Le docteur Régis Aubry, chef du département "douleur soins palliatifs" du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon (Doubs), coordinateur du Programme de développement des soins palliatifs et président de l'Observatoire national de la fin de vie, répond au Monde :
"ce que je comprends, à la lumière de ce qui a été rendu public, c'est que ce médecin est mis en cause dans une affaire d'injection de produits létaux à des personnes âgées en fin de vie. Or ces personnes n'étaient pas demandeuses d'une euthanasie. Nous sommes donc dans un cas de figure qui n'entre absolument pas dans le cadre du débat en cours sur l'euthanasie, c'est-à-dire la possibilité de mettre fin à la vie d'une personne qui le demande. Nous sommes plutôt, si l'enquête le confirme, dans un cas d'homicides sur personnes vulnérables. Certes, dans ces affaires, il ne faut pas minimiser les difficultés que peuvent ressentir les soignants face à ces questions de fin de vie. Mais dans le cas présent, ce médecin a, semble-t-il, agi seul […]
Je ne doute a priori jamais des intentions compassionnelles des soignants. Mais quelles que soient lesdites intentions, même les meilleures, leurs conséquences peuvent être dramatiques. Ce médecin, en son âme et conscience, pense que la personne qui est en face de lui souffre. Et au motif qu'il pense qu'elle souffre, il lui donne des produits qui conduisent à la mort. Pour moi, c'est une pratique qui ouvre la voie à toutes les dérives possibles : quand un médecin confond ses convictions avec des certitudes, c'est dangereux. […] il existe des équipes mobiles de soins palliatifs qui sont là pour répondre aux difficultés des soignants face à des situations parfois très éprouvantes de personnes en fin de vie : elles sont là pouraider les médecins des différents services à appréhender collectivement des réalités complexes, pour éviter que l'on soit dans des projections personnelles."