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L'Eglise : Foi / L'Eglise : Vie de l'Eglise

Jésus ne se laisse pas enfermer dans la casuistique des pharisiens qui cherchent à transiger avec la loi

Le philosophe Thibaud Collin répond dans Famille chrétienne à la tribune du père Garrigues sur les divorcés remariés. Extrait :

"[…] le Père Garrigues, après des analyses fort pertinentes sur la nécessaire gradualité dans l’accompagnement pastoral, conclut en faisant des propositions, elles, directement opposées à l’enseignement de l’Église. D’où l’étonnement d’un grand nombre de lecteurs : comment un théologien de sa stature peut-il, dans le même texte, réclamer le respect dû à la doctrine de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI sur le mariage et les contredire frontalement ? Quelle peut être la source d’une telle incohérence ? Tel est le problème dont la solution se trouve, nous le constaterons, dans l’entretien lui-même.

Le Père Garrigues est conduit par le Père Spadaro à considérer deux cas dans lesquels l’interdiction pour des divorcés remariés de communier pourrait connaître des exceptions. […]

La solution préconisée par le Père Garrigues consiste à privilégier le for interne, en contournant le jugement rendu par le tribunal ecclésiastique, au for externe donc. Cette « solution » est bien connue puisqu’elle correspond à ce que certains évêques allemands, dont le cardinal Kasper, avaient déjà imaginé en 1993. Le cardinal Ratzinger leur avait alors répondu : « L’Exhortation Familiaris consortio, quand elle invite les pasteurs à bien distinguer les diverses situations des divorcés remariés, rappelle aussi le cas de ceux qui sont subjectivement certains, en conscience, que le mariage précédent, irréparablement détruit, n’a jamais été valide (§84). Il faut certainement discerner à travers la voie du for externe, établie par l’Église, s’il y a objectivement une telle nullité du mariage. La discipline de l’Église, tout en confirmant la compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques dans l’examen de la validité du mariage de catholiques, offre à présent de nouvelles voies pour démontrer la nullité de l’union précédente, afin d’exclure le plus possible toute discordance entre la vérité vérifiable dans le procès et la vérité objective connue par la conscience droite (les canons 1536 §2 et 1679 du Code de Droit canonique sur la force de preuve qu’ont les déclarations des parties dans de tels procès). S’en tenir au jugement de l’Eglise et observer la discipline en vigueur sur le caractère obligatoire de la forme canonique comme nécessaire pour la validité des mariages des catholiques, est ce qui sert vraiment le bien spirituel des fidèles intéressés. »

[…] Se manifeste dans cette « solution » une conception spiritualisante, pour ne pas dire éthérée, du mode de médiation de l’Église qui en ces temps de subjectivisme aigu ruinerait de proche en proche les ordres objectifs de la morale, du droit et même de la sacramentalité. Par ailleurs, la solution au for interne nie le caractère intrinsèquement public du mariage, souligné dans la Lettre du cardinal Ratzinger. […]

D’où vient une telle erreur de lecture et de raisonnement ? 

C’est qu’il lit saint Thomas et la doctrine de saint Jean-Paul II avec un schème légaliste considérant la loi comme un idéal que l’homme ne peut qu’exceptionnellement atteindre. La pastorale devient ainsi une entreprise de casuistique pour proportionner la norme à la situation du fidèle en chemin. Cela ressemble plus à du Xavier Thévenot qu’à du saint Thomas et du saint Jean-Paul II. De là, sa stigmatisation d’une « Église des purs » qu’il présente comme un club de psychorigides et de pharisiens intransigeants. Il aborde donc la question de manière psychologique, là où on attendrait de la part d’un professeur de dogmatique un peu plus de rigueur intellectuelle dans la distinction des niveaux.

Les nombreuses incohérences du propos ont donc pour racine une erreur de méthode. Comme le dit le cardinal Caffarra, Jésus ne se laisse pas enfermer dans la casuistique des pharisiens légalistes qui cherchent à transiger avec la loi de Dieu. Il leur répond en les tournant vers le Principe, vers la vérité du mariage : « Je voudrais préciser que cette expression ne désigne pas une règle idéale du mariage. Elle indique ce que Dieu, par son acte créateur, a inscrit dans la personne de l’homme et de la femme. Le Christ dit qu’avant de considérer les cas, il faut savoir de quoi nous parlons. Il ne s’agit pas d’une règle qui admet ou pas des exceptions, d’un idéal auquel nous devons tendre. Nous parlons de ce que sont le mariage et la famille. »  La doctrine morale de l’Église n’est donc pas à mettre en tension avec l’accompagnement pastoral de cas singuliers qu’elle n’aurait pas envisagés en raison de son universalité désincarnée. Comme l’ajoute le cardinal Caffarra : « L’essence des propositions normatives de la morale et du droit se trouve dans la vérité du bien qui, par essence, est objectivée. Si on ne se met pas dans cette perspective, on tombe dans la casuistique des Pharisiens. Et on n’en sort plus, parce qu’on arrive dans une impasse au bout de laquelle on est forcé de choisir entre la règle morale et la personne. Si on sauve l’une, on ne sauve pas l’autre. La question du berger est donc la suivante : comment puis-je guider les conjoints à vivre leur amour conjugal dans la vérité ? Le problème n’est pas de vérifier si les conjoints se trouvent dans une situation qui les exempte d’une règle, mais quel est le bien du rapport conjugal. Quelle est sa vérité intime. »

Vue dans cette lumière la discipline sacramentelle n’est pas une règle extérieure qu’il s’agirait de contourner habilement ou d’imposer de manière impitoyable ; elle est la gardienne du vrai bien que tous sont appelés à réaliser dans leur vie quelle que soit leur situation de péché. La vérité du bien à réaliser est le fondement d’une juste intelligence de la gradualité et d’une pastorale ordonnée à la réception de la miséricorde. C’est ce qu’incarne excellemment la proposition du père Thomas Michelet de redécouvrir l’ancienne pratique de l’ordre des pénitents. Le Père Garrigues pour éviter l’attitude de « l’esprit dur et du cœur sec » tombe ainsi, bien qu’il la rejette en paroles, dans l’attitude inverse du « cœur tendre et de l’esprit mou ». Il confond gravement la loi de gradualité avec la gradualité de la loi qui supprime les actes intrinsèquement mauvais et ouvre ainsi au subjectivisme moral et à la permissivité sacramentelle. Pour garder « un cœur tendre et un esprit dur » et pour sortir de cette dialectique stérilisante, il est urgent d’enfin méditer et mettre en pratique l’immense apport magistériel de saint Jean-Paul II sur le mariage et la famille. Aucune pastorale des divorcés remariés ne pourra faire l’économie des fondements anthropologiques et éthiques du sacrement de mariage tels qu’il les a explicités."

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