Communiqué de Grégor Puppinck :
"Le 9 juin 2016, la Cour européenne a rendu sa décision dans l’affaire Chapin et Charpentier c. France (n°40183/07). Elle mettait en cause l’annulation par les juridictions françaises du « mariage de Bègles » célébré en 2004 entre deux hommes, en violation de la loi française.
Par cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle, à l’unanimité, que la Convention européenne des droits de l’homme ne comporte pas de droit au mariage pour les couples homosexuels, tant au titre du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) qu’à celui de se marier et de fonder une famille (art. 12).
Plus précisément, cette nouvelle décision vient confirmer une série d’arrêts, rappelant en particulier que :
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la question du mariage homosexuel est « régie par les lois nationales des États contractants » (§ 36, faisant référence à l’arrêtSchalk et Kopf c. Autriche (n°30141/04) ;
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« l’article 12 consacrait le concept traditionnel du mariage, à savoir l’union d’un homme et d’une femme » et « n’imposait pas au gouvernement défendeur l’obligation d’ouvrir le mariage à un couple homosexuel » (§ 36, faisant référence à Gas et Dubois c. France, n°25951/07, § 66) ;
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l’article 12 « ne pouvait être compris comme imposant pareille obligation [d’ouvrir le mariage] aux États contractants ». Ce rappel des récents arrêts Hämäläinen c. Finlande [GC] (n°37359/09), et Oliari et autres c. Italie (n°18766/11 et 36030/11), a une forte portée puisqu’il reconnaît une limite théorique à l’interprétation littérale du droit de se marier (§ 39) ;
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au regard du droit au respect de la vie privée (garanti à l’article 8) et du principe de non-discrimination (article 14), « les États demeurent libres (…) de n’ouvrir le mariage qu’aux couples hétérosexuels et (…) bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pour décider de la nature exacte du statut conféré par les autres modes de reconnaissance juridique », (faisant référence au arrêt Schalk et Kopf, § 108 et Gas et Dubois, § 66) ;
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les Etats « bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pour décider de la nature exacte du statut conféré par les autres modes de reconnaissance juridique » aux couples de même sexe, et de ses différences avec les droits et obligations conférés par le mariage (§ 51).
L’ECLJ salue cette décision, qu’il estime conforme à une juste interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. L’ECLJ note cependant que cette décision, à la suite de l’arrêt Oliari, ne ferme pas totalement la possibilité d’une évolution future de la position de la Cour en faveur d’un droit au mariage homosexuel comme composante d’un droit « à la reconnaissance » des relations stables, tout en reconnaissant qu’une telle interprétation ne peut s’appuyer sur la lettre de la Convention.
La question du mariage homosexuel place la Cour face aux limites de son pouvoir d’interprétations de la Convention, limites marquées par la lettre même de ce traité et par la volonté explicite d’une part importante de ses Etats parties. S’il est toujours opportun d’appliquer la Convention aux évolutions de la société, il est en revanche abusif de faire une interprétation évolutive du contenu même de la Convention."