Voici quelques extraits d'un excellent article rédigé par Yves Meaudre, directeur général d’Enfants du Mékong pour Liberté politique. Il y décrypte la banalité du mal selon Hannah Arendt :
"[…]La banalité du mal m’est apparue évidente en retenant seulement cinq exemples d’inégale densité dramatique mais révélateurs de la problématique soulevée par la philosophe allemande [Hannah Arendt].
- Le néo-antisémitisme d’une très large partie de la jeunesse des banlieues largement toléré par l’élite médiatique et politique.
- L’avortement des enfants handicapés notamment trisomiques jusqu’à la veille de leur terme complètement assumé par le corps médical et par l’opinion publique.
- L’euthanasie des enfants votée par une assemblée et ratifiée par un jeune monarque chrétien en Belgique
- Les arrestations massives et illégales, le gazage d’un peuple inoffensif qui exprime pacifiquement son opposition dans le cadre de la loi. Fait complètement nouveau.
- La Gestation pour autrui (GPA) qui est la banalisation de l’exploitation du corps des pauvres pour la jouissance narcissique des très riches.[…]
[…] Le statut d’homme est nié à ces enfants [les enfants trisomiques] comme les médecins des camps niaient à tout juif sa nature humaine. Cette négation d’humanité est si forte que lorsque le lumineux film Dear future Mom diffusé sur les télévisions présentait l’extrême délicatesse et la joie de ces enfants, le CSA a tenté de le faire interdire[PSG1] au prétexte que cela pourrait déstabiliser des personnes qui n’auraient plus leur liberté psychologique suffisante pour accepter un enfant atteint de ce handicap.[…]
[…] Il est symptomatique que l’ancien ministre des Affaires étrangères de M. Sarkozy ait voulu interdire le terme euthanasie parce qu’il faisait irrévocablement penser à « État nazi ». Comme quoi un mot peut rapprocher opportunément une référence historique avec la pratique caractéristique d’un État ! Je ne crois pas au hasard, ni notre ancien ministre non plus, sans doute.
La banalité du mal invoque toujours une raison d’État, une raison compassionnelle, un bien commun supérieur au bien de l’enfant, du malade voire le bien et du malade, et le bien de la société. Pour excuser les dérapages de ce qu’on peut appeler un crime légal, on considère les très nombreuses personnes euthanasiées pourtant guérissables ou l’ayant refusée comme « des dégâts collatéraux » inhérents à la pratique d’un bon principe ! Le mal a toujours son excuse. […]
Le quatrième exemple serait considéré comme outrancier s’il ne révélait pas l’acclimatation progressive à un totalitarisme qui refuse de plus en plus ouvertement toute pensée critique autonome.[…] En effet, j’ai en mémoire les multiples aveux des CRS lors des manifestations contre la loi Taubira. Après avoir copieusement arrosé de gaz des enfants et des vieilles personnes, ils se justifiaient : « Vous savez, beaucoup d’entre nous sont d’accord avec vous, mais on a reçu des ordres ! »
Ils auraient reçu l’ordre de tirer à balles réelles, ils auraient tiré. Je n’ai aucun doute. L’histoire le prouve. Sans doute auraient-ils été affectivement désolés mais le soir devant la soupe qu’ils auraient partagée avec leurs enfants, ils n’auraient eu aucun remord, pas plus que les policiers qui ont emmené en leur tenant la main les enfants juifs au Vel d’hiv : « … On a reçu des ordres ».
Comment oser faire une telle comparaison ? Parce que malheureusement, les CRS d’aujourd’hui sont dans les mêmes dispositions mentales que les policiers sous l’Occupation. Ils ne sont pas plus méchants, tout aussi banaux et aussi scrupuleusement obéissants aux ordres de leurs officiers qui, eux, sont tout aussi obéissants à leur préfet qui, lui, est tout aussi obéissant au ministre de l’Intérieur.[…]
Que je fasse hurler ceux qui m’accuseront d’amalgame, je suis pourtant convaincu de l’unité de référence entre ceux qui pratiquent l’obéissance par compassion, par référence à l’ordre ou par décision administrative. La frontière des consciences est infime… l’abdication de la pensée est considérable.[…]
[sur la GPA] L’asservissement et l’instrumentalisation des corps pour l’assouvissement de la perversité des riches appartiennent à la même culture idéologique que celle dont le nazisme se réclamait pour le confort des übermensch.
Il s’agit de nier à certaines personnes sous prétexte de race ou de niveau de vie leur dignité intrinsèque d’être humain et donc le droit à l’intégrité de leur corps. Vouloir les éliminer dans un cas parce qu’ils pèsent sur une société ou vouloir transformer les pauvres adolescentes en chair à reproduire appartient à la même philosophie que celle qui a présidé à « l’Aktion T4 ».[…] Le crime d’État est sous la protection de textes réglementaires, votés par des bourgeois compassionnels pour les riches. Il est inculturé dans la conscience populaire. Nos peuples sont hypnotiquement sous contrôle. Ils admettent que c’est par esprit de justice que des saphistes américaines puissent suborner des filles pauvres afin que celles-ci livrent leur corps pour leur jouissance personnelle.[…]
Le mouvement considérable qui s’est soulevé le 13 janvier 2014 est d’ordre philosophique et bien sûr anthropologique ; il amorce une résistance eschatologique qui aura raison de ces pratiques dont la théorisation est née au milieu du XXe siècle.[…]
L'article est long mais vaut vraiment la peine d'être lu en entier.