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Bioéthique

Evolution de la loi sur la bio-éthique. Parenté biologique ou parenté par volonté ?

Evolution de la loi sur la bio-éthique. Parenté biologique ou parenté par volonté ?

Le 18 octobre, la commission de l’Assemblée Nationale pour la révision de la loi de bio-éthique recevait des juristes pour une table ronde consacrée à la filiation. Quatre professionnels du droit :

  • la juriste Laurence Brunet et l’avocate Caroline Mecary, spécialisée dans les « droits » des LGBTIQ ;
  • André Lucas, professeur de droit privé
  • Geoffroy de Vries, avocat et secrétaire général du cercle de juristes appelé Institut Familles et république, engagés pour la défense des droits naturels de la personne humaine, notamment pour la défense du mariage homme/femme et du droit des enfants à avoir un père et une mère. 

Deux faits saillants sont ressortis des présentations et des questions/réponses :

  • Il n’y a aucune raison juridique à étendre la PMA à des couples de femmes ou des femmes seules parce que tous les jugements (Conseil d’Etat, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme) indiquent que la différence de situation entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes justifie la différence de traitement au regard de la procréation.Il n’y a donc aucune rupture d’égalité. D’ailleurs, tous les couples hétérosexuels n’ont pas accès à la PMA puisqu’il faut qu’ils soient confrontés à l’infertilité ou au risque de transmission d’une maladie génétique grave.

De plus, ce ne sont pas forcément les personnes homosexuelles qui sont concernés : une femme seule pourrait aussi vouloir un enfant par PMA.

La raison ne peut donc être que politique. Par exemple, je choisis de répondre au « désir d’enfant ». Me de Vries de poser alors la question essentielle :« est-il important d’avoir un père ? Qui peut nier qu’il est préférable d’avoir un père que de n’en avoir pas ? »

  • Le bouleversement en perspective du droit de la filiation. Si l’usage de la PMA est étendu à des couples de femmes ou à des femmes seules, le droit de la filiation sera confronté à un dilemme : conserver le droit actuel fondé principalement sur la filiation biologique ou basculer dans une filiation reposant sur les volontés exprimées par les adultes. C’est sur ce sujet qu’ont été échangés les arguments majeurs.

Mme Brunet et Me Mecary sont pour une filiation indépendante de toute biologie et prêchent pour un charcutage du code civil en mode « open bar » (elles n’ont pas dit ce mot, bien sûr): « le lien de filiation est toujours juridique, c’est toujours une construction sociale… la question du lien de filiation n’est pas lié à la biologie ni à la génétique…. Donc on peut imaginer des liens de filiation pour les couples de femmes qui ont accès à la PMA. La limite, ce serait presque l’imagination. On peut tout faire juridiquement »

Et les deux femmes de se plaindre d’une situation jugée discriminatoire. Essayons de comprendre : dans un couple de femmes nanti d’un « projet parental », l’une d’entre elles a eu un enfant par PMA à l’étranger. Actuellement, la seconde femme peut adopter l’enfant de sa « femme » ( !), mais il faut que la mère qui a porté l’enfant lui donne son accord. Et d’autre part, il y a un délai entre la naissance et le dépôt d’une demande d’adoption. Continuons d’imaginer : les deux femmes se disputent et se séparent avant ou juste après la naissance. La femme qui a accouché refuse maintenant l’adoption à l’autre (la « mère sociale »). Mais celle-ci veut « continuer d’avoir des relations avec l’enfant ». Vous savez, celui qu’elle n’aura peut-être jamais vu puisque les deux femmes se sont séparées…

Finalement, un avantage du droit, c’est qu’il peut s’écrire même quand les mots ont perdu toute réalité. C’est Mme Brunet qui ajoute : « On voit bien que l’adoption n’est pas une solution suffisamment respectueuse du droit au respect de la vie privée de l’enfant, c’est-à-dire du droit de l’enfant à avoir automatiquement une filiationétablie à l’égard de ses deux parents. ». Bien sûr, par « filiation », elle entend à l’égard de chacune des deux « mères ».

Le professeur Lucas et Me de Vries ont d’abord indiqué que la position selon laquelle « la question du lien de filiation n’est pas lié à la biologie » est un mensonge (ils n’ont pas prononcé le mot).Et d’ailleurs, des erreurs dans l’attribution du lien biologique peuvent donner matière à préjudice juridiquement réparable (préjudice lié aux erreurs d’attribution de gamètes dans le processus de PMA, préjudice lié à l’échange d’enfants dans des maternités -cf La vie est un long fleuve tranquille).

En outre, selon eux, les Conventions internationales signées par la France et concernant l’intérêt supérieur de l’enfant ne peuvent se comprendre que dans le cadre d’une filiation biologique.

