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L'Eglise : Foi

La foi au défi du relativisme et de l’individualisme

Le Père Serge-Thomas Bonino, secrétaire de la Commission théologique
internationale,
et « théologien du pape », est interrogé dans Famille chrétienne sur l'Année de la Foi. En voici des extraits :

B"[…] L’idée d’une nouvelle évangélisation est très liée
au contexte occidental. L’Europe a été évangélisée en profondeur, et cette première évangélisation a
donné naissance à une civilisation chrétienne d’une
richesse exceptionnelle, au Moyen Âge puis aux
temps modernes.
Mais, peu à peu, pour des raisons fort complexes,
le christianisme a cessé d’irriguer les cultures européennes
jusqu’à la situation actuelle, à propos de
laquelle Jean-Paul II n’hésitait pas à parler d’« apostasie
silencieuse ».
C’est un fait : même si nos
contemporains continuent tant bien que mal à
vivre inconsciemment de valeurs d’origine chrétienne,
le christianisme n’est plus une référence
vitale pour la plupart d’entre eux. […]

Le christianisme dit « sociologique » a-t-il disparu ?

Il ne survivra pas longtemps. Dans le contexte
actuel, où elle ne s’incarne plus dans les structures
culturelles, la foi ne peut exister que si elle est vécue
en vérité par des croyants qui la prennent au
sérieux, et en font l’axe essentiel de leur vie. Sinon,
le christianisme n’est plus qu’un vernis culturel,
un héritage que l’on n’habite plus vraiment. Une
coquille vide. Nos contemporains ne vivent-ils pas
comme des étrangers dans leur propre culture ? […]

La foi n’est jamais facile, et chaque époque
connaît ses propres difficultés. Aujourd’hui, la foi
est surtout menacée par le relativisme ambiant, qui
méconnaît le caractère absolu de la Vérité
. Nos
contemporains ont du mal à comprendre que la foi
n’est pas une simple opinion parmi d’autres
.
Or, quand la foi est vécue sous forme d’opinion,
on en prend et on en laisse. L’enseignement de
l’Église devient un vaste supermarché où chacun
fait ses courses en fonction de ses désirs subjectifs
: je prends ce qui me plaît ou me parle… et je laisse tomber le reste
. Au lieu d’accepter que
la parole de Dieu donne un sens à ma vie, c’est moi
qui prétends lui donner un sens acceptable ! Or
la foi est au contraire un accueil inconditionnel
de la parole de Dieu comme vérité définitive sur
Dieu et sur l’homme
. […]

L’acte de foi est la réponse de l’homme à la parole
de Dieu, communiquée à travers la prédication de
l’Église. Elle n’est pas un vague sentiment sans objet,
mais une adhésion de l’intelligence à un contenu
intellectuel, à un ensemble de vérités qui définit
qui est Dieu et quel est son projet pour l’humanité
.
Mais cette adhésion de l’intelligence engage ma
personne dans toutes ses dimensions. […] [Sur cette déclaration, lire le 1er commentaire ci-dessous, NDMJ]

La foi et la croyance sont quand même deux
notions très différentes…

Imaginez que je doive me rendre à la cathédrale
d’Auch pour mon mariage. J’ai tout prévu pour être
à l’heure. Mais voilà que, sur cette petite route de
campagne, je me retrouve derrière un camion des
Déménageurs bretons qui roule à 30 km/h. Impossible
de doubler, je n’ai aucune visibilité. J’enrage.
Mais au bout d’un moment, le chauffeur du camion
me fait signe par sa fenêtre de le dépasser. Motivé
par le désir de retrouver à temps ma promise, je
décide de faire confiance au chauffeur, de le « croire »,
et de doubler. Ce faisant, je risque ma vie !
L’acte de foi ne fonctionne pas autrement. Par
moi-même, je ne peux pas savoir si telle ou telle
affirmation qui dépasse mon intelligence est vraie
ou fausse. Mais je fais confiance à quelqu’un qui est
mieux informé que moi. Croire, c’est tenir quelque
chose pour vrai sur l’affirmation d’un témoin qualifié
.
Dans la foi, je fais confiance à Jésus qui sait
mieux que moi ce dont Il parle.
Notez bien que si je ne veux pas faire confiance,
je trouverai toujours mille raisons de ne pas faire
confiance. J’irai imaginer que le chauffeur du camion
a la berlue, ou qu’il me veut du mal… Telle est la
tentation de l’homme contemporain. […]

La confiance est toujours difficile, car faire
confiance, c’est prendre le risque de dépendre
d’autrui, et donc de ne plus maîtriser parfaitement
sa vie
. Ainsi, par la foi, je cesse d’être le seul maître
de ma vie pour la remettre au Seigneur.
Mais il est vrai aussi que le développement
contemporain de l’individualisme renforce cette
difficulté
. L’individualisme revendiqué isole les
personnes. L’unique rapport possible avec autrui
devient alors le contrat mutuel. D’où la dérive judiciaire
qui, dans nos sociétés, s’infiltre partout et
tend à se substituer aux rapports humains
. On
aimerait tant que toute la vie soit réglée par des
contrats en bonne et due forme. On éviterait ainsi
d’avoir à faire le saut de la confiance en autrui !
Mais, grâce à Dieu, c’est impossible
."

