En ces temps troublés de confusion synodale, les éditions Artège rééditent en format poche le célèbre roman de Robert Hugh Benson sur Le maître de la terre, sous-titré La crise des derniers temps. Benson (1871-1914), fils d’Edward White Benson alors archevêque anglican de Cantorbéry, se convertit à la foi catholique et devint prêtre. En 1905, il déclarait :
« J’ai l’idée d’un livre si vaste que je n’ose y penser. L’Antéchrist commence à m’obséder. Si jamais je l’écris, quel livre ce sera ! »
Passionné par les sujets de l’Antéchrist et de la fin des temps, l’auteur a condensé, à travers ce roman d’anticipation à tendance apocalyptique, les principes qu’il avait à coeur d’exprimer et « qu’il croyait être vrais ». Écrit au début du XXe siècle, ce remarquable récit présente une vision prophétique d’un monde coupé en trois empires apparemment antagonistes, mais qui s’unissent dans une perspective de persécution des chrétiens. Ce passionnant roman d’anticipation décrit une situation qui rejoint les antagonismes spirituels et idéologiques de notre monde contemporain, prophétie de la venue de l’Antéchrist, il constitue une profonde réflexion sur les dérives actuelles de la pensée unique et de la paix sans Dieu.
Contemporain des débuts du modernisme et du conflit entre la société moderne, issue du rationalisme des Lumières, et la société chrétienne, l’auteur a imaginé le conflit apocalyptique entre la cité de la Terre, issue de l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, et la cité de Dieu, issue de l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. Néanmoins le roman, qui met en scène l’apostasie de nombre de prêtres et fidèles qui abandonnent publiquement l’Eglise, écarte l’hypothèse d’une apostasie silencieuse d’ecclésiastiques infiltrés au sein de l’Eglise, dans l’espoir de la changer de l’intérieur. Toutefois l’auteur a bien perçu les ravages du modernisme, comme le montre cette scène :
Ne comprenez-vous pas que tout ce que Jésus Christ avait jadis promis est maintenant réalisé ? Le règne de Dieu a commencé : mais nous savons, à présent, qui est Dieu. Vous m’avez dit, tout à l’heure, que vous désiriez le pardon des péchés ; eh bien, ce pardon, nous l’avons tous, puisque nous savons décidément que ce qu’on appelle péché n’existe pas ! Et puis, il y a la communion. Vous vous figuriez qu’elle vous faisait participer à Dieu : eh bien, nous participons tous à Dieu, par le seul fait que nous sommes des êtres humains ! Ne voyez-vous pas que votre christianisme était, simplement, une manière d’exprimer tout cela ? Je veux bien que, pour un temps, ç’ait été l’unique manière : mais maintenant il n’en est plus ainsi ! Et songez que cette vérité nouvelle est certaine, absolument certaine !