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Homélie de Mgr Castet prononcée au pèlerinage Feiz e Breizh

Homélie de Mgr Castet prononcée au pèlerinage Feiz e Breizh

Homélie prononcée lors de la clôture du pèlerinage Feiz e Breizh à Sainte Anne d’Auray le dimanche 29 septembre 2024, par Son Excellence Monseigneur Alain Castet, évêque émérite de Luçon :

Bien chers frères et sœurs, chers pèlerins,

Au terme du Pèlerinage que vous venez d’accomplir pendant deux jours, il est juste que nous honorions en ce lieu béni, Sainte-Anne, elle qui fut la mère de celle qui enfantera le Sauveur du monde. Elle fut cette « femme forte », délicate et prévenante, évoquée aujourd’hui par la Sainte Écriture, cette femme guidée par la « crainte de Dieu », une crainte suscitée par la Sagesse divine qui, par elle, guide et oriente toute vie droite. Elle fut, avec son époux Joachim, la figure accomplie du peuple fidèle, dépositaire des promesses du Seigneur, ce peuple qui avance avec confiance « comme s’il voyait l’invisible ». En donnant la vie à la Vierge Marie, qui a bénéficié, dès sa conception, du choix de Dieu, elle connut la grâce de percevoir l’aurore du salut.

Votre belle initiative, qui connaît sa septième édition est bénie par Dieu, comme en témoigne la croissance continue de ceux qui participent à votre pèlerinage. Celui-ci, vous le savez, s’appuie sur trois piliers :
– L’urgence de la mission.
– La fidélité à la Tradition.
– La conscience du patrimoine.

Elle se fonde dans une ferme confiance en Celui qui possède les « paroles de la vie éternelle ». Jn 6/68. Dans le monde que nous connaissons, désorienté et ballotté aux quatre vents des modes, « a qui pourrions nous aller ? » vous avez découvert et suivi Celui qui est « le seul médiateur entre Dieu et les hommes. »1 Tim 2/5, Celui qui est l’unique et indispensable Sauveur de tous.

L’enseignement de Saint Pierre dans le livre des actes des Apôtres est sans ambiguïté : « Il n’y a pas sous le soleil d’autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés. » Ac 4/12. Ainsi, vous avez goûté le bonheur de celui qui croit et espère et vous souhaitez le partager.

Vous accueillez le message du Salut dans une fidélité inébranlable à la sainte Tradition, dans la fidélité à «l’unique vraie religion qui…subsiste dans l’Eglise catholique et apostolique, à laquelle le Seigneur a confié le mandat de la faire connaître.» Dignitatis Humanae. Éclairée et guidée par le Saint-Esprit, elle nous a transmis la vraie foi, en l’approfondissant et l’explicitant comme dans un développement organique, qui ne peut connaître aucune rupture. Grâce à elle, vous avez contemplé la « splendeur de la Vérité ».

Enfin, La tonalité de votre pèlerinage le proclame clairement : nous sommes des héritiers qui désirent transmettre. Mais comment transmettre sans être véritablement enracinés ?

Permettez-moi d’insister plus particulièrement aujourd’hui sur la dimension missionnaire de votre démarche. Devenus les témoins consternés de l’effacement de l’être spirituel chez un grand nombre de nos contemporains, qui connaissent un vrai désert intérieur qui les rend vulnérables à l’illusion, à des religions de substitution, ou encore prisonniers des passions et jouets des mouvements d’opinion, tout comme des déterminismes apparents, nous ne pouvons pas nous résoudre à constater passivement une situation que le serviteur de Dieu Benoît XVI qualifiait d’« oubli de Dieu ». Dans son encyclique « Caritas in veritate », celui-ci enseigne : « En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes et que, tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’y manifestent toujours plus en son sein. » Il désigne donc l’urgence absolue : « rendre Dieu présent dans ce monde. » Telle est la charité suprême que nous sommes appelés à exercer.

Il y a quelques jours, l’Eglise célébrait la fête de l’apôtre et évangéliste saint-Matthieu. Comment ne pas être docile à l’injonction donnée par Notre Seigneur, a la fin de son Évangile : « allez, de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ». Mt 28/19-20. Fidèle à cet enseignement, nous ne pouvons pas nous taire, ni nous contenter d’une simple bienveillance, évidement nécessaire, envers le frère, ou encore nous limiter à un simple dialogue, qui renoncerait à désigner le chemin du Salut. Selon l’enseignement du livre des Actes des Apôtres : « il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». Ac 4/20. La parole de l’Apôtre est encore plus vigoureuse : « malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile ! ». 1 Cor 9/16. Comme l’enseignait celui qui était encore le cardinal Ratzinger, « le courage de la vérité est un critère de premier ordre de la sainteté ». Et, même si aujourd’hui, les ouvriers paraissent peu nombreux, si leur témoignage est fréquemment tourné en dérision, nous ne devons pas céder au découragement, à la manière de ceux qui se contentent de gérer le déclin avec frilosité, car affirme aussitôt Notre Seigneur, afin de nous réconforter, après avoir désigné le chemin de la mission : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Mt 28/21.

