Au moins une famille chrétienne a décidé de rester :
"Fadi, instituteur de 36 ans, sa femme et son fils attendent une mort quasi-certaine: avec les derniers chrétiens de Mossoul, ils vivent dans l'angoisse d'être exécutés après l'expiration de l'ultimatum des jihadistes qui contrôlent cette ville du nord irakien.
Les combattants de l'Etat islamique (EI, ou Daech en arabe) avaient laissé jusqu'à samedi aux chrétiens pour se convertir à l'islam, payer une forte somme ou quitter la ville, sous peine de mort. Quelque 25.000 chrétiens se trouvaient encore à Mossoul après sa prise par ce groupe ultra-radical le 10 juin, mais la plupart d'entre eux ont fui ces dernières 24 heures suite à l'ultimatum.
"Je reste. J'ai l'impression d'être déjà mort", affirme Fadi, joint par l'AFP au téléphone peu avant l'expiration de l'ultimatum samedi midi (09H00 GMT). "Il ne me reste plus que mon âme et s'ils veulent la prendre, pas de problème!".
Vendredi, les haut-parleurs des mosquées se sont mis à hurler, appelant les chrétiens à quitter la deuxième ville d'Irak, cosmopolite depuis des siècles. (…) Fadi, lui, n'a pas les moyens d'aller se réfugier ailleurs, et ceux qui partent, dit-il, ne sont pas assurés de trouver une vie meilleure.
Quand ils ont fui, ses co-religionnaires "ont été arrêtés par des combattants de l'Etat islamique qui leur ont tout pris: téléphones portables, argent, bijoux", assure Fadi. "Quand mon cousin et des amis ont essayé de discuter avec eux, ils leur ont pris leurs voitures aussi". "Ils ont pris à une vieille femme 15.000 dollars. Elle n'a demandé à garder que 100 dollars et ils lui ont répondu: +c'est l'argent de l'Etat islamique et on ne peut pas te le donner+", rapporte Fadi.
Mais même ceux qui peuvent se permettre de payer la "jizya" préfèrent fuir face à des jihadistes connus pour leur brutalité, qui n'hésitent pas à tuer et à crucifier ceux qui leur résistent.
"Peut-être que certains chrétiens se cachent encore à Mossoul, mais je pense qu'aucun n'a décidé de payer la +jizya+ ou de se convertir. Aucun chrétien ne fait confiance à ces brigands", affirme à l'AFP Yonadam Kanna, éminent dirigeant chrétien. "Ils sont allés jusqu'à voler les alliances des femmes qui s'enfuyaient de la ville, comment peuvent-ils se dire musulmans?".
Ahlam et son mari ont porté leurs deux garçons sur leurs épaules durant les 20 kilomètres qu'ils ont parcourus une fois sortis de Mossoul. "On est d'abord arrivés à Tilkkef, complètement exténués: on n'avait rien mangé ni bu pendant toute une journée", poursuit cette chrétienne de 34 ans.
Dans cette ville au nord de Mossoul –dans la région autonome du Kurdistan– des volontaires attendaient avec leurs voitures pour transporter les centaines de chrétiens, toutes générations confondues, fuyant à pied sous un soleil de plomb, ajoute-t-elle.
Et pour ces déplacés, l'idée d'un retour semble compromise: dans un communiqué, l'EI a indiqué que toute maison abandonnée devenait de fait sa propriété.
"A Mossoul, j'ai laissé ma maison, celle que ma famille avait construite il y a des décennies. Elle a été perdue en un instant. Tout s'est envolé: nos souvenirs, notre maison", dit Ahlam, les larmes aux yeux."