Luc Ferry est interrogé dans Valeurs Actuelles :
"Comment distinguer les vrais problèmes des rumeurs absurdes ? Comment hiérarchiser les priorités ? […] L’affaire est entendue, nous avons peur de tout : du sexe, de l’alcool, du tabac, de la vitesse, des OGM, de l’effet de serre, du poulet, de la côte de bœuf, de la mondialisation, etc., etc. Mais le pire, c’est que l’écologie a déculpabilisé l’angoisse […] aujourd’hui, la peur est présentée comme une passion positive, nécessaire même, comme un premier pas vers la sagesse… […]
Cette alliance de la peur déculpabilisée, de la prééminence des “people” et de la politique médiatique ne présage rien de bon : tout cela risque de préparer lentement mais sûrement l’opinion à des mesures liberticides, qui seront d’autant plus nuisibles que l’environnement n’est pas une affaire franco-française : à quoi aurait servi de limiter encore la vitesse sur la route si cela ne représente pas un millième des pollutions émises par l’Inde ou la Chine ? Pour être “exemplaires” ? Nous aurions surtout été exemplaires dans la bêtise… […]
Je suis résolument favorable à l’écologie pourvu qu’elle soit humaniste et réformiste d’une part, et que, d’autre part, elle s’intègre en douceur à l’économie de marché. Là est la sagesse, pas dans des mouvements militants qui, depuis des décennies, sont avant tout animés par une véritable haine de la liberté. Beaucoup d’écolos militants sont arrivés, comme ils le disent eux-mêmes, “au vert par le rouge”. En d’autres termes, après avoir été maoïstes ou trotskistes, voyant que leur système de pensée s’effondrait, ils se sont tournés vers l’écologie pour continuer d’assouvir leur passion antilibérale. […]
Aujourd’hui, la droite découvre l’écologie. Avec l’enthousiasme des néophytes, elle constate que la gauche a trois longueurs d’avance sur elle de sorte qu’elle risque, surtout dans le cadre actuel de “l’ouverture”, de se laisser emporter par la vague verte. Voilà pourquoi il est urgent de casser l’alliance proprement terrifiante d’une logique de peur et d’une logique médiatique, pour lui substituer celle de la science et de la république. […] Encore une fois, l’écologie est vitale pour tous et il ne s’agit pas d’être bêtement “antiécolo”. […] Mais par-delà les décisions particulières, le grand défi est le suivant : comment intégrer l’écologie dans l’économie. Les fondamentalistes veulent faire l’inverse. Ils veulent soumettre l’économie à l’écologie. C’est contre cette dérive qu’il faut résister".