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L'Eglise : Benoît XVI

“Il nous faut éradiquer toutes les fausses promesses d’infini”

Benoît XVI a adressé un message à l’évêque de Rimini, Mgr Francesco Lambiasi, à l’occasion de l’ouverture du Meeting pour l’Amitié entre les Peuples, organisé par Communion et Libération, mouvement catholique fondé en 1954 et présent dans 87 pays avec quelques 100 000 adhérents environ. Le thème de cette année est : « La nature de l’homme est le rapport avec l’infini ». Extraits du messsage du pape, traduit par Benoît-et-moi :

L'homme est une créature de Dieu. Aujourd'hui ce mot – créature – semble presque passé mode: on préfére penser l'homme comme à un être accompli en soi, et artisan absolu de son propre destin. La prise en compte de l'homme comme une créature apparaît «mal commode» car elle implique une référence essentielle à autre chose, ou mieux, à Quelqu'un d'autre – pas gérable par l'homme – qui entre dans la définition essentielle de son identité: une identité relationnelle, dont la première donnée est la dépendance originelle et ontologique à Celui qui nous a voulus et nous a créés.

Pourtant, cette dépendance, dont l'homme moderne et contemporain tente de s'affranchir, non seulement ne masque ni ne diminue, mais au contraire révèle de manière lumineuse la grandeur et la dignité suprême de l'homme, appelé à la vie pour entrer dans une relation avec la Vie elle-même, avec Dieu. Dire que «la nature de l'homme est rapport avec l'infini», signifie donc dire que chaque personne a été créée afin qu'elle puisse entrer en dialogue avec Dieu, avec l'Infini. Au début de l'histoire du monde, Adam et Eve sont le fruit d'un acte d'amour de Dieu, créés à son image et à sa ressemblance, et leur vie et leur rapport avec le Créateur coïncidaient: «Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa »(Genèse, 1:27).

Et le péché originel a sa racine ultime justement dans le fait que nos ancêtres se sont soustraits à cette relation fondamentale, ont voulu prendre la place de Dieu, croire qu'ils pouvaient faire sans Lui. Même après le péché, cependant, reste chez l'homme le désir poignant de ce dialogue, presque une signature imprimée avec le feu dans son âme et dans sa chair par le Créateur lui-même. […]

Non seulement mon âme, mais chaque fibre de ma chair est faite pour trouver sa paix, sa réalisation en Dieu. Et cette tension est indélébile dans le cœur de l'homme: même lorsque l'on rejette Dieu, ou que l'on nie Dieu, la soif d'infini qui habite l'homme ne disparaît pas. Commence au contraire une recherche désespérée et stérile de «faux infinis» qui peuvent satisfaire au moins pour un moment. La soif de l'âme et le désir ardent de la chair dont parle le Psalmiste ne peuvent pas être supprimés, ainsi l'homme, sans le savoir, se tend à la recherche de l'infini, mais dans des directions erronées: dans la drogue, dans la sexualité vécue de manière désordonnée, dans la technologie totalisante (totalitaire?), dans la réussite à tout prix, et même sous des formes trompeuses de religiosité. Même les choses bonnes, que Dieu a créées comme routes qui mènent à lui, courent souvent le risque d'être absolutisées et donc de devenir des idoles qui remplacent le Créateur.

Reconnaître d'être faits pour l'infini signifie parcourir un chemin de purification de ce que nous avons appelé «faux infinis», un processus de conversion du cœur et de l'esprit. Il faut éliminer toutes les fausses promesses d'infini qui séduisent l'homme et font de lui un esclave. Pour se trouver vraiment soi-même et sa propre identité, pour vivre à la hauteur de son propre être, l'homme doit à nouveau se reconnaître créature, dépendante de Dieu.

A la reconnaissance de cette dépendance – qui, en profondeur, est la découverte joyeuse que nous sommes enfants de Dieu – est liée la possibilité d'une vie véritablement libre et pleine. Il est intéressant de noter comment saint Paul, dans son épître aux Romains, voit l'opposé de l'esclavage non pas tant dans la liberté, mais dans la filiation, le fait d'avoir reçu le Saint-Esprit qui nous rend enfants adoptés et qui nous permet de crier à Dieu: «Abba! Père»(cf. 8:15). L'Apôtre des Gentils parle d'un esclavage «mauvais»: celui du péché, de la loi, des passions de la chair. A ce dernier, cependant, il n'oppose pas l'autonomie, mais l '«esclavage (la servitude) du Christ» (cf. 6,16 à 22) Et même, il se décrit: «Paul, serviteur de Jésus-Christ» (1:1). Le point essentiel, donc, n'est pas d'éliminer la dépendance, qui est constitutive de l'homme, mais de l'orienter vers Celui qui seul peut rendre vraiment libres.

A ce stade, cependant, une question se pose. N'est-il pas structurellement impossible à l'homme de vivre à la hauteur de sa propre nature? Et n'est-ce pas un reproche, cette soif d'infini qu'il ressent sans jamais être en mesure de la satisfaire pleinement? Cette question nous amène directement au cœur du christianisme. L'Infini lui-même, en effet, pour se faire réponse que l'homme puisse expérimenter, a pris une forme finie. Depuis l'Incarnation, depuis le moment où le Verbe s'est fait chair, la distance infranchissable entre le fini et l'infini a été annulée: le Dieu éternel et infini a quitté son Ciel et est entré dans le temps, il s'est immergé dans la finitude humaine. Rien alors n'est banal ou insignifiant dans le chemin de la vie et du monde. L'homme est fait pour un Dieu infini qui s'est fait chair, qui a pris notre humanité pour l'attirer vers les sommets de son être divin.

Nous découvrons ainsi la véritable dimension de l'existence humaine, celle à laquelle le Serviteur de Dieu Luigi Giussani appelait continuellement: la vie comme une vocation. Chaque chose, chaque relation, chaque joie, ainsi que toutes les difficultés, trouve sa raison d'être ultime dans l'occasion d'être relation avec l'infini, voix de Dieu qui sans cesse nous appelle et nous invite à lever le regard, à découvrir dans l'adhésion à Lui la réalisation pleine de notre humanité.  […]"

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