C’est la question que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a accepté de trancher :
Les faits de cette affaire peuvent être très succinctement résumés : le requérant purge une peine de prison en Slovaquie pour un double meurtre et se plaint de s’être vu retirer des documents pornographiques, et d’avoir été sanctionné pour cette infraction au règlement de la prison. Selon lui, cette confiscation et l’interdiction générale de posséder de tels documents portent atteinte à sa vie privée et à sa liberté d’expression.
La Cour jugera si l’accès à la pornographie en prison est un droit garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. L’ECLJ a été autorisé par la Cour à intervenir dans cette affaire et a soumis des observations écrites (accessibles ici en français).
Dans ses observations, l’ECLJ a tout d’abord rappelé que la pornographie est intrinsèquement immorale. Dès lors, les États peuvent, ainsi que l’indique la Convention européenne, limiter certaines libertés pour protéger la morale, ainsi que la sécurité, la santé, ou les droits d’autrui. La protection de la morale est une prérogative d’État reconnue par la Convention aux articles 8, 9, 10, 11 et 21.
L’ECLJ s’appuie sur son rapport « Pornographie et droits de l’homme » (2020) pour indiquer à la Cour que de nombreuses recherches établissent qu’une utilisation répétée de la pornographie cause un risque de dépendance, ainsi que de nombreuses pathologies psychologiques et des troubles relationnels. Celle-ci dévalorise systématiquement les personnes et incite à la violence, à l’agressivité et même au sadisme ou au masochisme. La dévalorisation de la femme est quasi-systématique dans la pornographie, où elles sont présentées de façon stéréotypée et humiliante.
L’ECLJ souligne également qu’il est d’autant plus légitime de protéger les détenus des effets pervers de la pornographie que ces personnes y sont particulièrement vulnérables. Leur isolement et oisiveté accroît le risque de dépendance. L’incitation aux violences pulsionnelles causée par la pornographie est encore plus problématique s’agissant des prisonniers coupables de violences sexuelles. Il en résulte que ne pas prévenir dans ces lieux de détention la diffusion de matériel pornographique serait un manquement au devoir de l’État de veiller à la bonne santé de ses détenus, à leur sécurité, aussi qu’à leur réinsertion.
Certes, durant ces dernière décennies, la Cour européenne a fait une application très réduite de la protection de la « morale », la couvrant du voile pudique de la vie privée. Toutefois, s’agissant de la pornographie, d’autres motifs, relatifs à la santé, la sécurité et la dignité, militent en faveur d’un plus grand contrôle. La société semble d’ailleurs prendre de plus en plus conscience de la nocivité de la pornographie et de la nécessité d’en protéger les protagonistes ainsi que les personnes jeunes et vulnérables. Deux projets de résolution sont actuellement à l’étude au sein de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, qui recommandent aux États un plus grand contrôle, sous l’angle des droits des femmes et des enfants.
L’ECLJ forme le vœu que la CEDH saura faire prévaloir une interprétation des droits de l’homme respectueuse de la santé et de la dignité humaine.
DUPORT
Peut être qu’il faudrait également rappeler l’exploitation de ceux qui participent à la pornographie bien souvent contre leur gré, que ce soit par la contrainte physique, la menace ou par le besoin vital d’argent.
AnneR
La pornographie est-elle un droit de l’homme ?
L’ absorption d’arsenic est elle un droit de l’homme?