Thibaud Collin critique longuement le livre du Père Bordeyne, Recteur de l’Institut catholique de Paris, intitulé Divorcés remariés Ce qui change avec François (Salvator, 2017), dans lequel il justifie l’admission à la réconciliation sacramentelle et à la communion eucharistique des fidèles remariés ne respectant pas les conditions énoncées par saint Jean Paul II dans Familiaris consortio. Extrait :
« […] « Certains ont proposé une sorte de double statut de la vérité morale. En plus du niveau doctrinal et abstrait, il faudrait reconnaître l’originalité d’une certaine considération existentielle plus concrète. Celle-ci, compte tenu des circonstances et de la situation, pourrait légitimement fonder des exceptions à la règle générale et permettre ainsi d’accomplir pratiquement, avec une bonne conscience, ce que la loi morale qualifie d’intrinsèquement mauvais. Ainsi s’instaure dans certains cas une séparation, voire une opposition, entre la doctrine du précepte valable en général et la norme de la conscience de chacun, qui déciderait effectivement, en dernière instance, du bien et du mal. Sur ce fondement, on prétend établir la légitimité de solutions prétendument “pastorales”, contraires aux enseignements du Magistère, et justifier une herméneutique “créatrice”, d’après laquelle la conscience morale ne serait nullement obligée, dans tous les cas, par un précepte négatif particulier. »
La loi morale nous condamnerait-elle alors à l’impossible ? Dieu poserait-il sur nos frêles épaules un fardeau trop lourd à porter ? Et faut-il par bonté pastorale alléger ce fardeau et proportionner les normes morales ? L’indissolubilité et l’exclusivité du mariage ne seraient-elles pas des exigences idéales vers lesquelles il faudrait tendre mais qui dépasseraient les capacités concrètes de la plupart des fidèles conditionnés par l’esprit du monde et blessés par de nombreuses structures de péché ? De telles questions sont légitimes mais elles ne sont pas nouvelles. La vie chrétienne s’identifie-t-elle à ce moralisme exigeant de faire usage de son libre-arbitre pour croître dans le respect des commandements ? Comment ne pas voir qu’une telle approche fait l’impasse sur la puissance de la grâce divine offerte simultanément aux commandements ? Paradoxalement une certaine conception de la miséricorde n’est que le complément de cette attitude foncièrement pélagienne, autrement dit la (fausse) solution à un problème mal posé. Dieu donnant des commandements trop difficiles à observer, il fermerait les yeux sur nos manquements. Qui ne voit qu’une telle miséricorde se nomme en réalité tolérance ? La patience de Dieu n’est pas pusillanimité. Dieu veut le vrai bien de l’homme et il lui donne la grâce de l’accomplir. La vocation universelle à la sainteté, centre névralgique de Vatican II, n’est pas une option facultative réservée à quelques happy few ou à quelques maximalistes à tendance pharisaïque.
« On peut vaincre les tentations, dit saint Jean Paul II, et l’on peut éviter les péchés, parce que, avec les commandements, le Seigneur nous donne la possibilité de les observer : “Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît lui-même toutes les œuvres des hommes. Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne licence de pécher” (Si 15, 19-20). […] »