C’est un communiqué du 14 novembre de la première chambre civile de la Cour de cassation :
Lorsqu’un enfant né d’une GPA à l’étranger n’a aucun lien biologique avec le parent d’intention, la filiation établie légalement dans cet autre pays peut être reconnue par la France, car l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français.
Cependant, pour que la décision soit reconnue en France le juge français doit vérifier, notamment, l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA.
Donc le juge va valider le contrat de vente et d’achat d’un enfant à l’étranger… Et la Cour explique :
En France, la GPA est interdite.
Pour autant, des personnes y ont recours en se rendant dans des pays qui l’autorisent.
L’acte de naissance délivré par ces pays établit la filiation à l’égard des parents d’intention, conformément à la loi locale.
À leur retour en France, les parents d’intention qui souhaitent que leur enfant bénéficie d’un acte de l’état civil français peuvent avoir recours à différentes procédures : transcription directe de l’acte d’état civil étranger sur les registres de l’état civil français, exéquatur du jugement étranger établissant la filiation, adoption.
L’exequatur est une procédure judiciaire qui peut conduire la France à reconnaître et exécuter une décision de justice étrangère, après que le juge français a procédé à un certain nombre de vérifications. Pour autoriser l’exequatur, le juge français vérifie que la décision étrangère :
- ne révèle pas l’existence d’une fraude ;
- n’est pas contraire à l’ordre public international français apprécié au regard des principes essentiels du droit français (ex. : principe d’égalité, droits de la défense, impartialité du juge, motivation du jugement…).
Cependant, ce contrôle doit rester limité : le juge français ne doit pas rejuger l’affaire.
Les faits et la procédure
Une femme s’est rendue au Canada pour recourir, seule, à une GPA.
Cette femme ne partage aucun lien biologique avec l’enfant : celui-ci a été conçu à partir des gamètes mâle et femelle de deux donneurs et mis au monde par une mère porteuse.
Une décision de justice canadienne l’a déclarée mère légale de l’enfant.
Par la suite, une cour d’appel française a reconnu la décision de justice canadienne et fait produire à la filiation établie par le droit canadien les effets d’une adoption plénière en France.
Le procureur général a formé un pourvoi en cassation. Il a estimé que cette décision de cour d’appel était contraire à l’ordre public international français, en ce qu’elle établissait un lien de filiation entre une femme et un enfant n’ayant aucun lien biologique. Il a également considéré que, dans cette affaire, les règles de l’adoption internationale avaient été détournées.
La question posée à la Cour de cassation
Lorsqu’une personne s’engage seule dans un projet de GPA à l’étranger et qu’elle ne partage aucun lien biologique avec l’enfant, la décision de justice étrangère qui établit la filiation est-elle contraire à l’ordre public international français ?
L’enjeu de la question posée
Si cette décision de justice étrangère est contraire à l’un des principes sur lesquels repose l’ordre public international français, elle ne peut être reconnue par la France.
Dès lors, l’enfant ne peut obtenir de documents d’état civil français.
La réponse de la Cour de cassation
L’ordre public international français ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une décision de justice étrangère qui établit un lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et un parent avec lequel il ne partage aucun lien biologique.
D’abord, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’existence d’une convention de GPA n’est pas en soi de nature à faire obstacle à la reconnaissance par la France du lien de filiation établi à l’étranger, que ce soit à l’égard du parent biologique ou du parent d’intention.
Ensuite, aucun principe essentiel de droit français ne se trouve heurté par le fait qu’en application d’une loi étrangère une filiation soit établie entre un parent et un enfant qui n’ont entre eux aucun lien biologique. En effet, le droit français admet, lui aussi, l’existence de filiations qui ne sont pas conformes à la réalité biologique (recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ; possibilité de reconnaître un enfant sans avoir avec lui de lien biologique).
Dans tous les cas, le fait que ce type de situation ne soit pas contraire à l’ordre public international français ne signifie pas que le juge français n’exerce aucun contrôle de la décision de justice étrangère. Le juge français doit vérifier, notamment, l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA (lire les décisions rendues le 2 octobre 2024).
En l’espèce, au vu des éléments de l’affaire examinée par la cour d’appel, le lien de filiation est reconnu par la France.
En revanche, contrairement à ce qu’avait admis la cour d’appel, la filiation établie par le droit canadien n’a pas à être assimilée, en France, à une adoption.
En effet, ainsi que la Cour de cassation l’a jugé le 2 octobre 2024 (à lire ici), la filiation doit être reconnue en France conformément à la spécificité de la filiation construite par le droit étranger. Elle doit ainsi être reconnue en tant que filiation d’intention, laquelle repose sur une logique différente de celle d’une adoption.
Ainsi, la Cour de cassation censure la décision de cour d’appel uniquement sur l’adoption, sans que cette censure ne remette en cause la reconnaissance par la France du lien de filiation.