Finalement, un juge d'instruction va ouvrir une enquête pour homicide involontaire suite à l'embuscade d'Uzbeen en Afghanistan qui avait coûté la vie à dix militaires français en août 2008.
L'avocat des deux familles à l'origine de la procédure, Gilbert Collard, qui avait également défendu la famille d'un pilote tué accidentellement aux commandes de son Mirage F1, a déclaré :
"C'est une réaction de soulagement parce que, par l'intermédiaire du procureur, l'Etat a tout fait pour que cette instruction ne soit pas ouverte. Il aura fallu se battre mais on va enfin savoir comment ces jeunes soldats sont morts, comment ils ont été sacrifiés. On n'a jamais dit qu'un militaire, quand il endossait un uniforme, n'endossait pas sa mort possible. En revanche on a toujours dit qu'on n'avait pas le droit d'envoyer des soldats à la mort sans leur donner les moyens de se défendre, sans leur donner les moyens d'échapper à un guet apens construit par la négligence, par le laxisme de la hiérarchie."
Du côté des réactions politiques, on notera avec attention la déclaration de député (UMP) du Rhône Christophe Guilloteau :
"J'ai fait partie des cinq députés qui sont partis pour l'Afghanistan, après Uzbeen. Nous avons rencontrés les frères d'armes des blessés et des morts, leurs chefs, et les explications nous ont paru plausibles (…)
L'information d'aujourd'hui me surprend beaucoup. L'engagement militaire ne peut pas se limiter au défilé du 14 juillet, et on sait que cet engagement expose à des risques. Mais ce qui me gêne est que l'enquête sera forcément difficile à mener : une reconstitution est impossible, on ne va pas demander aux insurgés de refaire les gestes de cette journée. Et une enquête de ce type ne peut être menée depuis un bureau, à Paris, à seulement entendre des communications radio de l'époque, ou quelques militaires, dont la plupart ont d'ailleurs quitté l'armée depuis. Le traitement de la justice ne sera donc pas équitable."
Lors des voeux du ministère de la défense, l'amiral Edouard Guillaud avait appellé à la vigilance quant à ce qu'on appelle "la judiciarisation" :
"(…) La judiciarisation, qu’elle soit nationale ou internationale. Quand elle est excessive ou mal comprise, elle met en péril notre efficacité opérationnelle. L’esprit de décision des chefs militaires ne doit pas être inhibé par la prise de risque inhérente au métier des armes. Un soldat qui meurt au combat n’est pas une victime : c’est d’abord un homme ou une femme qui va au bout de son engagement".
On pourra lire également les propos du général Christian Baptiste, alors porte-parole du ministère de la Défense :
"Il faut savoir que nos soldats, là-bas, ne font pas la guerre, mais ils rencontrent, de temps à autre, des épisodes de guerre extrêmement violents (…) il n’y a jamais eu d’immunité judicaire pour le soldat au combat, mais (…) se pose la question de savoir si le fait de soumettre à l’appréciation d’un juge les techniques et l’art militaire n’induit pas un risque très fort d’inhiber et de désincarner nos forces. Un risque de paralyser nos jeunes chefs au combat, ce qui rendrait le combat encore plus difficile. Parce que si à chaque fois que vous donnez un ordre, vous vous dites : ’Dans dix mois, douze mois, cela va passer au tamis d’un juge qui va essayer de juger mon appréciation de la situation’, cela amène de la paralysie et cela pourra, au final, rendre le combat plus dangereux"."
PK
D’accord sur le principe…
Il n’empêche que les procédures de combat alors en vigueur était d’un autre âge alors même que tous les autres pays en pratiquaient d’autres…
Si nos paras sont morts, ce n’est pas tant parce qu’ils ont été tué au combat mais faute d’avoir eu assez de munitions pour « tenir »…
Curieusement, après, la dotation en chargeurs a été doublée et alignée sur celle des autres pays…
Il y a bien eu négligence quelque part et à ma connaissance, personne n’a été « punie » pour avoir oublié qu’on ne faisait pas une patrouille de maintien de la paix en métropole…
PG
La hiérarchie se moque du monde.
Les ”jeunes chefs” qui sont en Afghanistan se plaignent tous du manque de moyens, de la vétusté des matériels, et dans le cas de cette embuscade, du fait qu’un hélicoptère qui devait servir d’appui, a fait défaut, que le matériel de transmission était obsolète, etc…..
Il y a une différence entre faire la guerre, accepter le risque de mourir inhérent au combat, et mener des opérations avec des risques excessifs faute des moyens répondant aux normes préconisées durant la période d’instruction de ces ”jeunes chefs”, et ceci sous le commandement d’officiers supérieurs qui ouvrent des parapluies en permanence pour masquer ce que tous les officiers de retour d’Afghanistan disent et redisent.
