Après les premières auditions des responsables régionaux de La Manif Pour Tous par les espaces éthiques régionaux, ce sont trois des représentants nationaux de La Manif Pour Tous qui ont été auditionnés par le CCNE : ils ont échangé avec le Pr Delfraissy, Président du CCNE, et 11 autres sages. A l’instar des auditions en régions, cette séance a été dédiée aux questions posées par l’évolution de la PMA et par la GPA, leurs conséquences pour tous, et les clivages et divisions observées au sein de la société sur ces sujets.
Après l’espace éthique du Grand-Est le 21 février, ceux de Nouvelle-Aquitaine et Hauts-de-France le 27 février, d’Aquitaine le 9 mars, d’Auvergne Rhône Alpes le 20 mars, de Bretagne le 21 mars, et attentant les auditions régionales suivantes, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a auditionné La Manif Pour Tous ce 29 mars.
Bruno Dary, Albéric Dumont et Ludovine de La Rochère ont exposé aux membres du CCNE leurs observations sur le déroulé des Etats généraux de la bioéthique. Dans les nombreux débats consacrés à la PMA sans père et à la GPA, le rôle irremplaçable du père et de l’amour paternel est largement souligné et partagé par les interventions citoyennes. Les motifs de réserve et d’opposition claire à la PMA sans père et à la GPA, développés par les participants dans les réunions publiques, sont très divers : besoins affectifs et éducatifs des enfants, conséquences sociales, risque de marchandisation de la procréation, détournement de la médecine, éthique…
Respecter la Convention Internationale des Droits de l’Enfant
Depuis plus de 5 ans, La Manif Pour Tous ne cesse de rappeler la nécessité de prendre en compte la réalité anthropologique, c’est-à-dire le fait que seul le couple homme-femme peut concevoir un enfant et que tout enfant a besoin de son père et sa mère. Comme l’indique la Convention internationale des droits de l’enfant dans son article 7, l’enfant « a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Les rédacteurs de la Convention ont naturellement tenu compte des aléas de la vie : cette expression « dans la mesure du possible » désigne ainsi tout ce qui peut survenir au cours de la vie, qui rendra impossible pour l’enfant l’exercice de son droit à connaître ses parents et à être élevé par eux : abandon, accident, maladie, mort, séparation, divorce, violences ou encore, dans un autre ordre, guerre, déplacements de population, exil, etc. En dehors de ces situations, malheureusement fréquentes mais que personne n’a voulues, l’enfant a effectivement « le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux » et ce droit doit être respecté : c’est en effet le plus souhaitable pour lui.
Refuser la violence et l’injustice faite à l’enfant
Et il est frappant de constater que ceux qui ont été orphelins, puis adoptés par des familles aimantes, connaissent souvent cette souffrance : autrement dit, ne pas connaître l’un de ses parents, ou les deux, est source de questions angoissantes et de détresse, même en ayant la chance d’être aimé et entouré par une famille adoptive. Alors certes, on peut se remettre de telles blessures. Heureusement. Mais il n’est pas pour autant envisageable de blesser volontairement : ainsi, ce n’est pas parce que des enfants sont séparés de leurs parents par les aléas de la vie que l’on peut volontairement, délibérément, séparer des enfants de l’un de leurs parents ou des deux : priver, sciemment, des enfants de père ou de mère serait un déni des conséquences, une injustice immense, une violence faite à l’enfant.
Hélas, envisager d’autoriser la procréation médicalement assistée à des femmes seules ou à des couples de femmes, puis dans un second temps la gestation pour autrui, ou pratique des mères porteuses, consistent précisément en cela.
Les propositions de La Manif Pour Tous
Lors de l’audition de cet après-midi devant le CCNE, La Manif Pour Tous a rappelé ses propositions relatives à la procréation médicalement assistée. Le mouvement social souhaite que la future loi de bioéthique maintienne le cadre défini par l’article L 2141-2 du Code de la santé publique ; c’est-à-dire :
- « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. »
- « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. »
- « Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation. »
La Manif Pour Tous s’est également prononcée en faveur de la suppression de l’insémination avec tiers donneur qui institue une rupture dans la filiation de l’enfant et crée une souffrance liée au fait de naître de père inconnu. Cette modification mettrait la France en conformité avec les engagements internationaux qu’elle a pris (qui sont de normes supérieures aux normes nationales), en particulier comme signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (article 3 et article 7). Elle irait dans le sens de l’égalité puisque la loi serait bien la même pour les couples homme-femme, les couples de femmes et les femmes célibataires.
Concernant la gestation pour autrui, La Manif Pour Tous a demandé au CCNE que l’interdiction de recourir à une mère porteuse soit étendue. La loi interdit cette pratique aux Français seulement sur le territoire français. En outre, l’Etat comme les tribunaux facilitent de plus en plus fréquemment l’accueil d’un enfant né de GPA, donc légitiment de facto le recours à une mère porteuse à l’étranger par des ressortissants français. Pour La Manif Pour Tous, la dignité de la femme et de l’enfant n’a pas de frontière. Ce qui est intolérable sur le territoire national ne peut pas être accepté ailleurs. Le mouvement a donc plaidé devant le CCNE pour l’élargissement de l’interdiction de la GPA. A l’instar d’autres crimes ou délits, le recours à une mère porteuse devrait être interdit aux Français sur le territoire national comme à l’étranger. Le mouvement propose donc de réécrire en ces termes l’article 227-12 du code pénal :
- Insérer, après le troisième alinéa, un alinéa rédigé ainsi : « La vente ou l’achat d’enfants, que ce soit en France ou à l’étranger, sont interdits. »
- Insérer, après le quatrième alinéa, un alinéa rédigé ainsi : « Lorsque les délits prévus au présent article sont commis à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et les dispositions de la seconde phase de l’article 113-8 ne sont pas applicables. »
- «L’audition devant le CCNE s’est déroulée dans un climat de bienveillance et d’écoute mutuelle. Nous avons fait part de nos observations comme l’importance des clivages au sein de la société sur les questions de filiation. Cette absence de consensus est une surprise pour certains observateurs. Elle doit conduire le Président de la République et son gouvernement à la prudence sur ces sujets » commente Ludovine de La Rochère. « Sur de tels sujets dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils relèvent de l’intime et sont éminemment complexes, la sagesse incite à éviter tout passage en force de nature à raviver davantage encore les clivages et les tensions dans la société » poursuit-elle.
« Très impliqué dans les Etats généraux de la bioéthique, le mouvement entend continuer à contribuer à ces débats de société, majeurs pour notre avenir commun et celui de nos enfants » conclut Albéric Dumont, coordinateur général et Vice-président de La Manif Pour Tous.