Une tribune a été publiée sur le site de Libération, émanant du Mouvement Juif Libéral de France à propos de l'affaire Lambert. Extraits :
"En tant que représentant du MJLF (Mouvement Juif Libéral de France), exprimant la sensibilité libérale au sein du judaïsme, il est bon de rappeler ici quelques convictions fortes issues de la tradition juive, actualisées par une pratique d’ouverture à la Cité, celle d’un judaïsme dont la tradition n’est pleinement digne que s’il lui est donné une traduction actuelle.
Au sein d’une tradition qui tient la pratique médicale comme une obligation religieuse, nous considérons la personne en fin de vie, dont la mort est raisonnablement imminente, comme un être vivant à tous égards, dont la vie doit être respectée.
Un patient est en droit de refuser une thérapie si celle-ci ne poursuit plus une optique de guérison, ne faisant que prolonger sa souffrance. L’expression des volontés du malade – quand elle est possible – doit être suscitée et respectée.
De même, un protocole médical peut être interrompu s’il ne remplit plus de fonction thérapeutique et consiste uniquement à prolonger la vie. Nous considérons la poursuite de chirurgies invasives sans espoir de guérison comme une «destruction» (‘habalah), le fait d’infliger une souffrance physique inutile au corps humain.
Nul ne peut rester indifférent devant un autre être en état d’agonie physique ou psychologique. Il est de notre devoir absolu de tout faire pour soulager la douleur d’un patient, et nous déplorons que la culture palliative soit insuffisamment développée dans notre pays.
Nous considérons qu’un médecin est en droit d’administrer une médication anti-douleur puissante à un patient mourant, même s’il existe un risque d’abréger sa vie – et si cet effet n’est pas l’intention première.
La nourriture et la boisson étant des besoins humains fondamentaux et universels, nous considérons la nutrition et l’hydratation artificielles comme distinctes des autres formes de réponse médicale à la maladie. Parce qu’il serait étrange de considérer leur prolongation comme de l’acharnement thérapeutique, nous inclinons à les poursuivre de telle manière que, si la mort survient, la cause de celle-ci ne puisse être imputée exclusivement à la déshydratation ou la dénutrition.
L’homme contemporain entretient volontiers le fantasme de maîtriser sa propre mort. Faire de sa mort un acte volontaire est parfois associé à la notion de dignité, et le suicide assisté présenté comme la plus haute expression de l’idéal d’autonomie.
Nous nous élevons contre ces définitions simplificatrices, et contre l’idée selon laquelle la vieillesse, la perte d’autonomie seraient nécessairement des expressions symétriques d’une situation d’indignité, suffisante pour décréter que la vie aurait alors une moindre valeur.
Affirmant la sainteté et l’inviolabilité de la vie humaine, ainsi que la vocation de la médecine comme tentative de susciter la guérison chez un patient, nous soutenons qu’un malade en phase terminale est en droit d’exiger de son entourage et du personnel soignant de la compassion. Celle-ci, toutefois, n’est pas synonyme de suppression de la vie comme réponse à une demande volontaire à mourir, ni de la possibilité d’être actif dans un processus de suicide assisté ou d’euthanasie active.
Observant que l’indignité de certaines situations provient le plus souvent d’une extrême solitude et d’une souffrance morale, nous plaidons pour un développement accru de la culture palliative et, en prolongement de la loi du 22 avril 2005, dite «loi Leonetti», pour l’élaboration de dispositions plus précises concernant la nécessaire collégialité des prises de décisions, l’expression des volontés du malade, ou encore la médiation d’une personne de confiance.
Affirmer des principes ne signifie pas pour la tradition juive formuler une position dogmatique. Toute prise de décision ne se conçoit que par rapport à une personne précise, dans une situation précise, et comme le fruit d’un constant dialogue entre le malade et sa famille, le pôle médical et le rabbin.
