Extrait d’un article de l’abbé Roy (FSSP) paru dans France catholique :
Chaque printemps depuis plus de trois millénaires, le peuple d’Israël célèbre la sortie d’Égypte: la fête de Pessah est une véritable réactualisation. Ayant rassemblé les siens, le père de famille entonne la grande haggadah:
« Cette année nous sommes ici; l’an prochain en Terre d’Israël. Cette année nous sommes esclaves ; l’an prochain puissions-nous être libres. […] Nous étions esclaves du Pharaon en Égypte, et l’Éternel, notre Dieu, nous a fait sortir de là d’une main forte et d’un bras étendu. »
Chez les Juifs, la célébration pascale n’est pas un souvenir mais une réactualisation: on n’y rappelle pas un fait lointain, on s’exprime à la première personne. Or, c’est pendant ce repas rituel que le Christ institua le sacrement de l’Eucharistie: en demandant à ses Apôtres de « faire ceci en mémoire » de lui, il ne leur propose donc pas une reproduction symbolique du dernier repas mais une véritable réactualisation du mystère lancé ce soir-là. Selon l’institution du Seigneur, l’Eucharistie n’est pas un souvenir mais une présence.
La Cène, début de l’institution
L’institution ne se limite ainsi pas à cette soirée du Jeudi saint. Le repas liturgique commencé par les Apôtres autour de Jésus ne fut pas terminé cette nuit-là: après le singulier partage de la troisième des quatre coupes prévues par le rituel – la « coupe de bénédiction » convertie en son propre sang – et avant de partager la dernière – appelée « coupe de consommation » –, le Christ interrompit la célébration et emmena ses hôtes vers le jardin des Oliviers. Là, dans sa prière d’agonie, il mentionne justement le « calice » que son Père lui demandait de boire. Après sa condamnation par le Sanhédrin puis par Pilate, parvenu au Golgotha, on lui propose une coupe de vin qu’il refuse. Ce n’est qu’après trois heures en Croix, ayant prononcé quatre premières paroles, accompli toutes les prophéties, qu’il s’écrie « j’ai soif ». Il boit alors la dernière coupe et dit « tout est consommé », puis remet son esprit entre les mains du Père. L’action commencée par le Christ au soir du Jeudi saint ne s’achève donc que le Vendredi: l’institution de l’Eucharistie inclut ces deux moments inséparables. Jeudi et Vendredi saint sont les deux temps de la démarche sacrificielle, l’offrande et la consommation, qui se retrouvent à la messe dans l’offertoire et la consécration, et se consomment dans la communion, anticipation de la Résurrection. […]