Extrait d'un article de Jean Madiran dans Présent :
"Je respecte, j’apprécie cordialement la militance catholique de Christine Boutin et son patriotisme ardent. Mais elle est abîmée par son penchant démocrate-chrétien, ce qui lui vaut des hostilités que je déplore et des critiques hélas justifiées. L’effondrement en cours, c’est pour elle « le capitalisme » qui « s’effondre totalement ». Il ne lui vient pas à l’idée que l’effondrement est plutôt celui de la démocratie moderne occidentale, engendrée par la Révolution française de 1789, arrivée maintenant à bout de souffle.
En effet, comme Christophe Geffroy dans La Nef, je crois que c’est bien la démocratie qui est en train de mourir, mais je ne crois pas comme lui qu’elle va mourir « d’être devenue un simple système procédurier, sans aucune base éthique ». La démocratie moderne a une base éthique qui est vécue, transmise, imposée avec une ferveur religieuse, dont on peut décliner le credo, liberté, égalité, fraternité, laïcité, etc. Son âme est une aspiration intense à la justice, mais confondue avec l’égalitarisme, c’est-à-dire l’égalité en toutes choses, jamais atteinte parce qu’antinaturelle, toujours poursuivie cependant, à travers un combat politique permanent, tantôt sous-jacent et tantôt enfiévré, le combat « gauche contre droite » ou bien la « lutte contre toute discrimination », ou encore l’« égalité de toutes les religions », ou même l’« égalité des chances ».
— Quelle alternative, demande Christophe Geffroy, à la démocratie ?
Il répond :
— Bon an, mal an, les seuls pays où existe un Etat de droit allié aux libertés publiques fondamentales sont des démocraties, « couronnées » ou non.
Mais justement, ce système dans son ensemble est un mensonge, celui de sa contradiction interne : sa réalité, qui dès le début avait assuré sa survie, est oligarchique et ploutocratique, et son libéralisme est tyrannique au point de ne laisser finalement subsister aucune « alternative » politique, – aucune en dehors de son effondrement, sanction inévitable de son échec.
L’anarchie mentale et le nihilisme intellectuel où sombrent les grandes démocraties occidentales ne doivent pas dissimuler que la démocratie moderne est une démocratie religieuse : sa « liberté » consiste principalement à se libérer des obligations du Décalogue, son « égalité » vise toutes les hiérarchies, mais surtout la hiérarchie familiale et la hiérarchie ecclésiastique, sa « fraternité » est une fraternité de combat contre tout ce qu’elle qualifie arbitrairement d’antidémocratique. La « démocratie-chrétienne » s’est toujours trompée en croyant venir combler une absence de religion dans la démocratie moderne. En réalité elle s’y heurte à une religion contraire, fort jalouse de sa domination scolaire, médiatique et politique, et subtilement très contagieuse comme on peut le constater."
Thibaud
On peut aussi considérer que l’effondrement actuel est celui de la démocratie ET du capitalisme.
Denis Merlin
Ce que monsieur Madiran décrit existe véritablement. Mais c’est un parti, ce n’est pas l’essence des droits de l’homme et de la démocratie. Maintenant que les droits acquis des souverains de l’Europe sont prescrits, il ne reste que la démocratie pour légitimer le choix des autorités. D’autant plus que le raccourcissement du mandat desdites autorités et les changements de titulaires à intervalles réguliers est une bonne chose, selon le compendium. Donc ni le fascisme, ni l’autoritarisme n’ont de bases rationnelles. Le choix des dirigeants par la majorité des votants ne peut être condamné.
Un des inconvénients des “droits de l’homme” de 1948 est de ne pas reconnaître que c’est Dieu qui est fondement de la nature sociale de l’homme. Je l’ai dit sur mon blog. Mais les éléments valables dans la déclaration de 1948 et dans la Convention de 1950 restent valables, car fondés sur le décalogue. Il faut distinguer droits fondamentaux et droits contingents pour résoudre le paradoxe apparent entre égalité (fondamentale) et diversité réelle que monsieur Madiran juge insoluble.
Quant à la devise “Liberté, égalité, fraternité”, elle est parfaitement valable,selon les papes. Et humblement et à ma place, je suis parfaitement d’accord avec elle, à la suite des papes. A la différence de la liberté et de l’égalité (fondamentales), la “fraternité” n’est d’ailleurs pas, selon ce que j’ai compris de la lecture des textes des papes, n’est pas une donnée de la raison (la raison ne peut y accéder), mais est extraite de la foi chrétienne.
