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L’avenir du FN se joue sur sa capacité à accroître son agilité stratégique sans détruire sa spécificité

Analyse intéressante de Jérôme Sainte-Marie pour le Figaro :

"La crise que traverse le Front national a l'apparence de la rénovation, de l'aggiornamento, de ces phases de transition qui suscitent au premier abord une faveur générale mais s'achèvent parfois par la destruction du système que l'on s'était promis d'adapter aux temps nouveaux. De manière moins ambitieuse, et partant moins risquée, l'avenir du parti de Marine Le Pen se joue sur sa capacité à accroître son agilité stratégique sans détruire sa spécificité.

En termes de mutation ratée, la référence à l'extrême-droite est constituée par le Mouvement Social Italien, dont l'héritage mussolinien a été liquidé par Gianfranco Fini, et qui, après avoir changé jusqu'à son nom, se perdra dans une alliance gouvernementale avec Berlusconi. Il est pourtant un autre exemple, beaucoup plus proche, celui du Parti communiste français. Ainsi, au cours des années 1970, il a mené un travail idéologique en profondeur, consistant à liquider un héritage léniniste qui, de fait, le plaçait en marge du système politique. Cette entreprise, achevée par Robert Hue (…) a largement contribué à l'élimination presque complète d'un vote communiste qui concernait un Français sur cinq. Dès lors que toute spécificité idéologique était niée, et cela par ses propres dirigeants, le «parti de la classe ouvrière» devenant le «parti des gens», tout intérêt disparaissait pour ce vote. Le plus logique était de voter utile dès le premier tour, c'est à dire pour le Parti socialiste. Et le Parti communiste disparut pratiquement.

En quoi ces exemples historiques nous informent-ils sur les risques courus par le Front national? Tout simplement par le caractère distinctif de l'expression électorale et de la participation militante. Pour ses électeurs, voter pour le Front national, c'est aujourd'hui se démarquer radicalement du reste de l'offre politique. La forme de dissidence pratiquée par Jean-Marie Le Pen a eu son utilité politique, mais toutes les études d'opinion montrent qu'elle est désormais massivement rejetée par les sympathisants frontistes. Ceux-ci ne souhaitent pas pour autant une mise en conformité avec les valeurs et les manières de l'UMP ou du Parti socialiste. Marine Le Pen profitait largement du partage des rôles avec son père, car ainsi elle pouvait manœuvrer sur des terres idéologiques nouvelles sans que soient rompus les liens avec le terreau d'extrême-droite. Désormais, il lui revient d'assumer l'ensemble de la doctrine frontiste.

C'est là que surgit la difficulté. Il existe en France une fraction irréductible de l'électorat qui exprime son attachement aux valeurs traditionnelles et s'accommode mal de la neutralité en matière de mœurs. La mobilisation autour de la Manif pour tous (…) a renforcé la conscience qu'elle avait de son existence (…) Les tensions culturelles (…) ne font que se renforcer, à mesure qu'implose le projet de transformation sociale portée par la gauche.

Le fatras idéologique qu'était le Front national de Jean-Marie Le Pen permettait paradoxalement d'attirer ces électeurs au moins épisodiquement. La convergence des électeurs de l'UMP et du FN sur l'immigration et l'islam (…) s'accompagnait, pour une partie moindre de chacune de ces deux ensembles, d'une vision commune de l'identité nationale. Cette dimension, qui ne se réduit pas à la préférence nationale défendue par Marine Le Pen en matière économique et sociale, risque de se trouver un peu orpheline avec la mise à l'écart de Jean-Marie Le Pen.

Dès lors, et une fois mentionnés les gains d'image immédiats que devrait réaliser Marine Le Pen avec sa démonstration d'autorité, et les perspectives élargies de prise de pouvoir que cela signifie, un risque important doit être signalé. Les élections départementales ont montré l'élargissement géographique du Front national, s'étendant notamment vers l'Ouest. De manière parallèle, il s'est développé dans des catégories plus âgées, plus marquées par le catholicisme, ce qui lui est d'autant plus précieux qu'il s'agit de personnes moins vulnérables à l'abstention. Cette progression est fragile, et elle ne se fait pas sur les dossiers économiques, mais malgré les positions du Front national à ce sujet. Elle exprime une inquiétude, voire une colère, dont ce parti composite apparaissait jusqu'à présent comme le moins mauvais vecteur, et qui se jouent avant tout sur le terrain culturel.

Un tour moderniste donné au discours du Front national serait certainement loué dans la sphère médiatique ; il serait pourtant préjudiciable à la fidélisation de ses gains récents tout autant qu'à la loyauté des soutiens les plus anciens. L'UMP ne paraît pas en position d'en profiter, n'exprimant pas de positions claires et constantes sur les enjeux culturels. Ceci ouvrirait donc un espace politique, à côté du Front national, centré sur les valeurs identitaires. L'agilité stratégique de Marine Le Pen n'en serait pas diminuée, et à condition de maintenir le caractère distinctif de son parti sur le thème central de la préférence nationale, qui offre quelques passerelles avec l'enjeu identitaire, elle pourrait y trouver son compte dans la perspective des seconds tours à venir."