Beaucoup de voix s’élèvent, par ailleurs, contre une supposée «hypocrisie» de telle ou telle disposition légale parce qu’elle ne résoudrait pas tous les problèmes, et laisserait la conscience du praticien à sa solitude décisionnelle. Ce reproche, pensons-nous, tient souvent d’un fantasme déçu, celui du «technicisme» : l’illusion qu’une loi, parce qu’elle serait raisonnable et habilement rédigée, pourrait de son imparable logique couvrir toutes les situations, bannir les «zones grises», voire la possibilité de tout cas de conscience. S’il est une richesse que peut porter la parole religieuse, c’est le rappel, d’une part, que la vie bat constamment la loi au jeu de la complexité, et d’autre part, celui d’une notion essentielle, certes ineffable, à qui reconnaît la légitimité de la dimension spirituelle : l’importance majeure de l’intention dans les questions humaines."
Jean Theis
Texte superbe.
Quand on pense que Vincent Lambert aurait pu faire d’autres progrès s’il avait été correctement soigné ! Il n’a aucun soin, ni de kinésithérapie, ni de stimulations appropriées. Le Dr Kariger les refuse. Il refuse même de le laisser partir dans un établissement approprié, prêt à l’accueillir et à le soigner selon son état. Il s’agit vraiment d’acharnement, il veut la peau de son patient, à n’importe quel prix.
Et les médias ne parlent que de l’arrêt de ses “traitements.” Honte à eux qui lancent une partie de la population dans ce désir de mort.
flore
Rien, dans ce qui est bon, que l’Eglise Catholique n’ait déjà dit 100 fois -depuis la loi Leonetti d’ailleurs.
Aympathique -et tardive- copie.
Avec toutefois quelques petits problèmes, que l’on ne retrouve pas dans les argumentations inspirées catholiques :
“De même, un protocole médical peut être interrompu s’il ne remplit plus de fonction thérapeutique et consiste uniquement à prolonger la vie”
Or il se trouve que l’objectif d’un protocole médical, thérapeutique par définition, est toujours la prolongation de la vie. C’est pour que la vie ne soit pas rompue, ni partiellement (pertes fonctionnelles) ni totalement (mort) que l’on soigne. Le distingo thérapie/prolongation de la vie est précisément celui qui fonde les “arguments” à prétention médicale des marchands d’euthanasie. Il est ce qui en la loi Leonetti permet de passer conceptuellement de la thérapie à l’administration de la mort.
Clovis
Ce texte a la limpidité cristalline de la vérité: celle que le monde actuele tend à rejeter. Cette vérité est: la vie est un don de Dieu. Merci au MJLF d’avoir publié ce texte si intelligent et si sensible. Oui, il rejoint la position de l’Eglise, comme vous dites. Mais cette position de l’Eglise, où l’entend-on an ce moment?
P.R.
Oui beau texte. Dommage qu’il n’ait que très peu d’écho dans les médias, comme d’habitude dès qu’on va contre les préceptes du politiquement correct.
flore
@ Clovis
“Mais cette position de l’Eglise, où l’entend-on an ce moment?”
Partout, sauf dans Libé et dans l’ensemble des media subventionnés, bien entendu.
Vous ne voulez quand même pas reprocher à l’Eglise de se faire boycotter par ces media je pense ?
Fort intéressant d’ailleurs que quand c’est l’Eglise qui le dit Libération ne publie surtout pas (mais ne se prive pas de cracher), alors que si c’est un organisme de la même confession que son plus gros actionnaire…
J’aurais même pu préciser que les Catholiques Traditionalistes s’expriment encore plus clairement là-dessus. Mais eux, vous ne risquez pas non plus de les lire dans les medias.
Clovis
Merci Flore, je partage vote point de vue et ne lis pas Libération, mais si vous me dites “partout” où faut-il que je cherche? J’ai trouvé ici sur SB l’info que dès la promulgation de la loi Léonetti ( en 2007) le Cardinal Vingt-Trois avait soulevé le problème.
flore
Je n’ai pas dit “partout”…
mais “Partout, sauf dans Libé et dans l’ensemble des media subventionnés, bien entendu.”
Malheureusement ils sont nombreux. Même sans lecteurs. Même avec des chutes d’audiences phénoménales.
Les sites catholiques se développent, c’est donc là qu’il faut chercher puis de là propager. N’oubliez pas les sites catholiques tradis, en général ils font moins de … conciliations.
DUPORT
Un texte bien tardif qui arrive après la bataille !
Les seuls combattants que je connais c’est l’avant garde et ceux qui sont présents à la bataille…