Nous savons aussi que pour toute entreprise conduite selon le désir de Dieu, même si sa réalisation semble humainement être au-delà de nos forces, nous recevons du Seigneur la grâce nécessaire pour l’accomplir. Puissions-nous nous laisser gagner par l’inquiétude spirituelle qui habitait le coeur des grands missionnaires. Je pense à cette lettre que saint François Xavier, apôtre de l’Asie, adressait à Saint Ignace : « J’ai souvent eu l’idée de parcourir toutes les universités d’Europe et d’abord celle de Paris pour hurler partout d’une manière folle et pousser ceux qui ont plus de doctrine que de charité en leur disant : « hélas, quel nombre énorme d’âmes, exclues du ciel par votre faute, s’engouffrent dans l’enfer. Beaucoup d’entre eux, bouleversés par cette pensée, aidés par la méditation des choses divines, … rejetant les ambitions et les affaires humaines, se soumettraient tout entiers, définitivement, à la volonté de Dieu : oui, ils crieraient du fond du cœur : Seigneur, me voici, que veux-tu que je fasse, envoie-moi n’importe où tu voudras. »

Aujourd’hui, l’apostolat et le témoignage s’exercent, non seulement dans les lointains, mais aussi à nos portes. Notre appréhension est compréhensible. La démarche que nous venons d’accomplir, figure de notre pèlerinage terrestre, a révélé notre fragilité, en nous faisant éprouver la fatigue de la route. Dès les origines de l’Eglise, le Divin Maître souhaite nous rassurer. Il choisit douze compagnons qui, par bien des aspects nous ressemblent. C’est à eux qu’il confie l’évangélisation du vaste monde, car nous enseigne l’Apôtre des nations, méditant sur son expérience apostolique : « ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse… Je préfère bien volontiers me glorifier de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ habite en moi. » 2 Cor 12/9.

Comment, au fil des jours, discerner la volonté de Dieu sur nous et trouver les ressources pour l’accomplir ? N’oublions jamais que Jésus marche à nos côtés. La parole de Dieu nous dit sa proximité : « voici que je me tiens à la porte et que je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » Ap 3/20 Saint Bonaventure commente ainsi : « nous ouvrons notre porte pour le recevoir, à l’appel de sa voix, lorsque nous donnons notre libre assentiment à ses avertissements intérieurs et extérieurs et que nous mettons à exécution ce que nous avons compris ». Ainsi comment ne pas accueillir l’injonction impérative du Seigneur ? Comment ne pas la mettre en pratique dans notre vie quotidienne. Nous ne le proclamerons jamais assez haut et fort : la nature de l’Eglise est d’être missionnaire. En conséquence, le devoir de chaque baptisé est de contribuer à l’apostolat selon sa vocation propre.

Ne cédons jamais aux pressions du monde qui souhaite nous faire taire, et qui, par des initiatives à apparence légales, refuse aujourd’hui que l’enseignement évangélique et celui de l’Eglise résonnent dans le champ public. Nous ne pourrons jamais accepter que la parole de Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » Jn 14/6 soit reléguée dans des cénacles étroits.

Tout au long du chemin, nous avons marché sous le regard maternel et protecteur de la Vierge Marie. Elle nous a été proposée comme « modèle de foi ».
Elle est celle qui acquiesce à la volonté de Dieu au jour de l’Annonciation et qui accompagne nos « oui » de chaque jour : « Qu’il me soit fait selon Ta Parole » Lc 1/38, celle qui désigne le Sauveur lors des noces de Cana et nous conduit à Lui, tout au long des jours que Dieu nous donne : « Faites tout ce qu’il vous dira »Jn 2/5, celle qui fortifie notre Foi et notre Espérance à l’heure décisive, et qui nous conduit vers la Lumière au temps de l’épreuve, celle qui nous est donnée pour mère au pied de la Croix : « Voici ta mère » Jn 19/25-34.

Un cistercien du 12e siècle, Adam de Perseigne, nous révèle combien le choix de Dieu, dès la conception immaculée de la bienheureuse Vierge Marie, nous la donne comme guide et modèle : « Dieu a choisi Marie comme chemin pour venir jusqu’à nous. Il l’a disposée aussi comme route à suivre pour regagner notre patrie. » Les mots du « souvenez-vous » ne peuvent que nous revenir à l’esprit : « Souvenez- vous, Ô très miséricordieuse Vierge Marie qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui avaient eu recours à votre protection, implore votre assistance, réclame votre secours, ait été abandonné. »

L’enfantement du Sauveur s’inscrit évidemment dans l’histoire, aux jours de l’Incarnation. Mais il advient également au fil des siècles, dans le temps de l’Eglise, par l’œuvre d’évangélisation qui le réalise dans le cœur des hommes. La Vierge Marie, par sa délicate intervention et sa sollicitude constante, plus particulièrement auprès de ceux qui ont su garder un cœur d’enfant, soutient la mission de l’Eglise et participe à cet enfantement. Ainsi, par son intervention et sa présence aux côtés de chaque témoin de la foi, elle contribue à la réalisation des promesses faites à Abraham: «je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du Ciel. » Gn 26/4.

Même chez ceux qui ont vécu un éloignement de l’observance régulière, elle demeure cette mère aimante qui ramène les enfants de Dieu dispersés à leur Père. Un prisonnier ne disait-il pas dans la solitude de sa geôle : « Vous pouvez tout oublier, mais n’oubliez pas la Mère de Dieu, alors vous vivrez. » Je me souviens également du témoignage d’un aumônier de la Grande Guerre, relatant son expérience des tranchées. A l’heure décisive de la mort, disait-il, les jeunes hommes, et parfois même les plus mécréants, appelaient dans leurs derniers instants deux femmes à leur secours : leur propre mère et la Vierge Marie, se souvenant de la prière litanique de l’Ave Maria : « priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. »
Puisse l’Eglise demeurer, selon le mot d’un auteur contemporain, bien compréhensible par les amoureux de la mer, parvenus à bon port, après avoir connu des épreuves : « celle qui regarde Marie, comme une flotte dans la tempête, regarde le premier navire, qui a franchi la barre et gagné le port ».

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