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La mort, passage obligé vers la Vie

La mort, passage obligé vers la Vie

Un article d’Antoine Bordier pour Le Salon beige :

La mort est un sujet de plus en plus tabou dans nos sociétés modernes en voie de déchristianisation avancée. Elle reste cependant d’actualité à l’approche du 2 novembre. Le lendemain de la fête de la Toussaint, traditionnellement, toutes les familles de France se penchent sur leurs défunts et vont refleurir leurs tombes. Reportage à Toulon, où le Service Catholique des Funérailles organise des parcours de réflexions pour se « réconcilier avec la mort ».

Ils sont une vingtaine de participants, du diocèse de Fréjus-Toulon, venus faire le point sur leur rapport avec la mort, sur leur préparation à cet instant fatidique, qui n’épargne personne depuis le péché originel. Parler de la mort sans parler de la vie éternelle, serait réducteur. D’autant plus que certains des participants accompagnent en tant que laïcs des familles endeuillées. C’est le cas d’Albert, au service de la Communion Saint Lazare (lire notre encadré), spécialisée dans la célébration des funérailles. Joëlle fait partie de la diaconie du Var. Jérôme Bertrand, directeur du Service Catholique des Funérailles de Toulon, est à l’initiative de cette journée. Il explique que

« notre société est très paradoxale : elle repousse de plus en plus la réflexion sur la mort alors même qu’elle y est en permanence confrontée dans les médias : avec la pandémie, le terrorisme, la fin de vie, et, les catastrophes. Nous avons tous besoin de nous réconcilier avec la mort. Ce besoin de s’arrêter pour faire un point personnel sur cette question concerne, en particulier, ceux qui accompagnent des personnes confrontées à un deuil. »

Jérôme lance la journée, animée par Laure Leslé, qui vient spécialement de Marseille, et, qui en est à sa neuvième session.

« Auparavant, dit-elle, j’ai vécu 10 ans au Québec, où je me suis formée auprès de Jean Monbourquette, psychologue et prêtre ».

Le déni de la mort

Christian de Cacqueray est le fondateur et le directeur national du Service Catholique des Funérailles. Il parle, dans une vidéo introduite par Laure, du déni de la mort. Il explique que

« les rites se sont effondrés et avec eux notre rapport à la mort. La mission des chrétiens, notre mission, est de choisir la vie plutôt que la mort. Le parcours funéraire est à la fois un parcours anthropologique, psychologique et spirituel. »

Il rappelle, notamment, que « l’individualisme a pris le pas sur le collectif ». De fait, une distance intergénérationnelle semble s’être dressée, depuis une trentaine d’années. Et, la question « qui était ce défunt pour moi ? » est de plus en plus posée, indiquant que le curseur de la distanciation et de l’indifférence est au plus haut. Mauricette, veuve depuis 10 ans, qui a 4 enfants et 7 petits-enfants, ne vit pas dans le déni. « Je suis prête, dit-elle, le Seigneur peut venir me chercher. » Didier et Josette sont mariés depuis 50 ans, pour eux l’accompagnement est très important : « les gens ont besoin de compassion ». Ils expliquent que « notre société est très contradictoire : elle diffuse une culture de mort, et, elle se veut immortelle ». Joëlle a vécu 12 ans en Lituanie, et, elle se souvient que « la mort n’y est pas du tout tabou, les familles ne sont pas éclatées comme en France. Les rites funéraires permettent même de prendre le mort en photo, avec toute sa famille. »

Bien vivre son deuil

Une deuxième vidéo présente Laure qui parle du deuil, et, de la façon de le vivre. Elle élargit le sujet, et, explique que

« chacune de nos vies est jalonnée de multiples pertes et renoncement : la mort d’êtres chers, mais, également, la perte d’un emploi, une séparation conjugale, un divorce, etc. Etymologiquement, faire son deuil signifie : faire son temps de douleur. C’est un processus naturel, qui requiert de la lenteur et du temps, ce que la société actuelle n’accorde plus aux endeuillés. »

Laure a étudié de près, avec le père Jean Monbourquette, le processus du deuil.  Elle explique qu’il y a huit étapes à respecter pour bien vivre son deuil :

les premières étapes sont psychologiques. Il s’agit du choc et du déni. Puis, les émotions prennent, légitimement, le pas. Ensuite, il y a les étapes du « faire », en réalisant les promesses du défunt. Puis, les étapes spirituelles. L’avant-dernière étape est celle du laisser partir. Et, la dernière étape est celle de l’héritage spirituel. »

Des participants témoignent. Thérèse parle de la mort de ses parents. Très émue, elle se souvient encore de sa mère qui lui a demandé pardon à la mort de son père. Josée a vécu un traumatisme lors de la mort subite de ses parents. « Je n’ai pas pu faire le deuil de ma mère. Et, mon père est mort à l’hôpital devant moi. » Jeune, Albert a perdu ses parents. Il s’est engagé, plus tard, dans la Communion Saint Lazare.

« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie »

La dernière partie de la session est spirituelle et très thérèsienne. Introduite par le père Laurent Stalla-Bourdillon, du diocèse de Paris, qui pose d’emblée la question :

« quel est le sens de la vie, reçue comme un don gratuit, dès lors que la mort vient en ternir la beauté ? »

Puis, il fait cheminer son auditoire, en parlant de la mort du Christ. Il parle, aussi, de la Genèse, du péché originel. Il parle de la dernière parole du Christ, « Père entre tes mains, je remets mon esprit ». Il élève le regard, et parle de la résurrection.

« La mort vient engloutir le pouvoir de la vie. Mais, lorsque nous aurons notre corps de ressuscités, nous verrons combien Dieu nous aime. L’Amour et la Vie sont en fait une seule et même chose. »

Et, il termine en empruntant cette phrase, remplie d’espérance : « Je ne meurs pas, dit Thérèse, j’entre dans la Vie ». Cette dernière phrase soulève d’émotions l’ensemble des participants, comme si le processus de cette journée les faisait passer de l’humain au divin, de la mort à la vie. Cette phrase de la petite Thérèse de Lisieux les rejoint. Perrine la complète en disant : « je suis un enfant chéri et attendu du Bon Dieu » Albert et Elisabeth sont unanimes : « je la vis cette espérance. Je bénis le Seigneur. Je glorifie Dieu à travers toutes ces personnes endeuillées. »

La Communion Saint Lazare

Cette association publique de fidèles a été fondée le 12 avril 1998, à Pâques, par Mgr Joseph Madec, évêque de Fréjus-Toulon. Elle regroupe des dizaines de laïcs qui souhaitent se mettre au service des familles, dans le cadre du deuil et des funérailles. Il l’a chargée de mettre en œuvre les orientations diocésaines relatives à la pastorale du deuil et des funérailles. Mgr Dominique Rey a poursuivi, dès 2000, en ce sens. Il souligne l’importance à donner à

« la diversité des situations pastorales. L’objectif est d’accompagner la famille du défunt, de prier pour elle, et, de l’aider dans la préparation des obsèques. »

Albert, qui officie, témoigne que ce service

« le rend heureux. Je prie souvent pour toutes ces familles endeuillées. Tous ces morts que j’accompagne jusqu’à la demeure éternelle. Dans la Communion Saint Lazare, on se rapproche du cœur, et, de l’âme des autres ».

La Communion Saint Lazare célèbre chaque année des milliers de rites funéraires dans le diocèse.

Texte et photos réalisés par Antoine Bordier

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