Louis Puybasset, directeur de l'unité de neuro-réanimation chirurgicale du groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, et Claude Evin, ancien ministre des affaires sociales et de la santé, écrivent dans Le Monde :
"Soyons clairs : la fin de vie n'est plus aujourd'hui en France un problème d'ordre législatif. C'est un problème culturel qui concerne aussi bien les soignants que les soignés. Nommons les choses par leur nom. Se prononcer en faveur de l'euthanasie consiste désormais à vouloir légaliser l'injection létale de barbituriques et de curares. Il s'agit en pratique d'exiger du personnel soignant qu'il donne activement la mort, c'est-à-dire qu'il arrête le cœur du malade pour traiter sa souffrance. Si les Français demandent légitimement et majoritairement à mourir dans la dignité, peut-on pour autant imaginer qu'ils adhèrent en masse à cette démarche ? Contrairement à l'idée largement répandue, l'euthanasie ne renforce pas le droit des malades mais augmente encore, paradoxalement, le pouvoir des médecins. C'est en réalité un geste d'une grande violence qui n'apaise pas la fin de vie des patients et de leurs proches mais qui, au contraire, multiplie les deuils pathologiques et génère une division des équipes soignantes. Ce que l'on présente comme une idée progressiste, qui pouvait encore faire illusion dans les années 1970, lorsque les moyens de lutte contre la douleur étaient limités et les médecins souvent enfermés dans la toute-puissance, est un concept devenu archaïque.
Quant à la Belgique et aux Pays-Bas souvent érigés en modèles sur le sujet, il est faux de prétendre que leur système ne connait aucune dérive. La légalisation de l'euthanasie remet en cause dans ces pays les interdits, fondements de toute civilisation, qui s'effacent peu à peu au profit des habitudes prises. Ainsi la proportion des euthanasies non voulues y est-elle élevée. Les médecins hollandais avouent eux-mêmes que les traitements sont arrêtés parfois très rapidement dans leur pays pour des raisons purement économiques. Les euthanasies pratiquées sont d'ailleurs souvent suivies de prélèvements multi-organes en Belgique flamande. De plus, la tombée d'un tabou génère toujours une nouvelle revendication. L'ordre des médecins hollandais défend ainsi à présent l'euthanasie des patients âgés "souffrant de la vie" ou victimes de démences. On le voit, l'euthanasie légalisée entraîne un changement complet de la culture du soin et du rôle social de la médecine. Voici ce qui arrive quand on a la naïveté d'autoriser par la loi un acte qui doit rester une transgression. […]"
P G
A près Nora Berra hier sur le tout contraception et l’avortement, maintenant la gauche qui se pose des questions sur l’euthanasie.
Cela me fait songer à une réflexion lors d’une conférence de C. BOUTIN (où elle avait dit par ailleurs pas mal de choses très contestables, mais d’ordre politique), prédisant que les avancées techniques, et donc la connaissance, entreraient en conflit avec l’idéologie : le principe de réalité de la philosophie classique.
Commencerions-nous donc à revenir vers le réel ?
PK
@ PG,
Puissiez-vous être être entendu !
Si seulement on ne remettait qu’un peu de bon sens dans la société, tout irait beaucoup mieux…
SD-vintage
Remarquable et factuel, félicitations Ms Louis Puybasset, et Claude Evin. On aurait aimé l’entendre de M. Léonetti
JCM
Moi ca m’inquiète leur revendication d’un droit à la transgretion !
Marc
Comme je le dis et explique souvent, je connais une grand-mère néerlandaise qui s’est installée en France, car, dit-elle, “Je ne veux pas être piquée comme un chien”.
Sans oublier que des héritiers peuvent très bien souhaiter accélérer la “succession”…
Sancenay
Si la transgression devient légale : peut-ce être encore une transgression ? de quoi ?
Qu’est-ce que c’est que ce étrange sabir “d’une euthanasie non voulue” qui voudrait faire croire qu’il existe des “euthanasies voulues” ?
S’il peut y avoir hélas des volontés de suicide , des désespérances absolues devant la douleur ou la dureté de la vie,des tentations diaboliques, il n’y a pas “d’euthanasie voulue”.
A défaut de médecin fidèle ou d’un oecuménisme de bon emploi comme on en perçoit la manifestation ces deniers temps , reste-t-il un linguiste dans la salle pour restaurer leur sens aux mots ?
Mais il est vrai que lorsque l’on fait dire aux lois que l’arrêt de l’alimentation de l’hydratation ou de la respiration sont des “arrêts de traitements”, il ne faut plus s’étonner de rien.
Si je me trompe sur ce thème gravissime, merci de m’en apporter ici la preuve irréfutable de préférence à une “visite de courtoisie” comme on dit en langage diplomatique, qui a d’ailleurs déjà eu lieu.