Bientôt, le ministre de l’Intérieur va présenter ses statistiques de la délinquance de 2009. Brice Hortefeux va certainement dégainer des chiffres formidables pour l’an passé. Nicolas Sarkozy l’a déjà annoncé le 1er janvier: «C’est la septième année consécutive que les statistiques de la délinquance générale sont en baisse.» Or, si les atteintes aux biens (enregistrées et annoncées) ont chuté, les violences contre les personnes augmentent inexorablement. Et les policiers en ont marre de la fabrique des chiffres qui découle d’une stratégie mise en place par Nicolas Sarkozy dès son arrivée au ministère de l’Intérieur en 2002. Il avait institué alors la «culture du résultat» dans la police, avec des notes, classements, primes et gratifications pour les flics jugés les plus efficaces.
Sitôt son accession à l’Elysée, Sarkozy avait donné pour consigne à Michèle Alliot-Marie de faire baisser la délinquance de 5% et de faire monter le taux d’élucidation à 40%. Intention louable que de résoudre les affaires et d’arrêter les criminels. Le hic, c’est que pour doper le taux d’élucidation «inférieur à 25% sous les socialistes (avant 2002)» dixit Brice Hortefeux et qui «avoisine désormais les 38%», les services de police usent de tours de passe-passe. Ils focalisent sur des délits qui sont élucidés en même temps qu’ils sont constatés, sans besoin d’investigations ou de recherches : l’usage de cannabis, le racolage, le port d’armes de 6e catégorie (armes blanches)ou l’infraction à la législation sur les étrangers sont autant de délits résolus sur le champ. Les officiers du Snop dénoncent «ces arrestations à la chaîne de fumeurs de shit, de porteurs d’Opinel, de prostituées et de clandestins pour faire du chiffre et booster le taux d’élucidation des affaires». Pourtant, les vols de sacs à main, de voitures ou les cambriolages, ces délits dits de «proximité» qui empoisonnent les gens, ne sont pas plus élucidés. La police n’arrête pas plus d’un voleur sur sept.
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Il y a bien des années que les experts en général, et Xavier Raufer en particulier, ont annoncé puis constaté une baisse mécanique des atteintes aux biens, qui n’est liée à aucune action politique mais à la sécurisation progressive des biens (voir l’explosion du marché sécuritaire et l’amélioration de ses techniques).
Et cela fait des années que les pouvoirs publics – c’était déjà le cas du temps de Vaillant-le-bien-nommé ! – s’en attribuent sans vergogne le mérite.
Les mêmes experts avaient également prévu d’abord, puis constaté ensuite, le glissement tout aussi mécanique des atteintes aux biens vers les atteintes aux personnes. Absence de morale de la société aidant, ce phénomène de transfert de la “délinquance” s’est confirmé avec une grande fluidité.