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Interruptions de messe en Pologne : une militante pro-avortement devant la CEDH

Interruptions de messe en Pologne : une militante pro-avortement devant la CEDH

De Nicolas Bauer sur ECLJ :

Il y a deux mois, nous vous faisions part de la multiplication des requêtes contre la Pologne à la Cour européenne des droits de l’homme. En juin et juillet 2021, 13 requêtes pro-avortement avaient en effet été communiquées par la Cour. Depuis septembre, la Cour a encore ajouté deux affaires supplémentaires. Aucune n’a pour le moment été jugée, mais les procédures avancent.

L’ECLJ est intervenu en tant que tierce-partie dans l’affaire opposant Jolanta Anna Zawadzka à la Pologne. Nos observations écrites dans cette affaire peuvent être consultées en ligne.

Mme Zawadzka est une militante polonaise pro-avortement, connue dans son pays pour différentes provocations. Elle a été condamnée à une amende de 500 PLN (115 euros environ) pour avoir perturbé une messe à Varsovie en 2016. L’objectif de cette opération était de protester contre la position de l’Église sur l’avortement. La perturbation de messes avait été orchestrée sur les réseaux sociaux où avait été publié un « événement » devant consister en une « sortie ostensible de l’église », telle « une sorte de flash mob » qui puisse « [donner] l’impression de vrais fidèles indignés[1] ». Des femmes non-baptisées participèrent également : « Je ne suis pas baptisée donc je ne suis jamais “sortie”, mais je vois que les filles croyantes ont besoin de soutien. C’est pourquoi je viens. Je mettrai des talons et je ferai du bruit en sortant[2] ». La presse et la télévision étaient également présentes pour médiatiser l’action.

La sanction de la requérante est fondée sur l’article 195 § 1 du Code pénal polonais, réprimant l’entrave à l’accomplissement public d’un acte religieux. Cette disposition protège la liberté de religion des croyants polonais, qui s’exerce notamment par la liberté d’accomplir paisiblement leur culte. Selon Mme Zawadzka, son droit à la liberté d’expression devrait primerla liberté de religion de tous les chrétiens, au point de justifier l’interruption d’une messe.

Le futur jugement de la CEDH sur cette affaire de provocation pro-avortement pendant une messe ne sera pas anecdotique, car de telles provocations se sont depuis multipliées en Pologne. La situation s’est encore aggravée à la suite du jugement du Tribunal constitutionnel polonais du 22 octobre 2020, ayant déclaré l’avortement eugénique inconstitutionnel. Certains appels à interrompre des messes, comme celui du 25 octobre 2020 de l’organisation Strajk Kobiet (Grève des femmes), ont été particulièrement suivis. C’est parfois en attaquant des chrétiens à la matraque et au couteau que les militants ont tenté d’entrer dans des églises. L’Église catholique est également victime d’actes de vandalisme à répétition, en particulier de tags pro-avortement et insultants sur les églises[3].

Les avocats de la requérante exercent pro bono ; interrompre une messe ne lui aura donc coûté que 115 euros, ce qui ne suffit pas à dissuader d’autres militants de l’imiter. Surtout, dans la jurisprudence de la Cour, pour les affaires où était en jeu une somme du même ordre de grandeur, par exemple 125, 137, 150, 157, 200, 227, 228, 445 euros[4], la Cour a conclu à l’absence de « préjudice important ». Elle a donc appliqué le critère de recevabilité inséré à l’article 35 § 3 b) de la Convention européenne, en déclarant ces requêtes irrecevables. Inversement, lorsque la Cour a considéré qu’un préjudice financier suffisait pour ne pas appliquer ce critère de recevabilité, c’était pour des sommes au minimum deux fois supérieures à une centaine d’euros[5]. Si la Cour venait à considérer que la somme de 115 euros est un préjudice important, méritant de ne pas déclarer l’affaire irrecevable, ce serait une première difficile à justifier.

L’ECLJ a également rappelé dans ses observations qu’il n’existe pas de droit à perturber le culte religieux d’autrui. Comme l’a exprimé la juge Elósegui dans l’affaire Mariya Alekhina et autres c. Russie (2018), « L’article 10 ne protège pas les comportements consistant à envahir des églises et d’autres bâtiments ou biens religieux à des fins politiques, ni les comportements d’intimidation et d’hostilité à l’égard des croyants chrétiens[6] ». C’est un tel comportement, et non le message pro-avortement de Mme Zawadzka, qui a été sanctionné. Une telle sanction n’est pas une exception polonaise et a des équivalents dans de nombreux autres pays d’Europe, comme la France, l’Italie, le Portugal, ou encore le Danemark. Puisque perturber le culte religieux n’est pas protégé par la liberté d’expression, l’interdiction d’une telle perturbation n’est pas une ingérence dans les droits de la requérante. Ce raisonnement confirme l’irrecevabilité de la requête.

Ceci dit, il est possible que la Cour décide d’examiner la requête au fond pour une autre raison, malgré le faible montant de l’amende et cette absence apparente d’ingérence dans les droits de Mme Zawadzka. C’est peu probable, mais sur un sujet comme l’avortement, la politique l’emporte parfois sur le droit. En cas d’examen de la requête au fond, des critères doivent être appliqués pour concilier les libertés d’expression et de religion. L’ECLJ a appliqué les quelques principes utiles en cas d’examen de proportionnalité dans cette affaire. Nous avons conclu que la sanction de 115 euros était nécessaire pour protéger le droit à la liberté de religion des chrétiens. Une amende d’un montant supérieur aurait également été proportionnée.

Mme Zawadzka et ses avocats espèrent que le fait que des juges de la CEDH partagent leurs opinions pro-avortement suffira à ce qu’ils condamnent la Pologne, en faisant fi du droit et de la jurisprudence. Ils tentent d’instrumentaliser la Cour. La requérante a intégré ces opinions dans un combat anti-chrétien offensif, allant jusqu’à nier le droit à la liberté de culte des chrétiens. L’exercice du culte restera davantage protégé que son interruption par « une sorte de flash mob ». Cela n’a rien à voir avec l’avortement.

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