Partager cet article

Culture de mort : Avortement / Pays : Etats-Unis

IVG médicamenteuse : Que se passe-t-il aux États-Unis ?

IVG médicamenteuse : Que se passe-t-il aux États-Unis ?

Une analyse de Domitille Ballabas pour l’ECLJ :

L’IVG médicamenteuse se trouve au cœur d’une nouvelle bataille juridique aux États-Unis. Plusieurs médecins ainsi que des associations pro-vie, comme The Alliance for Hippocratic medicine et The American Association of Pro-life obstetricians and gynecologists (AAPLOG) composée d’obstétriciens et de gynécologues, ont introduit une requête devant le juge fédéral du Texas, Matthew J. Kacsmaryk, afin de demander le retrait de l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone, utilisée lors de l’IVG médicamenteuse. En effet, loin d’être anodin, ce type d’avortement comporterait quatre fois plus de risques d’avoir des complications qu’un avortement chirurgical selon une étude américaine[1].

La décision d’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone par l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) en 2000 était accompagnée de quelques mesures supplémentaires. La prise de mifépristone n’était alors possible que jusqu’à la septième semaine de grossesse et il était obligatoire de procéder à trois visites médicales (avant, pendant et après la prise de Mifépristone) ainsi que de déclarer tous les effets secondaires possibles. Depuis cette décision, la FDA n’a eu de cesse de réduire ce qu’elle voit comme des obstacles à son utilisation. En ce sens, plusieurs décisions ont été prises en retirant peu à peu les maigres mesures de sécurité. En 2016, la FDA a réduit le nombre de visites médicales initialement requises et a étendu la possibilité d’avoir recours à l’IVG médicamenteuse en passant de sept semaines de grossesse à dix semaines. À ce stade, le fœtus mesure alors cinq à sept centimètres, les organes internes sont présents et l’on peut voir son visage avec tous les traits caractéristiques d’un être humain. La FDA a aussi autorisé les personnes autres que des médecins à prescrire et administrer la mifépristone et le misoprostol et a retiré l’obligation de faire état des effets secondaires tant que ce ne sont pas des décès. Lors de la pandémie de Covid-19, la FDA a suspendu l’obligation de se rendre en personne auprès d’un médecin et a ainsi autorisé l’envoi des pilules nécessaires à l’avortement médicamenteux directement à domicile. Sans supervision médicale, les femmes sont alors vouées à expulser seules le petit fœtus mort avec des saignements intenses. Beaucoup voient de leurs propres yeux le corps d’un tout petit bébé mort, ce qui n’est pas sans causer d’importants traumatismes.

En France 223 000 avortements ont été pratiqués en 2021. D’après une étude réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en septembre 2022, les interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses représentent les deux tiers des IVG effectuées dans des établissements de santé français. En reportant cette proportion à 2021, cela signifie 148 866 avortements médicamenteux.

Que ce soit en France ou aux États-Unis, l’IVG médicamenteuse repose sur la prise de deux sortes de pilules. La première, la mifépristone (ou RU-486, Mifeprex ou Mifegyne) est une antiprogestérone qui bloque la production de progestérone, hormone naturellement créée par le corps de la femme et nécessaire à la grossesse. Le Misoprostol est ensuite à prendre 24 à 48h après la prise de mifépristone. C’est ce qui provoquera les contractions et l’expulsion de l’embryon. C’est principalement contre la mifépristone que certaines associations et médecins ont déposé une requête. S’appuyant sur leurs demandes régulières faites à la FDA depuis maintenant 16 ans de revoir son protocole d’autorisation de la mifépristone, les requérants estiment que la FDA n’a pas respecté les mesures de sécurité nécessaires avant d’approuver la commercialisation de ce produit. Par ailleurs, les requérants mettent en avant les complications que peut entraîner la mifépristone. C’est ainsi que les avortements médicamenteux peuvent notamment conduire à d’importantes hémorragies (dont l’expulsion de caillots sanguins), de très fortes douleurs, ainsi que des grossesses extra-utérines mettant en danger la vie de la mère. Les requérants demandent ainsi le retrait de la mifépristone de la liste des “médicaments” autorisés car la grossesse n’est pas un état pathologique et ce qui est appelé “médicament” ne constitue pas un remède, mais au contraire empêche le développement d’une vie.

Le 7 avril 2023, le juge Matthew J. Kacsmaryk a prononcé la suspension de l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone effectuée en 2000 par la FDA. Il parvient à cette conclusion en considérant que la FDA n’a pas rempli les conditions nécessaires à l’utilisation de la procédure accélérée “Subpart H”, ce qui rend l’autorisation de la mifépristone illégale. Effectivement, la procédure dite Subpart Hou “Accelerated Approval of New Drugs for Serious Life-Threatening Illnesses” ne s’applique qu’avec la réunion de deux conditions. Il faut d’abord que le médicament ait prouvé sa sécurité et son efficacité dans le traitement de maladies sérieuses ou présentant un danger pour la vie. Le médicament doit ensuite apporter un important bienfait thérapeutique à la patiente.