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9 commentaires

  1. Le FN a montré ses failles de sécurité et ses faiblesses dans la crise actuelle. Il va décevoir. La monarchie ne s’improvise pas….

  2. Jerome Sainte Marie oublie quelque chose dans son analyse. Le PCF était soutenu à bout de bras par l’URSS qui s’est effondrée; je ne suis pas politologue mais ca a du jouer un petit peu je pense.
    Il y a ensuite le fait que le PCF a abandonné les classes populaires pour s’occuper des “minorités” et c’est cela qui a favorisé leur déroute électorale.
    Je suis d’accord avec la suite de l’article! :)

  3. Cette analyse d’un politologue serait plus digeste avec une expression plus simple.
    Le FN ne sera crédible qu’en présentant un projet politique clair et en élargissant son implantation.
    Les récentes élections départementales ont montré que sur ce dernier point il existe encore de nombreux déserts, ce que prouve le faible nombre de ses élus.
    Il doit viser 2022 et non 2017.

  4. Le fn a surtout le vent en poupe à cause de l’inquiétude grandissante des gens sur les dangers de l’invasion migratoire accèlérée et de plus en plus nuisible due à l’impunité par les complicités umps ,et cela malgré toutes le betises du fn actuel ….

  5. Le recentrage et la normalisation du parti mariniste, son déplacement sur la gauche, ouvre en effet un « espace politique, à côté du Front national, centré sur les valeurs identitaires ». L’analyse de Jérôme Sainte-Marie rejoint celle de Carl Lang évoquée sur le Salon Beige il y a quelques jours. Il y a un « espace électoral important » à “droite” (pour faire court) abandonné en jachère depuis des décennies par la droite molle et par le FN depuis 2007 (virage à gauche), alors même que les événements et la situation de notre pays font que les valeurs traditionnelles ont le vent en poupe !
    Beaucoup d’électeurs votent pour le nouveau FN par défaut ou s’abstiennent. Il en est d’ailleurs de même pour l’UMP. D’évidence, si un mouvement politique, ancré sans provocation ni indécision dans les valeurs traditionnelles qui ont fondé et grandi notre civilisation, voit le jour et se fait connaître à un public le plus large possible, il est plus que certain que cette formation rencontrera un réel succès d’un point de vue politique.
    Marine Le Pen, avec tout le respect que nous lui devons, n’est qu’une construction artificielle et médiatique. Elle n’a pas vraiment de conviction. Elle se conforme donc à la pensée unique et dominante du Système en place. D’où son succès médiatique. Mais succès médiatique ne signifie pas succès politique. Marine Le Pen est-elle compétente ? Et surtout, quelle politique appliquera-t-elle si toutefois elle parvient au pouvoir ? Le programme économique de Mélanchon et le programme politique de Chevènement ?
    Un grand mouvement national et populaire capable de fédérer toutes les bonnes volontés autour d’un projet vraiment français et vraiment chrétien doit pouvoir se mettre en place pour sortir de l’ornière du politiquement correct et du règne de la gauche révolutionnaire. Et le plus tôt sera le mieux !

  6. Le problème, c’est qu’il y aura toujours des commentateurs subtiles pour reprocher au parti de Marine Le Pen de ” détruire sa spécificité ” quand il n’aura fait que ” jouer sur sa capacité à accroître son agilité stratégique “. Et inversement, de ” détruire sa capacité à accroître son agilité stratégique ” quand il n’aura fait que ” renforcer sa spécificité “. A chacun d’apprécier son degré de tolérance à “l ‘agilité stratégique ” ! Il y a des agilités fidèles et des agilités infidèles. Mais à ce petit jeu, le risque est grand de voir les joueurs eux-mêmes se prendre les pieds dans le tapis de jeu : l’écart n’est pas si grand qu’il y paraît.

  7. Où voit-on que le créneau “défense de l’identité” du FN mariniste se limite à la préférence nationale ? Immigration=0, restauration du Droit du sang, arrêt des “pompes aspirantes”, lutte contre le communautarisme sous toutes ses formes avec arrêt des subventions aux associations communautaires (ce qu’on voit déjà dans les mairies FN/RBM), suppression de la double nationalité, fin de la repentance à tous les niveaux, gel des mosquées+ audit, fin de Shengen et restauration des frontières et des forces de police, de gendarmerie et de l’armée; et pour pouvoir mener cette politique régalienne, récupération de la souveraineté française, donc sortie de cette UE (renégociation des traités)….. L’ineffable Solange trouve qu’il reste un “créneau” à Carl Lang ?

  8. Comme remarqué par l’un des commentateurs, le parallèle avec le PCF n’est pas franchement pertinent : l’effondrement du PCF (comme des autres partis communistes européens) est la conséquence logique de la disparition de l’URSS. L’aggiornamento de Hue n’était guère qu’une tentative de sauver les meubles. En revanche, le parallèle avec le MSI devenu Alliance nationale (dont on a pu croire à un moment qu’elle deviendrait le parti central de la droite) est éclairant. Gianfranco Fini a été président de la Chambre mais le MSI/AN a disparu (et Fini à force de se recentrer est aujourd’hui quasiment à gauche…).

  9. il n a plus de specificité depuis qu ils ont débarqué le menhir alors …

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