La méthode de Mtre COLLARD répond au cadre légal et juridicisé de la France d’aujourd’hui : quand il y a mensonge d’Etat, même couvert par des officiers supérieurs, il est logique de demander à la justice de permettre à la société français de connaître ce qui se fait en son nom, et pourquoi meurent des soldats.
Surtout quand les mêmes qui jugeaient indispensable d’aller en Afghanistan, décident brusquement qu’après tout, on pourrait en partir.
Cet échec faute de moyens tactiques et de stratégie est aussi un échec de N. SARKOZY : ce qui a été dépensé en Lybie eut été utile en Afghanistan. On ne peut installer des talibans ou équivalents en Tunisie et Lybie, et les combattre en Afghanistan.
[Tiendriez-vous les mêmes propos si les actions en justice visaient la hiérarchie militaire lors des guerres d’Indochine (tragédie de la RC4, Dien Bien Phu), de la guerre d’Algérie (où nombre de soldats moins aguerris que ceux d’Uzbeen sont décédés) ou même de Kolwezi, de Bosnie ou du Liban ? Les raisons qui poussent un gouvernement légitime à engager une guerre n’ont rien à voir dans le débat sinon on refait l’histoire de toutes les guerres.
PC]
nemo
à PG
En Afghanistan nous nous battons aux cotés de l’armée la plus moderne et la plus “performante” du monde : l’armée américaine .
Elle a exactement les memes pertes (au pro rata)et dans les memes circonstances : ce n’est donc pas le relatif “sous équipement” de notre armée qui explique nos morts .
Dans les conflits dissymétriques les armées occidentales resteront toujours très vulnérables : ce n’est qu’une constatation pénible depuis 40 ans .
Nos militaires qui risquent leur vie … vont aussi risquer la prison à leur retour d’OPEX ! c’est insensé …
Bernard S
Qui est responsable du manque de moyens des armées ? Qui vote des budgets systématiquement réduits, des lois de programmation régulièrement amputées ?
JL
Bernard S a raison. Les lois de programmation ne sont jamais respectées et le buget de la défense est trop souvent une variable d’ ajustement. On va voir après l’ élection présidentielle.
PG
@ PC et Nemo
Je comprends vos réticences. mais si dans les conflits anciens que vous citez, la transparence avait été de mise sur les enjeux les moyens, etc…., peut-être que les défaites n’auraient pas été possibles, d’autant plus que même après Dien Bien Phu, un redressement eut été envisageable. Mais les politiques, dont l’infâme DE GAULLE ont cédé devant la propagande communiste.
Il existe en France une absence de débat sur les sujets militaires, un aplatissement du corps des officiers supérieurs, renforcé après la révolte ratée des généraux vainqueurs en Algérie mais ”vaincus” sur ordre de DE GAULLE, qui oblige à poser le débat.
Le moyen utilisé, la justice, sera t il pire que le mal ?
Pas certain : les USA ont autant de pertes que nous, certes, mais justement, traditionnellement nos armées en avaient moins qu’eux à effectifs et situations militaires comparables. L’Afghanistan après les Balkans, marquent un tournant : il faut en sortir.
Beaucoup d’officiers disent que l’embuscade d’UZBEEN aurait eu moins de conséquences si cette unité avait pu être secourue par des moyens qui apparemment ont fait défaut. Certes il y a des défaites héroïques, et ces soldats tombés n’ont pas démérité : mais leurs chefs ont accepté de mener cette guerre dans un cadre fixé par les politiques, et ne permettant pas d’éviter ces pertes inutiles.
L’institution militaire doit rendre des comptes à la nation comme les autres : cela fera apparaître au grand jour les manquements des politiques, beaucoup plus que ceux des officiers supérieurs ou des ”jeunes chefs”. Les généraux cités qui défendent leurs jeunes camarades oublient qq peu qu’en France, les énarques ont envahi le Ministère de la Défense, conséquence de leur abaissement.
On a dépensé en Lybie ce qui manque en Afghanistan : le débat a t il vraiment eu lieu au parlement ?
A force de toujours tout recouvrir en France d’un voile pudique, alors que nous nous prétendons en démocratie, on finit pas ne jamais poser les vraies questions. Et dans cet interstices du silence, ce sont toujours ceux qui agissent et sont sur le terrain qui paient les erreurs du système : un procès aura (peut-être) le mérite de faire éclater au grand jour l’affaiblissement de nos forces armées, voulu par les politiques depuis 30 ans, voire plus. Chacun devra prendre ses responsabilités, et pour une fois, des officiers supérieurs pourront, s’ils en ont le courage, mettre en cause l’impossibilité des missions qu’on leur ordonne de mener.
Et les politiques ne pourront pas se dérober et devront eux aussi rendre des comptes ?
Quand le Parlement est devenu un parlement croupion, faute de démocratie réellement représentative, le citoyen s’adresse au juge.