Un des inconvénients pratique de la position de monsieur Madiran est qu’elle incite à devenir un “émigré de l’intérieur”.
Joa le Bout
@ D. Merlin : La trilogie L.E.F. ne peut être valable que si les contenus en sont précisés et pratiqués dans le sens évangélique et le droit naturel (cf p. ex. Benoît XVI sur le « droit moral et naturel », 12 février 2007).
Cela n’a jamais été le cas. La pratique sociale et l’Histoire révélent même qu’ils en sont le contraire et n’admettent aucune réforme, quelque soit le parti…
Relire JP II parlant de “dévastation des consciences” en se référant aux “idéologies du mal profondément enracinées dans la culture actuelle.” (Mémoire et identité, Flammarion 2005).
Relire aussi les évaluations de B. XVI sur la dictature du relativisme (passim et 18 avril 2005, par exemple…)
Relire enfin les indications de P. XII sur la vraie démocratie (Noël 1944).
Madiran a donc mille fois raisons. Assez d’ aveuglement. C’est comme si c’était sérieux de chercher à pratiquer des avortements chrétiens…
N’est-il pas, par ailleurs, un peu facile de traiter “d’émigré intérieur” ceux qui s’y refusent…?
Mavel
Tout simplement la démocratie chrétienne n’a jamais pris racine en France. Il y a des pays en Europe où c’est un grand courant politique historique (Allemagne, Italie, etc…). En France comme au Royaume-Uni, en Espagne ou ailleurs, ça n’a pas pris. Le MRP de la IVe république s’en inspirait en partie, mais le Gaullisme et d’autres courants du centre-droit l’on asphyxié définitivement par la suite.
C. Boutin joue sa carte personnelle, c’est tout. Se réclamer de la démocratie chrétienne n’est qu’une étiquette pour se raccrocher à ce qui a pu marcher ailleurs.
SD-Vintage
” Bon an, mal an, les seuls pays où existe un Etat de droit allié aux libertés publiques fondamentales sont des démocraties, « couronnées » ou non.”
Le problème de la démocratie française, c’est que ce n’est pas une démocratie : pas de subsidiarité ni de pluralité de médias.
Autres raisons (Jean Madiran) :
“L’anarchie mentale et le nihilisme intellectuel où sombrent les grandes démocraties occidentales ne doivent pas dissimuler que la démocratie moderne est une démocratie religieuse : sa « liberté » consiste principalement à se libérer des obligations du Décalogue, son « égalité » vise toutes les hiérarchies, mais surtout la hiérarchie familiale et la hiérarchie ecclésiastique, sa « fraternité » est une fraternité de combat contre tout ce qu’elle qualifie arbitrairement d’antidémocratique.”
Si je suis d’accord avec :
“Mais justement, ce système (…) sa réalité, qui dès le début avait assuré sa survie, est OLIGARCHIQUE et ploutocratique [les intellos de gauche ne sont pas tous liés à une banque ! Sans compter le culte de la fonction publique]”
je suis en désaccord avec : “et son libéralisme [en France ????] est tyrannique au point de ne laisser finalement subsister aucune « alternative » politique, – aucune en dehors de son effondrement, sanction inévitable de son échec.” ;
ainsi qu’avec “ce système dans son ensemble est un mensonge, celui de sa contradiction interne” :
Le problème n’est pas le système démocratique, mais les hommes qui l’appliquent. D’accord avec Denis Merlin , mais aussi Joa le Bout : “La trilogie L.E.F. ne peut être valable que si les contenus en sont précisés et pratiqués dans le sens évangélique et le droit naturel (…).
Cela n’a jamais été le cas. La pratique sociale et l’Histoire révèlent même qu’ils en sont le contraire et n’admettent aucune réforme, quelque soit le parti…”
Le mensonge est là.
Sancenay
La démocratie a fonctionné dans la Grèce antique.
Mais en France , née d’un gigantesque conflit d’intérêts divers et variés, ponctués de coups d’état permanents, elle n’a jamais réellement vu le jour, de guerres en guerres, et sous la confiscation des pouvoirs de l’information, de l’éducation en particulier, et désormais hélas aujourd’hui jusqu’à la négation du droit d’exister.
Jean Theis
La Grèce antique : de petites villes où les métèques ne décidaient de rien.
Cette démocratie n’était que de l’organisation entre soi.
Qui disait : “je suis modérément démocrate”. Jean Dufour ?
