À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’encyclique Humanæ Vitæ, le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a donné une conférence le 4 août à l’abbaye sainte Anne de Kergonan intitulée « Humanæ Vitæ, voie de sainteté ». Extraits trouvés dans Famille chrétienne :
« Le refus d’Humanæ Vitæ, la méfiance vis à vis de cet enseignement vient souvent d’une erreur de perspective. On entend souvent dire : "la règle de l’Église est dure", ou "L’Église manque de miséricorde" ou encore "la règle est impossible à observer dans les faits". Comme si, Paul VI, en condamnant la contraception, avait arbitrairement décidé du permis et de l’interdit. Il y a là une erreur fondamentale ! Paul VI n’a pas, "un beau jour", décidé d'interdire la contraception, par pur caprice ou volonté d’imposer une opinion personnelle. C’est vraiment, après quatre longues années d’étude, de réflexion, de consultation, de lecture de documents scientifiques de qualité sur la question, après avoir longuement prié et s’être totalement livré à l’Esprit Saint, et mu par le sentiment aigu de sa grave responsabilité de père et de pasteur devant Dieu, devant l’Eglise et devant l’humanité, absolument fidèle à sa foi catholique et docile au magistère pérenne de l’Eglise, que Paul VI a pris la décision d’expliquer les circonstances et les raisons qui l’ont motivé à rappeler l’enseignement ferme de l’Eglise.
Chers amis, chers époux si, comme chrétiens, vous refusez la contraception, ce n’est pas d’abord "parce que l’Église l’interdit". C’est plutôt parce que vous savez, par l’enseignement de l’Église, que la contraception est intrinsèquement un mal, c’est-à-dire qu’elle détruit la vérité de l’amour et du couple humain. Elle réduit la femme à n’être qu’un objet de plaisir et de jouissance toujours disponible à tout instant et en toutes circonstances aux pulsions sexuelles de l’homme. Cela me semble très important. Le principe de la morale chrétienne n’est pas le respect d’un devoir imposé de l’extérieur et passivement subi, mais plutôt l’amour du bien, de la vérité de l’être. »
Trois erreurs à propos d’Humanæ Vitæ
« La première erreur se situe chez les fidèles et les époux en particulier. Recevoir Humanæ Vitæ ne revient donc pas à, matériellement et systématiquement, « avoir de nombreux enfants ». Non ! Cela veut tout simplement dire, s’ouvrir généreusement et largement à la vie et accueillir autant d’enfants que votre santé, votre amour et vos moyens vous le permettent, dans un profond sentiment de gratitude à Dieu. Recevoir Humanæ Vitæ, c’est entrer dans la nature profonde de l’amour humain et donc s’engager dans une démarche de paternité-maternité responsable qui, tout en refusant toute pratique contraceptive, sait ouvrir le couple à un accueil généreux et intelligent de la vie, non pas à tout prix, mais selon les capacités de chaque couple. Sachant parfois, si des circonstances justifiées le réclament, espacer les naissances en utilisant l’alternance des périodes de fertilité. Toujours pour mieux protéger l’amour conjugal et familial.
La deuxième erreur à éviter se trouve chez les théologiens et les moralistes. Je voudrais ici avec force reprendre les mots mêmes de Jésus : « Gardez-vous des faux-prophètes ! Ils viennent à vous déguisés en agneaux, mais au dedans ce sont des loups rapaces ! » (Mt 7, 15). Oui, gardez-vous de ceux qui vous disent que, tant que l’intention générale du couple est droite, les circonstances pourraient justifier le choix des moyens contraceptifs. Chers amis, de tels propos sont des mensonges ! Et ceux qui vous enseignent de telles aberrations « falsifient la Parole de Dieu » (2 Co 4,2) Ils ne parlent pas au nom de Dieu. Ils parlent contre Dieu et contre l’enseignement de Jésus. Quand on vous dit : il y a des situations concrètes qui peuvent justifier un recours au contraceptif, on vous ment ! On vous prêche une doctrine frelatée (cf 2 Cor 2, 17) ! Bien plus, on vous fait du mal, car on vous indique une voie qui ne conduit ni au bonheur, ni à la sainteté !