Dans une société, les vérités ou la faits que l’ont tente de masquer ressortent toujours au grand jour. Si le débat sur la Défense n’a pas lieu par les politiques, il aura lieu par les juges. Tout au moins peut-on l’espérer.
[Ce que vous dîtes est sans doute vrai en partie. Le seul bémol est que les militaires sont aux ordres des politiques. Les critiques et plaintes devraient donc être portées vers les responsables politiques qui ont diminué les budgets et pas vers les officiers généraux qui mettent en oeuvre ce qu’on leur impose malgré tous les efforts faits pour obtenir ce dont ils ont besoin.
Mais là on est dans la science fiction car, comme pour le procès Chirac, on pourra toujours attendre. Le risque est donc de s’en prendre à de bons et loyaux serviteurs de l’Etat que sont les officiers dont vous parlez qui ont été de petiys chef aussi… Il ne faut pas caricaturer. Le pourcentage de “pourri” est sans doute beaucoup plus faible que dans d’autres ministères.
Le ministère de la défense joue sur du velour car personne ne conteste une fois les décisions prises et imposées. Les généraux qui claquent la porte ne sont pas nombreux et si ils le faisaint, cela ne servirait strictement à rien car il n’ y aurait pas d’éclat médiatique car tout le monde s’en fout. je crois qu’ils essayent et obtiennent satisfaction sur certains points : par exemple, il est faux de dire que les soldats français sont aujourd’hui mal équipés en Afghanistan. Tous les témoignages disent le contraire.
PC]
SD-Vintage
J’adhère à tout ce qui a été écrit ci-dessus, notamment le silence des médias sur l’armée, l’absence de débat, la responsabilité du personnel politique, la critique impossible. Je remarque que dans la presse anglaise, l’équipement des soldats est une vraie question au grand jour, comme les méthodes de l’armée.
Il y a un problème plus général, commun à l’armée et à l’administration, c’est que les hiérarchies ne sont jamais responsables. Dans d’autres pays, il y aurait une commission parlementaire, des débats dans la presse autrement que dans « valeurs actuelles ». Mais chez nous, le Parlement fait de la figuration.
Je crois que les dépenses d’équipement ont augmenté dans l’armée sous Nicolas Sarkozy, comme dans la police d’ailleurs, malgré la réduction des effectifs.
Et sinon, effectivement en France on attend la catastrophe pour commencer à y songer.
On verra bien ce qui sortira de ce procès, si tant est qu’il ait lieu (qu’en pense la Cour de cassation ?)
Jean Chavagneux
La transformation en enjeu judiciaire de notre environnement est un mal profond. Ce dossier est symptomatique d’une époque qui veut tout régler dans les prétoires. Il faut bien comprendre qu’une fois saisi le juge ne peut que rendre une décision. (Il ne peut pas se “défausser”). On en est arrivé en l’espace de trente ans à l’émergence d’une jurisprudence envahissante en matière de responsabilités de toutes sortes.
Il ne faut pas s’étonner après d’avoir le sentiment d’une justice intrusive qui donne son avis sur tout. Il ne faut pas non plus être surpris par l’émergence de principes contestables comme celui de “précaution”. Bientôt ce principe de la trouille imprègnera également de sa marque la chaine du commandement militaire.
Soazig NEDELEC
Je suis désolée pour ces familles…
Ils ne sont pas mort pour rien….
la Liberté et l’Honneur de la Patrie…
ringard n’est-ce pas…
Je ne pense pas que “eux” seraient fiers de leur parents dans les circonstances présentes…
honte même…!
Ces familles ont accepté…
la solde à l’air…(8eme RPIMA…)
les campagnes…double ou triple…c’est sympa non…?
Ils se sont engagés…
personne ne les a obligé…
chaque soldat en OPEX sait qu’il peut rencontrer la mort…
c’est aussi sa gloire…et…de continuer malgré tout…
Ceux du ” 8 “…à chaque saut…je le sais…
Je vous semble dur..?
Non….je sais de quoi je parle…je suis veuve…
J’ai perdu son enfant que je portais…pas d’amertume…
Pour son honneur à lui…
jamais je n’aurai permis ce genre de procès…
Il disait…dans l’armée maintenant…on prend n’importe QUOI…
il avait raison…HONNEUR à NOS MORTS…!
trolltetram
“Arma togae cedant”.
Même si, dans mes “tripes”, je désapprouve l’intervention de la justice dans cette affaire, ma raison me dit qu’il est souhaitable que les armes restent inféodées au pouvoir civil.
Ce qui se passe actuellement aux USA est très inquiétant; voyez plutôt:
http://www.dailymotion.com/video/xnyfa1_obama-et-la-loi-sur-la-detention-prolongee-loi-ndaa_news
http://www.dailymotion.com/video/xncdnt_le-gouvernement-americain-promulgue-la-loi-martiale_news#rel-page-15