Pertinente analyse de Jean-Marie Guénois suite à la dernière déclaration de Mgr Fellay :
"Je vois deux lectures fondamentalement opposées de l'interview donnée par Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Saint Pie X à propos des négociations en cours avec Rome. Les uns retiennent qu'il juge irrecevable, en l'état, le « Préambule doctrinal » qui lui a été remis le 14 septembre dernier comme base d'un accord cadre pour un éventuel retour dans l'Eglise catholique. Les autres qu'il amende - comme demandé d'ailleurs par le Saint-Siège - ce document de travail, pour poursuivre la négociation selon la méthode convenue pour parvenir, pas à pas, à un accord.
Je me garde bien de trancher dans un sens ou dans un autre. Pour l'heure tout va vraiment dépendre de la réponse romaine à la réponse de Mgr Fellay. Et rien n'indique que le Saint-Siège ne lui donne pas satisfaction dans la mesure où jusque là, selon la volonté de Benoît XVI, toutes ses demandes ont été exaucées (levée des excommunications, normalisation de la messe selon l'ancien rite, confrontation théologique sur le Concile Vatican II). […]
On sait également – c'est une donnée paradoxale de cette recherche d'accord – que Rome assume le désaccord quasi-total à propos du Concile Vatican II ! Il a été dûment constaté, je dirais même scientifiquement constaté, après les fameuses discussions théologiques entre experts des deux parties sur l'objet de la rupture, le Concile Vatican II. C'est ce point que l'on comprend mal de l'extérieur. Beaucoup estiment que ce désaccord dont l'interview de Mgr Fellay donne une image précise représente un point de rupture alors qu'il représente pour Rome un point de départ. C'est en connaissance de cause, sur la base de ce désaccord que le « préambule théologique » a été proposé à Mgr Fellay.
Dès lors, la partie vraiment sérieuse, historique, commence. Si Rome va dans le sens des nouvelles demandes de Mgr Fellay – et le Saint-Siège qui n'est pas un débutant en matière de négociations – s'y expose en proposant cette méthode progressive de mise au point commune d'un texte, alors le tournant sur « l'herméneutique » de la continuité à propos du Concile Vatican II, porté par Benoît XVI, ne sera plus une intention mais un acte majeur du pontificat et de l'Eglise catholique. Non que l'Eglise catholique revienne sur le Concile Vatican II comme Mgr Fellay le souhaite, mais elle relativiserait la portée de certains de ses contenus. Et ce dans le cadre d'une « discussion légitime » – concept clé et nouveau qui est apparu à la faveur de ces récentes négociations avec Ecône.
Autrement dit, cela marquerait non pas « la victoire des intégristes sur les progressistes » mais la fin d'une certaine « sacralisation » du Concile Vatican II dans l'Eglise catholique et le début d'une réconciliation – elle sera longue – avec son passé récent et sa « tradition ». C'est en tout cas exactement ce que Benoît XVI vise. […]