Extrait d'un entretien donné par Fabrice Luchini dans Le Figaro :
"Vous reprenez sur la scène du Théâtre Antoine la lecture de
textes de Philippe Muray. Avec une gauche austère au pouvoir, ses textes
sur l'hyper-festif, par exemple, n'ont-ils pas perdu de leur acuité ou
de leur pertinence?C'est vrai que cette gauche-là n'est
pas une gauche d'espoir comme celle des années 1990-2000. Même si elle y
prétend avec son slogan «Réenchanter le rêve». Au passage, quoique
ayant peu été à l'école, je voudrais aimablement rappeler au conseiller
de François Hollande qui a trouvé cette formule qu'un rêve ne peut pas
se réenchanter, puisqu'un rêve, par définition, n'est pas une réalité
mais un projet: réenchanter quelque chose qui n'existe pas encore, je ne
vois pas bien comment cela est possible… Mais revenons à Muray. On se
tromperait en le réduisant à sa critique jubilatoire et pamphlétaire du
festif. Muray est plutôt l'homme qui voit dans la célébration
apparemment sympathique et chaleureuse de la fête le symptôme d'un
régime d'ordre, totalitaire, qui ne dit pas son nom. Un système
déréalisant où il n'y a prétendument plus de problème. Sa manifestation
la plus éclatante est l'usage intempestif de l'expression «Pas de
souci». «Bonjour, est-ce que je peux avoir la clé de ma chambre? – Pas
de souci.» «Bonsoir, donnez-moi un diabolo-grenadine, s'il vous plaît. –
Pas de souci.» C'est en fait une autre façon de dire: «Ferme ta gueule,
on va faire ce que tu demandes, mais ne t'avise pas de croire que cet
échange va déboucher sur un vrai dialogue ou une quelconque relation.»
Au fond, telle est l'ambition finale du bobo confortable: pas de souci.
Pas de souci d'embouteillages, pas de souci de logement, pas de souci
d'enfermement dans une classe ou un quartier, comme les affreux
bourgeois du Figaro Magazine supposément confinés dans les beaux quartiers, pas de souci à prendre une immigrée sans papiers comme nounou des enfants, etc.Nier les difficultés ou les problèmes, est-ce votre définition de la gauche?
Disons
que les gens de gauche ont pour certitude que «nous avons à faire
ensemble». Moi, j'ai un peu de mal avec cette idée, car je pense que
c'est à moi et à moi seul de décider si j'ai à faire avec quelqu'un et
sous quelle forme et à quelle occasion. Je n'aime pas qu'on m'oblige à
la convivialité comme le prétend, par exemple, la Fête des voisins… Ce
que je rejette à gauche, c'est cette méfiance ou cette haine de
l'individu au nom d'une vision de l'homme forcément intégré à un projet
collectif. La gauche pense que seul, l'homme se résume aujourd'hui, dans
nos sociétés libérales, à être juste un consommateur incapable de
penser. Il faudrait donc l'aider à le faire. Or, comme le dit Philippe
Tesson, il me semble que si les turpitudes et les scandales intrinsèques
aux sociétés démocratiques libérales sont effectivement abjects, ceux
qui veulent laver plus blanc que blanc créent des tyrannies encore plus
grandes.Impossible de vous dire de gauche, donc?
Je travaille dans un milieu où presque tout le monde vote Hollande ou Mélenchon, et où dire qu'on trouve Fillon
pas inintéressant vous fait passer pour un type qui a de l'indulgence
pour les fachos. […]"
Bernard Mitjavile
Je suis content de voir que je ne suis pas le seul à être irrité par l’expression “pas de souci”.
Un bémol, dire que la gauche des années 90-2000 était “une gauche d’espoir”, je ne m’en étais pas aperçu, j’aimerais bien savoir de quel espoir il s’agissait. Il faut dire que dès 1981 quand Mitterrand avait pris comme slogan “changer la vie” avec le programme commmun, cela m’apparaissait grotesque.
oliroy
Moi, quand quelqu’un me dit “pas de souci”, je lui répond “ah oui, pour qui?”. car voila bien une expression anacoluthe qui reclamerait une suite pour prendre un sens (comme pourrait le dire le célèbre capitaine Haddock).
Jean Theis
Pas de souci disparaîtra comme ont disparu : formid (pour formidable), incontournable, c’est cool, etc etc et le dernier né: OPUS !