Communiqué de l’ECLJ :
Une fondation de la communauté orthodoxe grecque de Constantinople, soutenue par l’ECLJ devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), vient de gagner un recours contre l’État turc. Cette fondation se plaignait de l’absence de reconnaissance formelle d’une propriété et de son expropriation par l’administration turque.
Le 15 novembre 2022, la CEDH a condamné la Turquie pour violation du droit de cette fondation au respect de ses biens (article 1 du Protocole n°1). Ce jugement n’est toutefois pas le point final de cette histoire datant de plus d’un siècle et est critiquable à certains égards. Explications.
Avant 1913, les fondations non musulmanes n’avaient pas le droit de posséder un bien immobilier en leur nom propre. La fondation orthodoxe grecque, comme beaucoup d’autres, avait enregistré sa propriété au registre foncier au nom d’une personne physique fictive. Ce bien est un terrain, incluant notamment une source d’eau dédiée à Saint Nicolas. Après un changement législatif, la fondation orthodoxe grecque a multiplié les démarches, tout au long du XXe siècle, pour être enregistrée comme propriétaire du terrain.
La possession effective et ininterrompue du bien ne lui était pas contestée. Elle a rempli à plusieurs reprises les conditions légales pour obtenir une reconnaissance de sa propriété sur le terrain. Elle a essuyé des refus injustes ou des approbations sans effet. La case du cadastre censée indiquer le propriétaire du bien est restée vierge, comme s’il n’y avait aucun propriétaire. Enfin, en 2007, un tribunal a considéré que l’État turc était propriétaire du terrain. La communauté orthodoxe grecque a donc été expropriée.
En 2009, après avoir épuisé les recours internes en Turquie, la fondation orthodoxe grecque a déposé une requête à la CEDH. En 2022, enfin, la CEDH a rendu son jugement : le tribunal turc n’a pas tenu compte des arguments de la fondation orthodoxe et il a rendu une décision qui n’est ni équitable ni justifiée. La Turquie a donc été condamnée à indemniser la fondation orthodoxe grecque à hauteur de 10.000€.
Surtout, la Turquie devra se conformer à son obligation d’offrir à la fondation des procédures judiciaires présentant des garanties procédurales suffisantes. La fondation pourra alors se saisir de ces procédures, afin de tenter à nouveau de faire reconnaître sa propriété. C’est donc un retour à la case départ pour la fondation, qui peut toutefois espérer que ses arguments soient dûment entendus à l’occasion d’une future procédure judiciaire.
Au niveau européen, l’ECLJ peut encore aider l’Église orthodoxe grecque, en s’assurant que le jugement de la CEDH sera exécuté par la Turquie. Nous interviendrons à cette fin auprès du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qui est en charge de la surveillance de cette exécution.
Pour en savoir plus, lire l’article entier sur cette affaire : « Expropriation par la Turquie : la CEDH donne raison à une fondation chrétienne »
Il est toutefois regrettable que la CEDH ait refusé d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 14 de la Convention européenne, qui interdit les discriminations. La fondation orthodoxe grecque estimait en effet que son expropriation était discriminatoire. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la CEDH condamne la Turquie pour la violation du droit des églises orthodoxe grecque et arménienne au respect de leurs biens. Ces violations révèlent plus profondément un but inavoué et constant de l’État turc : confisquer les biens des chrétiens.
Plutôt que d’examiner cette affaire sous l’angle de l’article 1 du Protocole n°1, la Cour aurait donc pu l’examiner sous l’angle de l’article 14 combiné à l’article 1 du Protocole n°1, en raison de la discrimination historique évidente que subissent les Églises chrétiennes. L’examen sous l’angle de l’article 14 est le choix que la Cour fait habituellement lorsqu’une telle discrimination touche d’autres communautés, par exemple récemment dans plusieurs affaires de « discours homophobes ».
Plus globalement, les patriarcats arméniens et grecs orthodoxes ne sont pas reconnus comme personnes morales. Ils sont donc à la recherche d’une reconnaissance juridique et de droits propres en tant que patriarcats. L’absence de personnalité morale des communautés religieuses est en pratique une discrimination contre les religions non-musulmanes. L’ECLJ avait déjà développé ce problème dans ses observations dans l’affaire Fener Rum Patrikliği (Patriarcat œcuménique) c. Turquie.
En conséquence des discriminations et persécutions subies par les minorités chrétiennes, leur forte émigration a considérablement réduit leur présence en Turquie. En 1920 il y avait encore deux millions de chrétiens en Turquie ; ils ne sont plus que 68 600 et représentent 0,1 % de la population[1]. Plus particulièrement, alors que la minorité orthodoxe de culture grecque représentait 200 000 croyants au début du XXe siècle, ils sont aujourd’hui moins de 3 000.
philippe paternot
la cdeh deviendrait elle anti musulmane?
Oncle-Donald
A noter que ce que constate un rapport d’une commission fédérale indépendante américaine : https://www.infochretienne.com/uscirf-la-turquie-est-lun-des-16-pays-deurope-a-maintenir-une-loi-penale-sur-le-blaspheme/
Dire que l’on veut nous mettre ce pays dans l’UE !