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L'Eglise : L'Eglise en France

La pandémie et les fantasmes progressistes

La pandémie et les fantasmes progressistes

De Mgr Centène, évêque de Vannes:

L’apparition de l’épidémie du covid-19 a coïncidé, chez nous, avec le commencement du carême. L’Église, à travers le rite de l’imposition des cendres, nous a introduits, sans que sur le moment nous ne nous en rendions compte, à ce temps de désert si particulier cette année. Elle l’a fait avec ces paroles qui nous viennent du fond des âges : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière[2] ». A posteriori, nous sommes saisis par le réalisme de ces paroles. D’autant plus saisis, que c’est une réalité que nous avions presque réussi à oublier. Notre tendance naturelle au divertissement pascalien avait été décuplée, centuplée par les progrès de la technique et de la science. Nous pensions avoir pris le contrôle de l’économie, de la nature et même de notre destin. Dieu avait créé l’homme ? Nous allions créer l’homme augmenté, le surhomme, et bientôt entrer dans l’ère, supposée merveilleuse, du transhumanisme. Le darwinisme n’en était qu’à ses commencements et le promoteur des évolutions à venir serait l’homme lui-même ! Les rêves caressés par Condorcet, qui, au siècle des Lumières, spéculait sur les possibilités d’appliquer les sciences médicales à l’extension infinie de la vie humaine, les rêves de Benjamin Franklin, qui pensait pouvoir interrompre et relancer le cours de la vie au moment choisi, étaient sur le point de se réaliser. La génétique moderne allait leur donner corps et l’on ne pourrait qu’admirer l’heureuse audace du progrès, le triomphe de la modernité. Modernité toute relative d’ailleurs, puisque déjà Plotin, dans les Ennéades, invitait l’homme à sculpter lui-même sa propre statue jusqu’à ce qu’il voit sa propre beauté. L’homme serait enfin son propre créateur. Prométhée allait triompher et avec lui l’antique serpent de la Genèse : « Vous serez comme des dieux[3] ». [•

L’homme libéré des superstitions et des contingences de la nature s’était donné de nouveaux maîtres et s’était fait de nouveaux esclaves, créant ainsi ce que Jean-Paul II qualifiait de structures de péché. « Le péché rend les hommes complices les uns des autres, fait régner entre eux la concupiscence, la violence et l’injustice. Les péchés provoquent des situations sociales et des institutions contraires à la bonté divine. Les structures de péché sont l’expression et l’effet des péchés personnels. Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour. Dans un sens analogique, elles constituent un péché social[5] ».

Mais cette notion de « péché » était devenue inaudible depuis plusieurs générations ; elle n’avait plus de sens et a été effacée par la recherche d’une auto-rédemption qui a exclu Dieu de la société. L’exclusion de Dieu de la société, la disparition du champ de la conscience humaine de toute fin transcendante a créé cette situation dans laquelle le primat de l’économie s’est imposé à l’homme. L’économie n’est plus au service de l’homme, c’est l’homme qui est au service de l’économie. Dès lors, « l’inversion des fins et des moyens qui aboutit à donner valeur de fin ultime à ce qui n’est qu’un moyen d’y concourir, ou à considérer les personnes comme de purs moyens en vue d’un but, engendre des structures injustes qui rendent ardue et pratiquement impossible une conduite chrétienne conforme aux commandements du Divin Législateur[6] ».

La société des hommes peut-elle s’édifier dans le rejet systématique de tous les commandements de Dieu ? L’homme peut-il congédier Dieu ? Après avoir rejeté Dieu de la vie publique, l’homme peut-il aussi rendre impossible l’observance de ses commandements dans la sphère de la vie privée ? Peut-il éteindre sa lumière dans la conscience personnelle jusqu’à faire disparaître la perception même de la structure de péché et supprimer l’envie de s’en libérer ? Les traces du collier du chien de La Fontaine sont la garantie de sa pitance en même temps que le signe de sa sujétion.

« Le grand malheur de nos contemporains, écrivait Chesterton, n’est pas de ne croire à rien : leur malheur est de croire à tout et n’importe quoi, à n’importe qui ».

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4 commentaires

  1. Merci à Mgr Centène de mettre le doigt sur l’origine du mal qui gangrène les Etats.
    La conversion va être longue et difficile, c’est pourquoi je pense qu’on n’est pas au bout de nos peines.
    Mais Notre-Dame nous a prévenus : “A la fin mon Coeur triomphera”.
    Donc courage.

  2. enfin un évêque qui n’emploie pas la langue de bois et qui enfonce le clou sur les maux de notre époque : rejet de Dieu et rêve prométhéen de se faire dieu.

    • Oui, mais un évêque qui nous pour autant nous prive sans scrupule de pouvoir nous réunir pour la messe dominicale ou la messe de Pâques, de recevoir la communion.
      Qui a répercuté sans délai les souhaits du préfet, avec une minutie scrutant toute possibilité d’échapper à l’interdit de la messe pour poser une multiplicité d’ interdits sans échappatoire possible.
      Le préfet, le gouvernement n’attendaient-ils pas de la part de nos évêques le signe d’une foi vivante et exigeante ?
      Je suis confondue par une obéissance aussi servile.
      Aux maux décrits si savamment par notre évêque, ne devrait-on ajouter le péché de l’Eglise dont la foi est devenue bien souvent inconsistante, vacillante même chez ses chefs ? D’une Eglise qui a pu oublier le premier commandement : “Tu adoreras Dieu seul” et introduire des idoles au Vatican ?

  3. Ce qui ne va plus avec une partie de l’Église Catholique, c’est que des messages à haut niveau ne vont plus à l’essentiel ou sinon, exceptionnellement. Deux exemples récents qui m’ont interpellé :

    Après la magnifique, profonde mais sobre cérémonie de la vénération de la Sainte couronne d’épines à Notre-Dame de Paris, je remercie Mgr Aupetit. Mais Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix sur une chaîne télé (LCI) a failli tout gâcher en y ayant vu une cérémonie œcuménique !

    Désolé mais je n’y ai vu qu’une cérémonie profondément et essentiellement Catholique avec un goût extrême dans le choix des Artistes, des textes et des musiques. Si quelqu’un peut objectivement me dire ce qu’il y a vu d’œcuménique, qu’il me fasse signe !

    L’autre exemple est plus général, il s’agit d’une ambiance, d’une atmosphère, de répétitions…

    J’ai encore entendu notre Pape, François, pas Benoît, parler de Pâques et de la proximité de la Pâque juive et du début du Ramadan… Et pourquoi pas du nouvel an chinois de février pendant qu’on y est ?

    Je suis désolé mais je n’entends jamais parler d’évangélisation mais souvent d’œcuménisme et cela a tendance à me faire fuir. Je n’aime pas davantage les autres parce que c’est œcuménique, bien au contraire !

    L’œcuménisme pour les religieux Catholiques est l’équivalent du « en même temps » pour la politique : Un désastre.

    Alors, pour le moment, je me contenterais de souhaiter Joyeuses Pâques à tous.

    Meltoisan

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