Dans la suite de sa série sur la communion, l’abbé de Massia écrit sur Claves :
[…] Si l’Église est une « expansion du Christ Dieu », la communion de l’Église aura une forme particulière, une dimension incarnée, visible et extérieure qui n’est en aucun cas accidentelle ou secondaire, mais qui découle de la nature même de l’Église que Jésus-Christ a voulu fonder comme société visible, hiérarchique, sacramentelle.
Les différents aspects de cette communion visible, présentés à plusieurs reprises par le Magistère[1], peuvent être ramenés à trois points : 1) communion dans la profession de la foi ; 2) communion dans la reconnaissance de la même hiérarchie ; 3) communion dans les mêmes sacrements[2]. On reconnaîtra ici les tria vincula (les trois liens, ou attaches) de saint Robert Bellarmin, selon lequel « l’Église est la communauté des Hommes rassemblés par la profession de la vraie foi chrétienne, et la communion des mêmes sacrements, sous le gouvernement des pasteurs légitimes et principalement de l’unique vicaire du Christ sur la terre, le pontife romain[3] ».
Ces trois liens renvoient aux trois titres du Christ, prophète, prêtre et roi, lui qui donne à son Église les trois missions d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.
Nous regarderons dans cet article le premier « lien », la communion de la profession de foi, comme un prolongement extérieur et sensible de ce nous disions sur la communion dans la vérité dans l’article précédent ; dans les articles suivants, les deux autres liens.
1 – La communion dans la profession de foi et le symbole des apôtres
Le symbole, en grec σ́υμϐολον, dérivé du verbe συμϐ́αλλω (qui signifie « je joins »), était à l’origine un objet coupé en deux, permettant aux deux propriétaires de chacune des parts de se reconnaître instantanément, et de se réunir. Petit à petit, le mot symbole en est venu à désigner une réalité sensible, mais incomplète, qui nous renvoie vers ou signifie l’existence d’une autre réalité, invisible ou abstraite, qui « complète » le symbole[4].
Le « symbole » des apôtres, connu aussi sous le nom de Credo (je crois) assume cette double fonction : expression concrète de la foi qui, professée extérieurement, nous relie à Dieu ; et moyen de reconnaissance et d’union entre tous les chrétiens confessant la même foi[5]. Le pape Benoît XVI avait conscience du caractère tout à fait essentiel et même primordial de ce signe de communion qu’est la confession de foi commune, lui qui indiquait aux prêtres de l’Église patriotique de Chine souhaitant « revenir dans la pleine communion » :
« Et, comme signe de la réconciliation espérée, je pense qu’il n’y a pas de geste plus significatif que celui de renouveler sous forme communautaire – à l’occasion de la journée sacerdotale du Jeudi saint, comme cela se fait dans l’Église universelle, ou dans une autre circonstance qui sera retenue plus opportune – la profession de foi, comme témoignage de la pleine communion retrouvée, pour l’édification du peuple saint de Dieu confié à votre soin pastoral, et à la louange de la Très Sainte Trinité[6] ».
On ne saurait donc minimiser l’importance de ce signe pour la communion de l’Église. Il ne s’agit pas de rentrer dans des comparaisons stériles pour savoir qui est « le plus en communion » ; mais nous ne pouvons cacher notre douleur et notre incompréhension lorsque l’on reproche à certaines communautés – qui essayent vaille que vaille de transmettre fidèlement la foi de Jésus-Christ – leur manque de communion, alors que l’Église que nous aimons traverse une crise profonde de l’expression de la foi, et que par endroits certaines vérités divines sont tues, diminuées voire même niées sans aucune réaction, blessant ainsi gravement et objectivement la communion. Devant un tel décalage, comme devant ce qui semble aujourd’hui se dérouler dans « l’Église d’Allemagne », le sensus fidei des chrétiens se révolte naturellement, et il est bien difficile de leur en tenir rigueur.
Car en vérité, on aura beau multiplier les signes, les gestes, les partages : aucune tentative de communion ecclésiale ne sera vraie, si elle n’est pas fondée sur la Vérité, qu’est le Christ. S’il manque la communion dans la foi, tous les autres signes seront des signes factices et mensongers.
Le chemin pour retrouver le véritable sens de la communion ecclésiale passe nécessairement par une valorisation renouvelée de la profession de foi, et peut-être, vu l’état dramatique de la situation, par des discussions doctrinales sur les points centraux de la foi, comme la doctrine du Salut universel par le Christ et l’Église, les fins dernières, la théologie eucharistique ou la mariologie, pour retrouver une communion réelle entre pasteurs et fidèles sur l’enseignement de Jésus-Christ ; sans quoi, les chrétiens ne se reconnaissent plus entre eux, le symbole est brisé, et le sentiment de n’avoir plus la même foi couvre l’Église d’obscurité. Si nous pouvions retrouver, entre chrétiens cette unité extérieure, proclamée, claire et lumineuse, sur les mystères de notre sainte foi, quelle joie ce serait ! Celle des ténèbres dissipées et d’une aube renaissante. Ce serait la preuve la plus éclatante de la communion.