Cosaque
Démocratie athénienne : faut relativiser.
Elle a vraiment fonctionné en tout et pour tout de :
– 510 à 411
Ensuite elle vire à la tyrannie puis à la démagogie.
Rien de nouveau !
Si elle a pu temporairement marcher c’est qu’elle fonctionnait sur un territoire très limité : la cité.
Donc oui aux démocraties locales et directes.
Non à la démocratie nationale qui ne peut pas fonctionner.
tite
il faut savoir que lorsque “la démocratie fonctionnait en Grèce” seul 5% de la population avait droit d’y participer.Il serait grand temps de retourner aux sources et voir ce qu’était RELEEMENT la démocratie grecque avant que de l’ériger en modèle indiscutable et indiscuté.Pour Aristote, le meilleur régime était la Monarchie.
Cosaque
@D Merlin,
“Quant à la devise “Liberté, égalité, fraternité”, elle est parfaitement valable,selon les papes.”
Merci de donner des sources.
Ce n’est pas rien de lancer des affirmations pareilles.
En toute logique :
1- Bien avant la devise (L.E.F) franc-maçonne introduite par Robespierre, ce qui prime en politique c’est le Bien Commun.
2- Prôner la liberté, c très bien.
– mais l’égalité… c’est quoi ? De la foutaise. Oui à l’équité et à la Justice sociale.
– la fraternité… c’est quoi ? La charité laïcisé ?
Cosaque
Tite,
Vous avez parfaitement raison.
Je n’ai cepdt pas les mêmes chiffres : env 10 % de citoyens seulement. Mais oui, une large majorité était esclave ou métèque !
PG
Jean Madiran complète admirablement les analyses de celui celui dont il fut le collaborateur, Charles MAURRAS, à propos de la démocratie chrétienne, tel que celui-ci l’avait décrite dans ”Le dilemne de Marc SANGNIER” : là où MAURRAS avait aperçu l’anarchisme social anti civilisationnel et le ferment de dissolution de l’axiome démocrate-chrétien, Jean MADIRAN complète par cette qualification de religion démocratique qu’est devenue la démocratie, et qui détruit ainsi l’espérance de christianisation de la démocratie moderne qui fut celle des démocrates chrétiens du XX ème siècle.
La condamnation de C. MAURRAS et de l’Action Française a en effet livré l’Eglise à ce rêve -paradoxalement très clérical pour des démocrates chrétiens qui s’étaient prononcés pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat et même pour les lois anticléricales de 1905- que ce serait par la politique que l’Eglise regagnerait les âmes des masses déchristianisées, et non par la construction d’oeuvres et de réalités sociales chrétiennes.
Mais c’est là aussi que l’analyse critique de Jean MADIRAN pourrait se poursuivre pour envisager une voie politique chrétienne selon l’enseignement bimillénaire de l’Eglise : c’est la faiblesse du maurrassisme peut-être, de ne pas prendre suffisament en compte le fait qu’en dehors de la France, il existe des sociétés démocratiques dans lesquelles la religion du relativisme peut être efficacement remise en cause.
Si on sépare la société de l’Etat par la revendication des libertés des corps sociaux naturels, on peut espérer reconstruire des espaces de chrétienté organique au sein des grandes démocraties modernes ; encore faut-il que l’Etat accepte ces libertés, ce qui n’est pas le cas dans la France jacobine.
Le cas de la Suisse ou des USA démontre que le réveil moral des peuples est possible, et que la morale démocratique conduisant inéluctablement à la négation de la loi naturelle n’est pas une fatalité.
Dans ce sens la démocratie ne serait pas moribonde, mais en plein réveil, au sens d’une réappropriation par les peuples de leurs libertés et des leurs droits légitimes premiers contre les féodalités s’appuyant sur l’Etat : ce serait la fin de la démocratie totalitaire, celle du Contrat social déléguant toute légitimité à l’Etat souverain, et l’apparition d’une seconde conception de la démocratie, passant par le contrôle populaire de tous les aspects de la vie sociale et politique, à la lumière des réalités anthropologiques naturelles.
Dans ce sens, il serait plus aisé à l’Eglise de faire partager sa conception doctrinale de la vie des sociétés, car plus les peuples se réveillent, moins les féodalités idéologiques ou autres ne peuvent les empêcher de retrouver leurs racines et de se réapproprier les fondements moraux moraux de notre civilisation gréco-latine et surtout judéo chrétienne.
Cela pourrait être une voie d’espérance.