Dans La Nef de novembre, Christophe Geffroy interroge Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ à Strasbourg), expert auprès d’organisations internationales et des services diplomatiques du Saint-Siège, qui vient de publier un important essai sur les droits de l’homme. Extrait :
À la fin de votre livre, vous parlez d’une résistance de la nature humaine, conjuguée à une contestation politique croissante du gouvernement des juges, en particulier de la CEDH. Est-ce que cela vous donne de l’espérance pour l’avenir ?
Oui, aussi puissante et cohérente que puisse être l’idéologie de la dignité désincarnée, elle est condamnée à se heurter à la résistance de la nature humaine : il y a quelque chose en l’homme qui résiste à sa dénaturation. La nature humaine se défend et se rappelle à nous. Ainsi en est-il par exemple du témoignage des personnes conçues par PMA anonyme, qui en souffrent leur vie durant et cherchent à connaître leur père, leurs frères, leurs sœurs. Ce besoin de connaître ses « origines biologiques » prouve que les dimensions physique et psychique de notre identité sont indissociables, que l’homme est par nature l’union harmonieuse du corps et de l’âme, et non pas seulement une volonté, et c’est en tant que tel qu’il peut s’accomplir.
Quant à la résistance politique que vous évoquez, elle est nécessaire car ces grandes instances internationales n’ont pas de contre-pouvoir institutionnel. Or, jamais dans l’histoire aucune instance politique n’a eu autant de pouvoir que la CEDH. Pas même l’Église catholique. Ceci est particulièrement vrai depuis que les juges prétendent que la Convention européenne n’est plus gravée dans le marbre, mais est devenue un « instrument vivant » dont ils peuvent faire évoluer le contenu en fonction de leur conception changeante du bien.
Dès lors, il va de soi que, à chaque fois que les juges imposent une interprétation idéologique aux droits de l’homme, ils s’exposent à une réponse politique des peuples et des gouvernements. Ce fut le cas par exemple lorsque la Cour a prétendu interdire les crucifix dans les salles de classes italiennes. De nombreux responsables politiques reprochent à la Cour européenne, comme le note Guido Raimondi, son « prétendu activisme judicaire, dépassant les limites de ses compétences juridictionnelles, outrepassant la démocratie nationale et renversant les décisions nationales ». Cela a conduit par exemple la Russie à affirmer la supériorité de ses valeurs constitutionnelles sur les jugements de la Cour européenne ; et le peuple suisse est invité à faire de même par référendum le 25 novembre prochain.
Quant à ma véritable espérance pour l’avenir, il faut lire le livre pour la connaître !