Sur Public Sénat le 10 avril, Jean-Pierre Elkabbach recevait Véronique Lévy, sœur de BHL et auteur de Montre-moi ton visage (éd. du Cerf) dans lequel elle raconte sa conversion au christianisme. Elkabbach a alors comparé à mi-mot la conversion des juifs à la Shoah. Jean-Marie Elie Setbon, juif orthodoxe et rabbin, converti à la foi catholique (De la kippa à la Croix, éd. Salvator) déclare à Présent :
"Véronique Lévy explique qu’un chrétien est « un juif accompli ». Partagez-vous ce sentiment ?
Je suis en désaccord avec cette formule. Sur le plan religieux, spirituel et divin, il est extrêmement important de ne pas prendre notre « moi » en tant que référence, mais il convient de s’effacer derrière Dieu, sa Parole, la Tradition et le Magistère de l’Eglise. Il n’est dit nulle part dans les Ecritures saintes que les juifs deviendront des « juifs accomplis ». Ni de la part des prophètes, ni de la part du Christ, ni dans les épîtres. Les termes utilisés seront « repentez-vous, convertissez-vous ». Dans le prologue de saint Jean, il est écrit : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir d’être enfants de Dieu. » Il est bien dit « tous », et non seulement les juifs. Et nous devenons enfant de Dieu, et non « juif accompli ». Donc je propose à certaines personnes de bien s’imprégner des Ecritures avant de répéter cette formule du cardinal Lustiger, que je respecte beaucoup par ailleurs, et d’en faire une vérité universelle.
« Il vaut mieux pour les juifs que leur destinée ne soit pas de se fondre dans des conversions qui les fassent disparaître, pire que d’autres ont essayé de le faire. » Cela sonnerait « la fin du peuple de Moïse ». Comment analysez-vous cette affirmation de Jean-Pierre Elkabbach en réponse à Véronique Lévy ?
Ces propos sont très graves, ne font pas honneur à l’intelligence, mais expriment une émotion. Je propose quelques questions à M. Jean-Pierre Elkabbach que je soumets à sa méditation. Savez-vous ce que certains grands rabbins aux Etats-Unis ont dit pendant la guerre sur l’attitude des juifs américains qui étaient indifférents à la souffrance des juifs d’Europe ? Savez-vous que les rabbins aux Etats-Unis estiment que lorsque des juifs s’assimilent et se marient avec des non-juives, il y a une disparition du peuple juif par le juif lui-même ? Savez-vous combien des juifs se sont assimilés et donc ont disparu totalement de leur judaïsme par rapport aux juifs qui se sont convertis au catholicisme ? Connaissez-vous Edith Stein, morte dans un camp en tant que juive convertie, devenue depuis sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix ? Savez-vous qu’Hitler ne faisait pas de différence entre les juifs et les juifs convertis, distinction que vous vous autorisez ?
Je pensais que l’influence du cardinal Lustiger avait pu apporter certaines choses aux regards du juif sur la conversion au catholicisme, et je m’aperçois qu’à travers les propos de Jean-Pierre Elkabbach il n’en est rien !
Subissez-vous vous aussi l’incompréhension, voire le mépris, de vos anciens coreligionnaires ?
Au début de ma conversion, oui, mais pas de tout le monde. Maintenant il y a un silence total de leur part, et il arrive même que certains amis me disent bonjour avec un sourire quand on se voit. Vous n’allez peut-être pas le croire, mais je reçois beaucoup plus de mépris et d’incompréhension de certains évêques, prêtres et d’autres personnes qui sont dans le dialogue judéo-chrétien. […]"