche plus ! Vous savez alors combien leur niveau religieux est nul, inconsistant, sans fondement. La rampe est savamment ensavonnée pour que ces malheureux soient rapidement happés par l’environnement morbide de ce temps.

Il y a bien pire et j’ai en mémoire les comités de classe auxquels j’ai été confronté dans l’institution religieuse fréquentée par ma fille ou les aumôniers du lycée de mes garçons qui remettaient en cause les principes de notre religion et de la Vérité. J’ai dans l’oreille un sermon tout récent justifiant la quête entreprise par des jeunes pour trouver une réponse à leur angoisse et qui, faute d’un prêtre, étaient devenus bouddhistes. Je connais des exemples d’incitation à la liberté sexuelle ou au laisser-aller pervers. J’ai assisté à des conférences de recyclage pour parents et professeurs d’écoles chrétiennes où j’ai entendu s’exprimer, sous la direction d’un “père” réputé, les idées les plus étonnantes sur la foi.

De la sorte, j’assiste comme tout le monde et tout comme vous Monseigneur à la dérive d’une jeunesse qui nous est chère et qui n’attendait de nous qu’un peu de foi, justement, et d’autorité. Alors, quand j’entends parler de scandale à propos de droit canon ou de théologie… N’est-ce donc pas scandale que d’envoyer dans la vie ces petits enfants sans bagage spirituel ?

Est-il naturel que des “jocistes” chantent L’Internationale sous les nez de trois évêques et d’un cardinal sans une petite mise au point ? N’est-ce pas encore un scandale ces cérémonies profanatoires retransmises par la télévision sans un regret de l’épiscopat ? Et ces exégètes, encore, de la Bible, qui publient (dans un périodique spécialisé vendu avec autorisation) des commentaires libidineusement syndicalistes. Jusqu’à ce prêtre d’une chapelle Saint-Bernard, où l’on peut assister à la messe couché sur des coussins, n’a-t-il pas scandalisé nos enfants avec son livre Les Fils dépossédés ? La liste serait trop longue pour dénoncer tous ces scandales qui, malheureusement, ne sont pas des faits isolés mais le syndrome d’une maladie généralisée qui ronge l’âme même de notre Eglise.

Alors, Monseigneur, avouez-nous franchement que, le dialogue, vous le réservez de préférence aux protestants, aux musulmans ou à n’importe qui, mais pas à vos frères catholiques si par malheur pour eux ils montrent le bout d’une oreille un tant soit peu traditionaliste. L’ouverture, vous la concevez pour ceux qui s’infiltrent dans l’Eglise avec leur poison moderniste ou matérialiste. La liberté religieuse, vous l’avez fait inscrire, à tort ou à raison, dans les textes conciliaires, mais vous prétendez empêcher la célébration d’une messe millénaire. Le libéralisme, vous le prônez avec et pour les athées que vous recevez dans vos évêchés, mais en ce qui concerne les familles catholiques atterrées par la liquéfaction de l’enseignement de l’Eglise, vous préférez les menacer des foudres médiévales dont, hier encore, vous ridiculisiez l’emploi.

En somme, Monseigneur, tout est permis, même de dénoncer ou de déformer le dernier concile, sauf de respecter la Tradition. Pour nous, les pères de famille du fond de l’église, qui avons reçu une instruction religieuse peu poussée mais solide, malgré nos défauts et notre indignité, nous sommes tentés de nous rappeler la phrase de l’Evangile et de juger un arbre à ses fruits. Hélas pour vous et pour nous, les séminaires sont dramatiquement vides et ni les “engagements de notre temps” ni les “approches pour une nouvelle pastorale” n’ont l’air d’y changer quoi que ce soit. Voilà dix ans que nous évitons votre nouveau catéchisme, vos aumôniers, vos mouvements de jeunesse et jusqu’à vos écoles et, nous devons l’avouer tristement, certaines de vos “célébrations” pour simplement transmettre le flambeau de la foi légué par nos ancêtres.

Alors, Monseigneur, le caporalisme d’une sanction, les remontrances faussement indignées, nous les catholiques de base qui venons d’en voir tant, nous n’y comprenons rien et “schisme” ou pas, nous tiendrons pour l’honneur de l’Eglise et de nos familles.

Louis Victor Marc Fontaine (+)

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services