Une exposition des tableaux du Père Réginald Pycke aura lieu du 10 au 13 décembre, à Paris, à la Galerie Durev. Pour France catholique, Emilie Pourbaix a interrogé ce prêtre ermite qui vit de sa peinture. Extrait :
Un prêtre qui peint, ce n’est pas commun : quel lien faites-vous entre l’art, la peinture et le sacerdoce ?
Être prêtre, c’est monter chaque jour à l’autel « près du Dieu de ma joie », pour renouveler le sacrifice de Jésus sur la croix. Il y a de quoi trembler au regard de nos pauvretés et de la sainteté de ce que l’on célèbre. Pour la peinture mieux vaut ne pas trop trembler quand il s’agit de tenir un pinceau, de chercher les couleurs et les tons qui conviennent. J’aime bien ce bon mot de Jules Renard : « Le talent est une question de quantité… En littérature il n’y a que des bœufs. Les génies sont les plus gros, ceux qui peinent dix-huit heures par jour d’une manière infatigable. » Bon, pour le génie on repassera…mais j’essaie néanmoins de peindre comme saint Paul fabriquait ses tentes, pour vivre de mon travail.
Que voulez-vous dire, à travers la peinture ?
Ah ! Mais je ne veux rien dire du tout ! Il paraît que Georges Rouault citait souvent ce mot de Poussin : « Nous faisons un art muet. » Quand tout le monde parle, quand tout le monde a quelque chose à dire, il est peut être bon qu’il y ait la peinture, cet art muet, silencieux. Pour évoquer le silence de l’Enfant Dieu dans la crèche, Sylvie Germain écrit : « L’enfant au corps d’aube dans le berceau de la nuit, l’in-fans qui ne parle pas encore, irradiant de silence. Un silence où déjà se murmure le chant du monde, où doucement chante la voix du Verbe. » C’est peut-être de ce silence que le peintre pourrait se rapprocher. Un silence qui chante la voix du Verbe. Sans doute s’agit-il davantage de partager que de transmettre… Je n’ai aucun message à transmettre mais je suis heureux de partager mon travail, de montrer aux autres ce que j’ai essayé de faire dans le silence pour eux. Car on peint pour les autres en définitive. Et si tel ou tel tableau apporte un peu de joie, un peu de silence dans la nuit, alors on a réussi.
Quels sont les sujets qui vous inspirent ?
Ceux qui inspirent le plus de confiance et d’amitié émerveillée : la Passion du Seigneur et la tendre patience du Bon Pasteur, les paysages du Chemin des Dames, où j’ai mon atelier. Les autres chemins, ceux de la forêt de Vauclair, le vaste ciel du Soissonnais, les objets dans l’atelier…
Quel est, selon vous, le rôle de la beauté ?
Si la beauté a un rôle, elle le joue à la manière dont la Sagesse joue dans la Bible. Et il me semble que c’est un second rôle, le premier étant tenu par la Vérité. Et la beauté discrètement joue le rôle de manifester la vérité, la splendeur de la Vérité. On ne cherche pas la beauté pour elle-même me semble-t-il.
Ernest Hello, à la fin de son livre L’homme, écrit ceci :
« Il est temps que l’Art proclame la beauté, la puise où elle est et dise où il la puise. Qu’ainsi il soit hardi et simple, vrai et puissant…Pour que l’Art soit beau et que sa beauté soit vraie, je veux que l’Art désormais dise les choses comme elles sont. »
Cela rejoint le message du pape Paul VI aux artistes, du 8 décembre 1965 :
« Le monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans le désespoir. La beauté de la Vérité, c’est ce qui apporte la joie au cœur des hommes. » […]