La troisième erreur à éviter se trouve chez les pasteurs : prêtres et évêques. Chers frères prêtres, on cherche parfois à nous culpabiliser en nous accusant de faire porter aux autres le fardeau que nous ne portons pas nous-mêmes. Ne vous laissez pas intimider : obéissez à Dieu plutôt qu’aux hommes. Si vraiment Humanæ Vitæ est la charte d’une vie conjugale menée selon la vérité profonde de la sexualité humaine, alors, nous n’imposerons aucun fardeau ! Au contraire, en prêchant Humanæ Vitæ, nous annonçons la bonne nouvelle ! Nous annonçons la sainteté conjugale ! Comment nos cœurs de prêtres pourraient-ils priver les âmes de cette voie royale de la sainteté conjugale ? Comment pourrions-nous proposer une forme de sainteté "au rabais", inaboutie ? Non ! Comme le dit Paul VI, "Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes". N’abandonnons pas les couples aux sirènes trompeuses de la facilité ! »
Ne pas se limiter à l’ordre biologique
« Il ne s’agit pas de respecter seulement matériellement un ordre biologique mais bien de conformer toute sa vie à l’ordre de la Création. L’ordre biologique, le cycle de la fécondité, est "l’expression de l’ordre de la nature, c’est-à-dire du plan providentiel du Créateur, dans l’exécution fidèle duquel dépend le vrai bien de la personne humaine". Mais ce plan du Créateur ne se réduit pas à la régularité biologique. La fidélité à l’ordre de la Création comprend bien davantage. La fidélité au plan de Dieu suppose l’exercice d’une paternité-maternité responsable qui s’exprime à travers une utilisation intelligente du rythme de la fécondité. Elle suppose une collaboration entre les époux, une communication, des choix communs et libres, posés en conscience, éclairés par la grâce et la prière persévérante, fondés sur une générosité foncière, pour décider, soit de donner la vie, soit, pour de justes motifs", de repousser à plus tard une naissance. Elle suppose une vraie charité conjugale, une véritable tempérance et maîtrise de soi, surtout s’il faut limiter les unions conjugales aux périodes infécondes. Bref, il s’agit de tout un art de vivre, d'une spiritualité, d'un mode proprement conjugal de sainteté ! Autrement dit : les méthodes naturelles sont un fondement mais elles supposent d’être vécues dans un contexte de vertus. Elles peuvent constituer une porte, une pédagogie pour la découverte de cette vie conjugale plénière, mais elles peuvent aussi n’être vécues que matériellement sans ce contexte de responsabilité, de générosité, de charité qui leur est connaturel. »
La sainteté conjugale passe par la Croix
« Oui, chers amis, chers époux, je ne vous prêche pas la facilité. Je vous annonce Jésus, et Jésus crucifié ! Chers époux, je vous invite à entrer sur cette voie royale de la sainteté conjugale. Il y a des jours où elle n’ira pas sans héroïsme de votre part. Il y a des jours où vous serez sur le chemin de la Croix. Je pense à la "croix de ceux dont la fidélité suscite moqueries, ironies et même persécutions", croix des soucis matériels qu’engendre la générosité dans l’accueil de la vie, croix des difficultés dans la vie du couple, croix de la continence et de l'attente à certaines périodes. Chers amis, si je vous annonçais autre chose je vous mentirais, je vous trahirais ! Je ne serai plus ministre de Dieu pour vous conduire au bien (Rm 13,4) ni messager de sa Parole.
Le bonheur, la joie parfaite de vos couples passe par là. Je sais que cela ne va pas sans sacrifice, mais "les tentatives toujours renaissantes d’un christianisme sans sacrifice, un christianisme liquide, à l’eau de rose, sont vouées à l’échec". Le Catéchisme de l’Église Catholique l'exprime avec force : « C'est en suivant le Christ, en renonçant à eux-mêmes, en prenant leur Croix sur eux que les époux pourront "comprendre" le sens originel du mariage et le vivre avec l'aide du Christ. Cette grâce du mariage chrétien est un fruit de la Croix du Christ, Source de toute vie chrétienne ». Nous ne pouvons faire l'économie de la Croix. »