Suite de la réflexion d'Henri Hude sur la post-modernité. Extrait :
"quelle divinité peut-il exister dans un monde réputé areligieux et postmétaphysique parce qu'on n'y reconnaît pas de Dieu, et où même la Raison des Lumières n’a pas le droit de manifester une autorité ? Réponse : les Individus eux-mêmes, divinisés. En somme, ne pas croire en Dieu, ou en l’Absolu, c’est croire qu’il est éclaté en une infinité de dieux, dont chacun de nous serait l’un. Il n’est pas de monde plus saturé de divinités, que celui qui se veut délivré de Dieu et de la Raison. Voilà pourquoi, en démocratie tardive, la Valeur devient l’Individu, et voilà aussi pourquoi la Religion s’identifie au Respect de celui-ci, au respect de ses opinions et décisions, aussi arbitraires puissent-elles être : c’est que seul l’Absolu fait la Loi, et que l’Individu est le seul Absolu.
Voilà pourquoi l’individualisme «politiquement correct» n’est pas cet égoïsme vulgaire que beaucoup voudraient souvent y voir. Regardé d’un point de vue plus profond, il est une métaphysique, une mystique, une morale, et ce sont ces dieux qui réclament la reconnaissance de leur majesté, le respect inconditionnel de leur divine volonté. Et voilà précisément quel est l’homme des « Droits de l’Homme » (version bas de gamme, postmoderne, « politiquement correcte »). Si vous n’y croyez pas, vous êtes des athées – athées de Mr X, ou de Mme Y, athées de ces dieux postmodernes. Vous voyez bien que tout le monde est athée et qu’on est toujours l’athée de quelqu’un. Ce que Nietzsche n’avait pas prévu, c'est que ses «nouveaux dieux» seraient ceux qu’il appelait les «derniers hommes».
Sans ce minimum d’initiation philosophique, nous ne pouvons pas comprendre grand-chose à la démocratie tardive – celle qui est en train de finir. Cette démocratie-là n’est plus la société libre des enfants de Dieu (comme pour les démocrates chrétiens), ni l’Eglise universelle de la Raison (comme pour les vieux Républicains rationalistes), mais c’est le Panthéon des nouveaux dieux, la République des derniers hommes. Bien sûr, cette mythologie actuelle n’est crédible que dans l’espace-temps de l’infosphère. Eteignez la télévision, la superstition s’évanouit, tout le monde se réveille, il n’y a plus de dieux et nous redevenons des hommes."