Les éditions Michel Lafon ont publié un bel ouvrage de Jean Sévillia sur La France Catholique, riche de 400 photos d'excellentes qualité. Extraits :
"La France compte 44 millions de baptisés, soit deux personnes sur trois : qu’on le veuille ou non, cette proportion représente une grosse majorité de la population. En 2045, selon les projections, le pays comptera entre 37 millions de baptisés (hypothèse haute) et 33 millions (hypothèse basse). Moins de la moitié de la population sera baptisée, mais le nombre de catholiques, y compris dans l’hypothèse pessimiste, représentera encore une masse considérable. Même aujourd’hui, en additionnant le nombre de pratiquants réguliers (environ trois millions de personnes) et celui des pratiquants épisodiques (une dizaine de millions), on arrive à 13 millions de catholiques qui savent pourquoi ils entrent dans une église : ce chiffre n’est pas de ceux que l’on tient pour quantité négligeable. Minoritaires, les catholiques français du xxie siècle ? Oui. Mais l’objet de cet ouvrage n’est pas d’analyser pourquoi le catholicisme, en France, est passé du statut majoritaire au statut minoritaire, mais de comprendre, par le texte et par l’image, quelle place occupe cette minorité dans la société française. Et partant, de s’interroger pour savoir si ce noyau catholique possède non seulement la capacité de se maintenir, mais de recommencer à grandir.
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Si les années de crise n’ont pas épargné les couvents, il importe de souligner que, au cours de cette période, des congrégations sont nées. Et que de nouvelles pousses apparaissent toujours, à contre-courant du déclin apparent de la vie religieuse. En 1970, l’abbaye d’Ourscamp, dans l’Oise, voyait renaître les Serviteurs de Jésus et de Marie, communauté tournée vers l’évangélisation des jeunes. En 1975, Pierre-Marie Delfieux avait l’intuition d’installer dans la ville des moines et des moniales qui récitent l’office en communauté et travaillent à mi-temps dans la société : les Fraternités monastiques de Jérusalem, inspirées par la spiritualité bénédictine et la liturgie orientale, sont nées ainsi à Paris, à la paroisse Saint-Gervais. Elles rassemblent actuellement 70 frères et 90 sœurs, établis dans la capitale mais aussi à Vézelay, au Mont-Saint-Michel, à Blois, à Strasbourg, à Bruxelles et à Florence. En 1976 étaient fondés les Frères de Bethléem, branche masculine d’une congrégation née dans le diocèse de Sens, en 1950, à la suite de la proclamation du dogme de l’Assomption ; aujourd’hui, les Frères et les Sœurs de Bethléem, de l’Assomption de la Vierge et de saint Bruno, qui sont 800 dans le monde, possèdent en France un monastère d’hommes et douze monastères de femmes, dont les derniers ont été établis en 1982, 1988, 1991 et 1998, soit 300 religieuses et une cinquantaine de novices. Fondée en 1983 près de Perpignan, la Communauté de l’Agneau compte 160 sœurs et une trentaine de frères ; cette communauté de spiritualité dominicaine, présente dans l’Aude et à Toulouse, Avignon, Béthune, Lyon ou Rennes, construit actuellement un monastère à Marseille.
En 1980, Dom Gérard Calvet fondait l’abbaye bénédictine du Barroux, bâtie à partir de zéro dans un site somptueux du Vaucluse, au pied du Mont Ventoux. Cette communauté nombreuse et jeune, qui vit au rythme de la liturgie d’avant 1962, a reçu son statut de droit pontifical en 1989 et a essaimé, en 2002, en fondant le monastère de La Garde, dans le diocèse d’Agen. Les chanoines réguliers de la Mère de Dieu, jeune communauté de rite tridentin également, établie en abbaye de droit pontifical en 1997, se sont installés en 2004 dans l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude, relevant le défi de restaurer un monument historique. Fondées en 1995, les Petites Sœurs disciples de l’Agneau ont été érigées en Institut religieux de vie contemplative. Reliée au père Abbé du monastère bénédictin de Fontgombault, cette communauté a pour particularité de réunir des sœurs trisomiques et des religieuses valides.
Citons encore l’Ordre de l’Annonciade. Fondé par sainte Jeanne de France, la fille du roi Louis XI, cet ordre contemplatif possède quatre monastères en France. En 2014, il a essaimé en fondant le couvent de Grentheville, près de Caen, dans la certitude que des jeunes filles de la nouvelle génération catholique seront attirées par la règle de l’Annonciade, qui se veut calquée sur les vertus de la Vierge Marie : pureté, prudence, humilité, foi, louange, obéissance, pauvreté, patience, charité et compassion.
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À s’en tenir aux statistiques, le catholicisme, en France, s’efface au profit de l’indifférence religieuse ou d’autres cultes. À suivre le tour d’horizon poursuivi au long de ces pages, il possède au contraire de remarquables atouts. Pendant le carême 2015, après avoir effectué une tournée à Paris afin de présenter son livre Dieu ou rien, un grand prélat africain, francophone et francophile, le cardinal guinéen Robert Sarah, nommé préfet de la Congrégation pour le Culte divin par le pape François, est parvenu à cette conclusion : « Quelles que soient les faiblesses, je peux dire que la France que j’ai revue demeure aujourd’hui encore la fille aînée de l’église ».
La chrétienté d’autrefois, à vue humaine, ne reviendra pas. Mais l’Eglise a toujours su s’adapter à des contextes socio-historiques différents. S’il est difficile d’imaginer vers quel paysage religieux nous allons, les conditions sont réunies pour que l’avenir, faisant mentir les prophètes de malheur, réserve de beaux jours à l’église de France. Comme toujours, il y faudra l’aide de Dieu. Il y faudra aussi la peine des hommes. Et leur conversion. « L’évangélisation commence par celle de l’évangélisateur, rappelle le cardinal Vingt-Trois. Si ne n’est pas le cas, il n’évangélise pas ceux qui ne sont pas croyants. »"