La FDA a qualifié la grossesse de maladie grave ou présentant un danger pour la vie et en a conclu que la mifépristone apportait d’importants bienfaits thérapeutiques à la patiente afin de pouvoir employer la procédure accélérée. Or, et comme le souligne du juge Kacsmaryk dans son raisonnement, la grossesse n’est pas une maladie. C’est un processus naturel auquel fait face la femme, une ou plusieurs fois dans sa vie. En outre, il faut savoir distinguer les complications ou effets psychologiques qui peuvent être des maladies, de la grossesse qui n’est pas en elle-même, une maladie. Même l’organisation non-gouvernementale américaine spécialisée dans la promotion des moyens de contraception, Population Council, a reconnu que l’utilisation du processus Subpart H était illégale car ce dernier ne peut pas comprendre certains évènements normaux, comme la grossesse. Le juge Kacsmaryk en conclut donc que la première exigence de l’utilisation de cette procédure accélérée pour approuver la mifépristone n’est pas respectée.

Concernant la seconde exigence, le juge Kacsmaryk suit le raisonnement des requérants en estimant que la mifépristone ne fournit pas de bienfaits thérapeutiques significatifs à la patiente. La grossesse n’étant pas une maladie, l’IVG médicamenteuse ne peut tout bonnement pas soigner de maladies graves ou qui présentent un danger pour la vie. De plus, cette IVG n’est pas thérapeutique car ce terme s’attache à la guérison, au soulagement de maladies, ce qui n’est pas le cas ici. L’IVG médicamenteuse n’apporte pas de bienfaits thérapeutiques non plus, au vu de toutes les complications potentielles : les douleurs post-abortives ont lieu dans plus de 77% des cas de prise de mifépristone comparé à 10.5% lors d’avortements chirurgicaux.

En outre, le juge Kacsmaryk souligne que la FDA a violé le Comstock Act, une loi de 1873 qui interdit l’envoi de produits abortifs. Le fait d’avoir admis l’usage de la voie postale pour fournir la mifépristone et le misoprostol en 2021, constitue une violation claire de cette loi. La FDA avait alors tenté d’expliquer que le Comstock Act n’interdisait pas l’envoi de produits abortifs tant que leur usage n’était pas illégal. Ce que réfute le juge Kacsmaryk, conformément à un principe de droit bien établi : aucune mention n’est faite dans cette loi concernant l’utilisation légale ou illégale de ces produits abortifs. Or, « Là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas non plus distinguer[2] ».

Suite à cette décision, le ministère américain de la Justice a interjeté appel devant la “Fifth Circuit Court of Appeals”. Le 12 avril 2023, cette Cour d’appel a temporairement bloqué la décision de suspension prise par le juge Kacsmaryk. Toutefois, cette juridiction a encadré l’utilisation de la mifépristone en interdisant son obtention par voie postale ou sa prescription par des personnes autres que des médecins. La Cour d’appel a également décidé de revenir au délai initial de sept semaines de grossesse. Ce à quoi le ministère américain de la Justice a répondu en enjoignant la Cour suprême des États-Unis de suspendre la décision de la Cour d’appel. Le 21 avril 2023, la Cour suprême a ordonné que la mifépristone soit toujours accessible. Cette décision est toutefois temporaire, le temps que la “Fifth Circuit Court of Appeals” se prononce sur le fond de l’affaire. Cela ne signifie pas que la Cour suprême s’est prononcés en faveur de la validité de l’autorisation de la mifépristone par la FDA. Il faut d’abord attendre la décision finale de la “Fifth Circuit Court of Appeals” qui sera rendue après les plaidoiries du 17 mai devant cette dernière. À l’issue de cette décision, le ministère américain de la Justice ou les associations et médecins pro-vie pourront éventuellement porter cette affaire devant la Cour suprême.

Il faut également noter qu’il existe un moyen afin de tenter de sauver l’enfant si la future maman regrette son choix d’avorter. Ce qui est appelé “abortion pill reversal” consiste en l’injection de progestérone, dans les heures suivant la prise de la mifépristone. Cette hormone naturelle permet d’essayer de sauver le bébé en contrant les effets de la mifépristone. Les études réalisées montrent que les chances de survie du bébé passent de 25% (sans progestérone naturelle) à 68% (avec progestérone naturelle). Malheureusement, cette volonté d’apporter de l’aide à des femmes désemparées est grandement freinée par certaines lois. C’est le cas d’une loi qui a été adoptée le 14 avril 2023 par le gouverneur du Colorado, interdisant purement et simplement ce moyen de sauver des vies et punissant tout professionnel de santé qui en injecterait même chez une femme en faisant la demande. La clinique “Bella Health and Wellness” a réussi pour l’instant à obtenir la suspension de cette loi par le juge Daniel Domenico, jusqu’à ce que certains Conseils médicaux parviennent à déterminer si ce moyen de contrer la mifépristone est une “pratique générale acceptée”. Si ce n’est pas le cas, la loi produira malheureusement son plein effet d’interdiction.

Finalement, la décision du juge Kacsmaryk permet de mettre en avant et de confirmer ce sur quoi travaillaient les associations pro-vie ainsi que les nombreux professionnels de santé américains qui affirmaient les dangers des substances employées lors d’IVG médicamenteuses. Bien que la France ne possède pas de système juridique équivalent à celui des États-Unis, cette décision constitue un véritable pas en avant pour la protection des femmes ainsi que des futurs nouveau-nés dont elle devrait s’inspirer.

Partager cet article

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services