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Bioéthique

Jérôme Lejeune : prophète des dérives sociétales et bioéthiques

Jérôme Lejeune : prophète des dérives sociétales et bioéthiques

De Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune:

Beaucoup ont apprécié sincèrement ce que le Pr Lejeune a apporté à la science, avec sa découverte du 47ème chromosome de la trisomie 21, et à la médecine, avec sa longue pratique clinique à l’hôpital Necker-Enfants-Malades où il accueillait non seulement des enfants, mais aussi des adultes porteurs de handicaps mentaux. En effet, Jérôme Lejeune savait que pour les adultes il n’y avait plus de consultation spécialisée. Il avait compris qu’il n’y en aurait plus car l’avortement devait diminuer drastiquement les naissances. Pourcette raison, il avait prévu l’évolution de la société et l’avait anticipée pour rassurer les familles qui en ont abondamment témoigné après sa mort le 3 avril 1994.

En revanche, peu d’observateurs ont compris ou voulu admettre à quel point cette capacité d’anticipation s’inscrivait dans une vision générale et particulièrement aiguisée de ce qu’allait devenir la médecine et la société à la fin du 20ème et au début du 21ème siècle avec le développement de certaines sciences et techniques nouvelles, mais surtout à cause d’un relativisme moral devenu envahissant. Tant que la morale tenait son rang par rapport à ce qui était qualifié de « progrès », il n’y avait rien à redouter. À partir dumoment où la morale avait cédé le pas à un positivisme juridique permettant, au nom de l’égalité d’accès, d’autoriser légalement des « progrès » qui n’en étaient pas, la cause était perdue. La courbe descendante de la morale et celle ascendante du progrès se sont croisées dans les années 70. L’effet ciseaux a été la légalisation de l’avortement. Le seul professeur de médecine à avoir dénoncé cette capitulation de la morale publiquement et vigoureusement bien avant le vote de la loi a été Lejeune. Il en avait perçu les signes avant-coureurs depuis des années et savait que ce serait le massacre des innocents pour ses patients. Le Pr Paul Milliez, qui avait stigmatisé Lejeune « et ses enfants monstrueux »à la télévision, voyait les choses autrement : « Je ne vois pas pourquoi nous, catholiques, imposerions notre morale à l’ensemble des Français ». Outre le fait que l’interdit de tuer n’est pas réservé aux catholiques, le cri d’alerte du Pr Lejeune n’a pas été entendu et, depuis cette époque, l’eugénisme des plus faibles est solidement implanté dans nos mœurs.

Mais il avait aussi bien vu, au moment de la légalisation de l’avortement, que la médecine allait adopter des pratiques jusqu’ici interdites. Si l’on se rendait maître des sources de la vie, on allait jouer aux apprentis sorciers. Toutes ces évolutions – entre autres la procréation médicalement assistée, inévitablement flanquée du diagnostic préimplantatoire qui permet de trier les meilleurs embryons à implanter, suivie de la recherche détruisant des embryons humains « surnuméraires dépourvus de projet parental » – il savait qu’elles allaient venir en France et qu’on ne pourrait pas les empêcher. Il voyait arriver aussi les mères porteuses (qu’il appelait les « mères vendeuses » et qu’on appelle aujourd’hui pudiquement la gestation pour autrui ou GPA), l’« ectogenèse », à savoir la fabrication de l’enfant dans un utérus artificiel, etc. Tout cela passait àl’époque pour de la science-fiction. Mais le désir d’enfant est tellement fort, en dépit même de la destruction de la famille, qu’il reste un idéal à atteindre par tous les moyens, y compris les pires, puisqu’il n’y a plus de critère du bien et du mal.

Dès lors, son message était simple : comment rester humain dans un monde qui ne l’est plus ? Il savait que l’on ne règle pas un problème avec le système de pensée qui l’a engendré. On le voit bien aujourd’hui, où certains, chrétiens compris, acceptent la PMA dans certaines conditions. On entend ainsi de curieux raisonnements : la PMA d’accord, mais pour les couples hétérosexuels, pas pour les homosexuels. Et pourquoi donc ? La PMA reste la PMA ! Une pratique illégitime en soi car elle détruit les embryons indésirables pour ne garder que les embryons désirés. De même, se poser la question de savoir si l’on peut accorder la PMA à une femme seule n’a pas de sens sauf à réinventer d’autres modèles de familles dont on voit malheureusement trop les faillites.

Ces raisonnements étranges, que Lejeune aurait dénoncés, sont tenus de la même façon au sujet de l’avortement. Certains affirment vouloir revenir à la loi Veil, comme à une source pure, comme si cette loi était l’étalon-or de l’avortement. Mais à partir du moment où cet acte est permis par la loi, tout est en place pour que cette loi se développe et s’épanouisse pleinement. Si l’on passe de 10 à 12 semaines, puis à 14semaines, il n’y a rien là que de très logique ! La malice ne se mesure pas à l’excès mais au caractèreintrinsèquement pervers de certains actes. Il avait aussi bataillé en compagnie de son ami le Pr Lucien Israël contre l’euthanasie. C’était prémonitoire il y a trente-cinq ans… Bref Lejeune disait la vérité de ce qui allait survenir si l’on abandonnait le principe inconditionnel du respect de la vie.

Sa posture était bien sûr scientifique et médicale mais elle était aussi politique au bon sens du terme qui a été un peu perdu. « L’objet principal de la politique est de créer l’amitié entre les membres de la Cité », disaitAristote. Tuer les patients qu’on ne peut pas ou qu’on ne veut pas soigner n’est ni un soin, ni une percéeconceptuelle et encore moins le geste d’amitié qui devrait être l’autre nom, plus poétique, du lien social.

 

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1 commentaire

  1. “la PMA d’accord, mais pour les couples hétérosexuels, pas pour les homosexuels. Et pourquoi donc ?”
    110% d’accord. Et donc…
    “l’adoption d’accord, mais pour les couples hétérosexuels, pas pour les homosexuels. Et pourquoi donc ?”
    …? Quelle différence?…
    L’adoption elle-même reste un problème moral (=un péché) quand l’enfant est considéré comme un objet auquel on a droit, et non comme une personne qu’on accueille. Le droit de l’enfant doit toujours être premier, face à un “droit à l’enfant” qui n’est que cause de perversion.

    Accueillir un enfant sans famille est certainement un acte de charité, si et quand c’est une nécessité. C’est un bien… ou pas?
    Mais faut-il payer pour une adoption? Est-il question d’argent? C’est que c’est un business, donc un projet où l’enfant est un objet : à condamner sans état d’âme. “Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules.” Ne pleurez pas sur la voie de l’adoption quand elle a perdu son âme.

    Abstenez-vous de ces adoptions qui constituent un marché, les couples biologiquement stériles ont d’autre formes de fécondité. Suscitez des naissances spirituelles, convertissez les cœurs! Oui, certainement, “Heureuse la femme stérile mais sans tâche, sa fécondité apparaitra lors de la visite des âmes”…

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