Excellent et très pertinent texte de Jean-François Revel (1924-2006) de l’Académie française publié sur un blog qui lui est dédié. Ce texte n’a jamais été autant d’actualité. Il montre l’ineptie de la féminisation des mots et/ou de la grammaire, de plus en plus utilisée par les personnalités politiques et les institutions, sous influence des féministes activistes :
Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges. Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ? Absurde! Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Goumont est une plume brillante». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme. Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants.
La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire. Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.
René Clémenti
Il est tellement vrai que les mots en français ont leur genre propre qui n’a rien à voir avec la personne ou la chose auxquelles ils s’appliquent que, dans un domaine masculin par essence pendant des siècles, l’armée, nombre de termes qui désignent, donc, des hommes sont féminins: une sentinelle, une ordonnance, une estafette; on en trouvera d’autres.
Les féministes activistes à l’origine de ce mouvement sont incultes et ridicules (Molière s’en était déjà aperçu). Cela n’est pas grave.
Ce qui est grave c’est qu’aujourd’hui on les prenne au sérieux et qu’on se sente obligé (comme ici) de réfuter leurs âneries.
AFumey
Très belle synthèse, en dehors du tout dernier paragraphe pour lequel je suis réservé: Warren Farrel a démontré (“The Myth Of Male Power”) le côté artificiel des différences professionnelles – et politiques – entre hommes et femmes, par les choix des priorités personnelles. Dans la fonction publique, le parti-pris de favoritisme expose désormais les femmes à la suspicion de devoir leurs responsabilités davantage à l’opportunisme qu’à leurs compétences.
Un exemple parmi d’autres: dans les professions libérales, où le professionnel fixe lui-même son revenu, les femmes s’attribuent un montant significativement inférieur (en moyenne) à celui des hommes. On peut l’attribuer au désir d’avoir davantage de temps libre pour autre chose.
philippe paternot
ils sont devenus fous !
et le malheur c’est que les zélites les laissent faire sans broncher