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Fiducia supplicans : “Je n’ai jamais vu un document du Saint-Office être bombardé de la sorte”

Fiducia supplicans : “Je n’ai jamais vu un document du Saint-Office être bombardé de la sorte”

La Vie interroge Massimo Faggioli, historien des religions à propos des nombreuses réctions hostiles à Fiducia supplicans :

Une nouvelle forme d’opposition au pape François est-elle en train d’émerger ?

(…) il s’agit d’un moment très délicat de son pontificat, car , pour la première fois depuis 10 ans, le pape François pouvait rédiger des documents et légiférer avec un cardinal proche de sa sensibilité Victor Manuel Fernandez, qu’il a nommé en assortissant son choix d’une lettre de mission personnelle. Ses prédécesseurs étaient marqués par une sensibilité différente, plus proche de celle de Joseph Ratzinger. Avec Fernandez, il pouvait aller plus loin dans la mise en œuvre de sa vision des choses, et le premier test ne s’est pas très bien passé.

Étonnamment, il y a eu assez peu de réactions d’opposition au document dans l’épiscopat américain…

C’est effectivement un constat intéressant. Aux États-Unis, l’opposition au pape François a commencé dès le début de son pontificat. Un mouvement assez large a commencé à se structurer, porté par des intellectuels, quelques évêques et quelques cardinaux, une grande partie du clergé américain et surtout des laïcs dotés d’importants leviers financiers. Des équivalents américains de Vincent Bolloré, mais bien plus nombreux et organisés. Ainsi, après la publication de ce document sur les bénédictions homosexuelles, il n’y a pas eu de grand tollé, parce que ceux qui auraient pu s’y opposer sont occupés à mener une stratégie différente.

Ils travaillent sous la surface de l’eau, ils créent de nouvelles écoles, des centres de formations et des universités. Ils financent des médias catholiques et travaillent à l’après-François. De la même manière, en Europe de l’Est, en Pologne, en Ukraine, en Hongrie, cette affaire de bénédictions vient renforcer des mouvements de fond silencieux très stratégiques, où les regards sont déjà tournés vers la prochaine étape : le conclave et l’élection du prochain papeDans ce contexte, il n’est pas à exclure que le prochain conclave, et donc des cardinaux choisis par François, élisent un conservateur ou un ultraconservateur.

Une nouvelle forme d’opposition silencieuse, donc ?

Oui, un certain nombre d’évêques, de prêtres et de théologiens ont cessé de dire les choses en public et de s’opposer frontalement à François. Aux États-Unis, certains évêques et cardinaux craignent que ce pontificat ne devienne une sorte de papauté fantôme dans le pays, au sens d’un pape que l’on aurait cessé d’écouter. La manière dont certaines des dernières mesures ont été prises n’a pas aidé. Si Fiducia Supplicans avait été publié à la fin du synode, elle aurait eu davantage de légitimité. La situation est donc très compliquée. Je n’ai jamais vu un document du Saint-Office être bombardé de la sorte. Et ces réactions pourraient changer la dynamique au Synode en donnant aux gens l’impression que quoi que disent les participants, tout sera décidé à la fin par le Vatican et le pape. Pour la synodalité, c’est un passage délicat. Mais pas seulement.

Depuis quelques années déjà, François s’appuie davantage sur ses contacts personnels pour s’informer et prendre ensuite des décisions, en contournant le système institutionnel, le collège des cardinaux, les services diplomatiques… Au moment où le Dicastère pour la doctrine de la foi publiait sa note, le Conseil de cardinaux (C9) tenait une réunion à Rome sur un autre thème. Et comment le Dicastère pour la liturgie a-t-il été impliqué, dans la mesure où cette note porte sur la nature des bénédictions ? Par ailleurs, dans sa nouvelle constitution de la Curie, le pape a placé l’évangélisation avant la doctrine de la foi, qui, ces jours-ci, est placée sous les feux des projecteurs. Quel est le sens de tout cela ? Chacun semble jouer sa propre partition de son côté et cette manière de faire isole le pape dans son gouvernement (…)”

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5 commentaires

  1. Analyse très intéressante.
    Je trouvais en effet assez étonnant de ne pas voir plus de réactions du côté américain mais ils ont sans doute raison de miser sur le temps moyen, voire long.

  2. Article intéressant car Faggioli est un expert reconnu, qui apporte une explication inédite (et qui doit lui peser)

  3. Je n’ai jamais vu non plus un pape comme l’actuel aussi contesté dans ses actes et ses décisions : il est vrai qu’ “il s’éloigne d’un façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail”, de la morale et de la Tradition catholiques, refusant d’être le Vicaire du Christ, ce qui en dit long sur ses intentions …

  4. Les Américains travailleraient donc à la constitution d’un groupe (ou mafia) de Saint Gall à rebours ? Même si en soi cette nouvelle est porteuse d’espérance, il ne faudrait pas que se perpétue cette tendance à vouloir influencer et orienter un conclave qui est sensé se dérouler a l’écart de toute influence extérieure. Dans ce cas, on peut aussi imaginer le lobby homo très puissant au Vatican œuvrer dans ce but.

  5. Ne soyons pas naïfs : il y a toujours eu des groupes (ou des individus) qui ont tenté d’influencer les conclaves…

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