Ils sont ensuite souligné tous les dangers associés à une filiation qui serait fondée sur l’expression d’une volonté d’être parent :

  • Il y aura des répercussions sur les couples traditionnels : la présomption de paternité disparaîtra, de même que la possibilité de recherche en action de paternité, qui ont le double mérite de protéger l’enfant et de responsabiliser le géniteur.
  • Tant que le « projet parental » n’aura pas été acté, l’enfant n’aura pas de filiation.
  • L’ouverture à la pluriparentalité. Si la volonté d’une personne, de deux personnes, suffit à acter une filiation, alors pourquoi une volonté de trois personnes ne le pourrait-elle pas ? La possibilité de 3 parents est déjà ouverte dans la loi de la Colombie britannique (Canada) ; la loi de Californie a été modifiée récemment pour prévoir la multiparentalité. Et d’ailleurs, Mmes Brunet et Mecary trouvent ça très bien : « il faudrait dédiaboliser cette figure de la pluriparentalitéun enfant peut déjà avoir en droit français ses deux parents biologiques plus un parent adoptif par adoption simple. A mon sens, c’est une richesse que d’avoir encore plus de parents,c’est un facteur de protection. »
  • La volonté est par essence versatile. En France, il y a 230 000 mariages et 130 000 divorces par an. Et d’ailleurs, on trouve déjà aux USA des sites internet pour le « rehoming », rachat d’enfants rejetés par leurs parents d’origine aux USA : c’est certainement ce qui est appelé « prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant » par les partisans de l’extension de la PMA.

Conclusion du Professeur Lucas : « Ce sont des interrogations qui donnent le vertige »

Mais le rapporteur, Jean-Louis Touraine (député LaREM), n’a pas peur du vertige :

« dans le futur, il y aura l’utérus artificiel. Ce qui aura accouché, c’est la couveuse. On ne va pas dire que la couveuse est la mère. Il faudra changer les règles d’antan… Il faut avoir cette réflexion pour dire qui sont les parents, en se détachant, j’allais dire, de la loi de la nature, c’est-à-dire la façon très traditionnelle de procréer. Mais depuis qu’il y a la PMA, depuis qu’il y a des arrangements avec la tradition qui existaient déjà dans la Bible(*), même dans les campagnes quand il y avait un couple infertile des échanges d’enfants se faisaient, il est temps de se dire : l’enfant a intérêt, et c’est ça qui nous pousse, son intérêt est prioritaire à avoir un, deux parents, trois qu’importe, qui s’engagent formellement à son éducation et à son épanouissement. »

Peut-être M.Touraine  prépare-t-il une loi autorisant le fratricide sous prétexte que la Bible contient aussi le récit de Caïn et d’Abel ?

(*) A propos de la Bible : Mle De Jaeghere dans La Nef rappelle l’épisode de la naissance d’Ismaël :

« Sarah, la femme d’Abram, qui ne luji avait pas donné d’enfants, possédait une esclave égyptienne nommée agar. Elle dit à Abram : « Puis le Seigneur m’a rendue stérile, va, je t’en prie, vers ma servante ; peut-être aurai-je par elle des enfants. Abram consentit à cette proposition de Sara » (Gen, 16) et conclut : « La naissance d’Ismaël est pourtant l’image éclatante de l’échec de la GPA puisque la servante, Agar, choisit de garder l’enfant de sa grossesse et que la femme, Sarah, se sent méprisée par celle qui, en enfantant, devient participante de la promesse de Dieu à son peuple en attente du Messie. Les conditions étaient pourtant réunies pour la création d’une famille heureuse selon les normes de notre temps : désir d’enfant, projet parental, mère de substitution à portée de main, souffrance du couple sans héritier, bonheur à venir de l’enfant qui pourrait vivre à la fois avec sa porteuse et sa mère d’intention… Mais un grain de sable s’introduit dans le rouage. Agar s’enorgueillit de porter un enfant, et Sarah, humiliée par la maternité de son esclave, la maltraite jusqu’à ce qu’elle s’enfuie dans le désert. Les bonnes intentions ne tiennent plus lorsque les désirs tout-puissants sont contrariés. »

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1 commentaire

  1. Mgr Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris s’il vous plait, avait déclaré le 8 avril 2016 dans le journal nommé ”La Croix” : ”…la société a besoin de la famille – qui ne s’arrête pas au triangle petit-bourgeois d’un père, une mère et des enfants,..”
    et Jean-Jacques Goldman, qui certes n’est pas un père de l’Eglise, avait prophétisé dans une chanson en 1987 :”Elle a fait un bébé toute seule”
    en somme, tout va bien …Comme dit le mage Attali ”c’est en osant transgresser les règles qu’on fait avancer la société, le savoir et l’art”

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