Extraits de l’éditorial de monseigneur Dominique Rey publié dans le mensuel diocésain Eglise de Fréjus-Toulon n° 170 – février 2013 :
"[…] On
assiste à l’effacement programmé du christianisme et à la
multiplication des transgressions éthiques et anthropologiques qui
fissurent le socle sociétal hérité du judéo christianisme.
Face à ces dérives mortifères, les chrétiens ne
peuvent pas appliquer leur raison d’être, renier « l’abrupt de la foi »
(Guy Coq), perdre la conscience de la différence chrétienne. Mais
comment assumer aujourd’hui la rupture évangélique sans s’isoler du
monde ? Comment être chrétien « dans le monde » sans être « du monde » ?
Comment ne pas sombrer, d’un côté dans le repli identitaire et
communautariste en s’érigeant en contre culture et d’un autre côté,
subir la dévitalisation du christianisme, parfois jusqu’à son
éradication, quand il veut se coller aux attentes du monde ?La position morale et critique du chrétien aujourd’hui appelle une double attitude : d’abord une posture de résistance. Devenus minoritaires, les chrétiens doivent prendre conscience de leur identité, à la fois baptismale et communautaire. […]
Il s’agit bien d’une résistance communautaire, d’abord spirituelle, mais aussi morale face à la multiplication des lois transgressives, mais également une résistance intellectuelle
puisque la foi chrétienne conduit à honorer et à s’appuyer sur la
raison humaine. A l’occasion du projet de loi sur l’homoparentalité, la
résistance s’est organisée autour de l’arme du jeûne et de la prière,
mais aussi de la raison lorsque l’Eglise a sollicité un vaste débat
public sur ces questions. La résistance a aussi investi le continent
numérique pour braver la police de la pensée véhiculée par les médias.
Elle s’est enfin exprimée dans la rue le 13 janvier pour s’insurger de
façon très paisible mais déterminée, face à l’autisme
idéologique de ceux qui se prévalent du principe d’égalité des droits
pour attenter au droit fondamental, à la justice dont ont besoin les
plus faibles, par exemple pour un enfant de bénéficier d’un
père et d’une mère. La démarche de résistance civique peut encore
revendiquer l’exercice de la clause de conscience et de
l’objection de conscience face à la corruption de la loi devenue inique
puisqu’elle offense gravement les principes d’humanité.La position contestataire du chrétien ne l’invite ni à l’indignation
nostalgique en regrettant le passé, ni à se rétracter du monde qu’il a
vocation à habiter de l’intérieur, et dans lequel il discerne les signes
précurseurs du Royaume. Résistance oui, mais pas repli. La critique lucide et incisive qu’il fait de la société l’engage plutôt à s’inscrire dans la ligne du prophétisme.
La dictature du « relativisme » qu’évoque Benoît XVI, fait miroiter à
l’individu, privé d’absolu, de repères et de boussole, la possibilité de
refonder un monde artificiel, émancipé de l’ordre naturel,
indifférencié (sexualité déconnectée de la sexuation), amnésique
puisqu’amputée de ses racines et donc qui ne peut être que déshumanisé. […] Face à cette révolution anthropologique,
le christianisme doit investir sa visée prophétique : offrir à notre
société un horizon ultime qui n’est pas sa propre déconstruction, mais
le déploiement dans l’histoire d’un « patrimoine génétique » reçu en
germe dès l’origine et auquel l’homme de raison a accès. « Experte
en humanité », l’Eglise a pour tâche de porter de génération en
génération le témoignage, la promesse et de signifier l’actualisation de
ce monde nouveau, inauguré par le Christ.Par le baptême, le chrétien est prophète de son royaume. Il est
député à la transformation de notre monde, pour qu’il devienne, à
l’école de l’Evangile, plus humain, en étant plus près de sa fin, qui
est Dieu. Cette expérience est à signifier dans chaque famille, dans
chaque communauté chrétienne au quotidien de la vie et particulièrement
sur les lieux de fracture sociale, d’injustice et de mépris de la
personne humaine. Notre responsabilité prophétique est de vivre déjà ce
qui doit être vécu par tous, face au risque d’un monde qui se fragmente
par l’atomisation des modes de vie, la vocation prophétique du chrétien
le solidarise de toute l’humanité pour laquelle Dieu a un projet
d’espérance universelle. « Le chrétien habite le monde en venant à lui à partir de son avenir » (Paul VI).
[…]