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1 commentaire

  1. Un prêtre, Fr. Grégoire, m’envoie ce commentaire sur la citation du père Bonino :
    « L’acte de foi est la réponse de l’homme à la parole de Dieu, communiquée à travers la prédication de l’Église. Elle n’est pas un vague sentiment sans objet, mais une adhésion de l’intelligence à un contenu intellectuel, à un ensemble de vérités qui définit qui est Dieu et quel est son projet pour l’humanité ».
    Tout en reconnaissant la pertinence du propos de l’article en général, je me permets –pour éveiller la recherche de ceux qui veulent se renouveler dans la foi- de préciser certaines choses :
    La foi c’est d’abord en nous l’effet de Dieu qui me parle, c’est donc une nouvelle vie, avant d’être une réponse ! Car la Parole de Dieu à un effet quasi-substantiel en nous : elle nous transforme dans ce qu’il y a de plus vital en nous !
    Ensuite, la foi est –comme réponse- adhésion à une personne se révélant et non à un contenu intellectuel ; « J’adhère » signifie que je suis immédiatement en contact avec celui qui me parle ; je ‘touche’ Dieu, la Trinité dans son existence qui me dit à travers sa Parole comment Il est vers moi et pour moi ! C’est pour cela que ce n’est pas seulement ‘intellectuel’ mais une adhésion –acte de l’intelligence, qui est en nous cette capacité de l’autre- affective « pia affectio » dit le Concile d’Orange : notre intelligence est mû, porté, poussé, comme incliné par un poids intérieur à être vers Lui. L’intelligence adhérant normalement par les sensations à ce qui existe, elle est dans la foi, portée par un amour qui lui donne comme des ailes (sans aucun vécu bien sûr, en ce sens ce n’est pas un vague sentiment ou du ressenti).
    La foi enfin n’est pas une définition d’un contenu intelligible ! Sinon c’est la mort de la foi ! Définir c’est mettre des limites : or même dans la vision béatifique je ne comprendrais pas Dieu dans tout ce qu’il est : Dieu ne peut être défini ! Déjà humainement, croire mon ami, vivre de lui, l’écouter me dire ce que je suis pour lui ne peux signifier l’adhésion à un contenu intellectuel, ni ramener ce qu’il me dit à ce que je peux en définir !
    Dire que la foi « définit qui est Dieu et son projet sur l’humanité » c’est presque ce que disait les théologiens allemands source de l’athéisme contemporain !
    Or, par exemple, lorsque Dieu me révèle qu’il est Père : j’adhère à sa présence comme source gratuite, parce qu’Il me le révèle, mais sans pouvoir définir ce qu’est la paternité de Dieu : c’est au-delà de toutes expériences humaines, cela me dépasse et je ne peux y entrer qu’en lui mendiant de me dire ce que cela signifie pour Lui ! Définir le contenu de
    ce qui est révélé voudrait dire que je peux contenir et posséder Dieu… et donc je serais Dieu ! Si je peux dire ‘qui est Dieu’, alors ce n’est pas Dieu : Dieu ne peut être que contemplé, non pas défini !
    Et je laisse de côté l’expression : « projet sur l’humanité… » il y aurait là encore beaucoup à dire !
    Cf l’homélie de Benoit XVI du 05.09.2012:
    «… personne ne peut ‘avoir’ la vérité. C’est la vérité qui nous possède, c’est une chose vivante! Nous n’en sommes pas les propriétaires, mais nous sommes saisis par elle !
    Ceci est un avertissement sur l’intellectualisation de la foi et de la théologie. C’est l’une de mes craintes en ce moment, quand je lis tellement de choses intelligentes: qu’elle devienne un jeu intellectuel dans lequel «nous nous passons la balle », où tout n’est qu’un monde intellectuel qui n’imprègne ni ne forme nos vies, et qui donc ne nous introduit pas dans la vérité. »
    Et sur cette déclaration :
    « La foi est ainsi une forme particulière d’une attitude psychologique courante dans notre vie quotidienne : la croyance. »
    Non ! La foi est “semens gloriae” ! “Semence de gloire”, “participation à la nature de Dieu” ! C’est un don gratuit reçu au baptême (Cf. Rite de Baptême: “Que demandez-vous l’Eglise de Dieu? Rép: “La foi ou la vie éternelle”) bref, la foi, cela vient d’en haut ! Ce n’est donc pas une attitude ‘psychologique’, même si elle s’enracine dans un fondement humain qui est la croyance… !!
    http://www.quecherchezvous.fr/article-la-foi-qu-est-ce-110374550.html

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