De Benoît de Rougnoux pour Le Salon beige :
Au nom de la spiritualité de la communion, on retranche.
Ils sont nombreux les exclus, les laissés pour compte, les naufragés de la vie à avoir trouvé leur famille spirituelle dans une paroisse ou un apostolat attaché à ce que l’on appelait la forme extraordinaire du rite romain.
Ils sont nombreux les jeunes à être attachés à leurs prêtres et à la messe tridentine. Et ils ne sont pas sots. Et ils ne manquent pas de Sensus Ecclesiae, ils ont la foi catholique chevillée au corps et le pape en photo dans leur missel…
On pourrait pourtant se demander si ces fidèles ont encore le droit d’être traités en humains. On peut se le demander quand on voit la dureté de certains pasteurs à leur endroit, sans raison véritable. Quand on pense que des évêques laissent des lieux de cultes à des chrétiens d’autres confessions.
Qu’ont fait les tradis contre la foi et les mœurs ? (Cf Monseigneur, quel dédommagement pour un juste relèvement ? – Le Salon Beige) Ne méritent-ils pas d’être traités comme des êtres humains dans l’Eglise ? Que diraient les fidèles et prêtres de l’Opus Dei si on supprimait l’Opus Dei ? Que diraient les fidèles et prêtres du Chemin Néo-catéchuménal si on supprimait le Chemin ? Que diraient les Assomptionnistes si on supprimait leur institut ? Que diraient les Maronites si on leur demandait de rejoindre la latinité ?
Et après, on va les accuser de violence, de radicalisation, quand, en ces temps difficiles de COVID et de crise morale et spirituelle où il est si difficile d’éduquer des enfants, on veut les arracher à leurs points de stabilité dominicaux/scolaires et catéchétiques ?
Parce que Saint Jean-Paul II a demandé :
« On devra partout respecter les dispositions intérieures de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine, et cela par une application large et généreuse des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du missel romain selon l’édition typique de 1962 » (Ecclesia Dei)
Parce que Benoît XVI affirmait
« ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous » (Summorum Pontificum)
Parce que des milliers de personnes se sont converties dans le cadre liturgique du rite ancien et qu’il est d’une violence incomparable, dans un monde si difficile, de leur retirer cet environnement qui accompagne la maturation de leur foi. Quel scandale de les priver ainsi de cette grâce ! Quelle responsabilité devant Dieu que de prendre le risque de les désorienter gravement ! Oui, quelle responsabilité devant Dieu si une seule de ces âmes se perdait à cause d’un tel traumatisme !
Parce que des centaines de jeunes en formation se prépare à devenir prêtre et célébrer selon les livres liturgiques de Saint Jean XXIII, et que les vocations solides ne sont pas légions…
Parce que des milliers de prêtres diocésains se réjouissent de célébrer régulièrement la messe selon les rites anciens…
Parce que plus d’un million de fidèles, religieux et religieuses se nourrissent chaque jour dans le monde avec les livres liturgiques de Saint Jean XXIII.
Parce que la cause œcuménique est radicalement mise à mal avec cette décision, les réactions outrées des orthodoxes sont tellement nombreuses. Quelle confiance accorder à la hiérarchie catholique quand elle revient sur une promesse ??
Et parce que des milliers de familles s’engagent pour créer des écoles, qu’elles mettent beaucoup de leurs économies pour permettre à leurs enfants de grandir dans un contexte catholique (triptyque famille, paroisse, école), n’hésitant pas à faire de nombreux kilomètres pour que leurs enfants reçoivent un catéchisme catholique, parce que les communautés sont le plus souvent très ouvertes et accueillantes (la diversité sociologique des fidèles est une évidence).
Ce que certains appellent un repli sur soi est la plupart du temps un souci que la jeunesse catholique soit tenue le plus loin possible de la pornographie, de la drogue, de l’immoralité, avec un réel pragmatisme pour que, sans les couper de la réalité, des filtres existent pour le bien des enfants.
Faut-il donc penser que l’engagement et les propos de Saint Jean-Paul II et de Benoît XVI sont insensés ?
Pourquoi tant de vocations et des familles de plus en plus nombreuses attachées au rite tridentin ? Cela est une vraie question et un signe du Saint-Esprit manifestement.
Faut-il donc penser que le message du Pape François aux prêtres de la Fraternité Saint-Pierre à l’occasion de ses 25 ans était une fake new ? Voici les termes de ce message pontifical :
« Qu’en célébrant les mystères sacrés selon la forme extraordinaire du rite romain et les orientations de la Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, ainsi qu’en transmettant la foi apostolique telle qu’elle est présentée dans le Catéchisme de l’Église catholique, ils contribuent, dans la fidélité à la Tradition vivante de l’Église, à une meilleure compréhension et mise en œuvre du Concile Vatican II… »
Pourquoi tant de relativisme pour les uns et tant de dureté pour les autres ?
Benoît XVI écrivait aux évêques :
« Votre charité et votre prudence pastorale serviront de stimulant et de guide pour perfectionner les choses… Je vous invite en outre, chers Confrères, à bien vouloir écrire au Saint-Siège un compte-rendu de vos expériences, trois ans après l’entrée en vigueur de ce Motu proprio [Summorum Pontificum]. Si de sérieuses difficultés étaient vraiment apparues, on pourrait alors chercher des voies pour y porter remède. »
Trois années après, les évêques n’ont pas écrit : c’est donc qu’il n’y avait pas des problèmes si graves que cela… Et c’est maintenant, 15 ans après, alors que les communautés attachées au missel tridentin sont toujours plus nombreuses, recevant de leurs évêques et de leurs prêtres les sacrements de l’Eglise, c’est maintenant que tout devrait s’arrêter ?
Oui, nous aimons entendre la promesse, que dis-je, la garantie prononcée par Saint Jean-Paul II, pape canonisé par François :
« A tous ces fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, je désire aussi manifester ma volonté – à laquelle je demande que s’associent les évêques et tous ceux qui ont un ministère pastoral dans l’Eglise – de leur faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs aspirations. » (Ecclesia Dei)
Pour conclure, il est bon de conclure sur cet extrait du message du pape François cité plus haut :
« Dans un grand esprit d’obéissance et d’espérance, ses fondateurs se sont tournés avec confiance vers le successeur de Pierre afin d’offrir aux fidèles attachés au Missel de 1962 la possibilité de vivre leur foi dans la pleine communion de l’Église. Le Saint-Père les encourage à poursuivre leur mission de réconciliation entre tous les fidèles, quelle que soit leur sensibilité, et ainsi à œuvrer afin que tous s’accueillent les uns les autres dans la profession d’une même foi et le lien d’une intense charité fraternelle. »
Tout est dit.
Que Dieu protège chaque brebis de son troupeau et qu’il donne une longue vie au Saint Père.
Benoît de Rougnoux