De Bernard Mitjavile sur la résurrection et le monde contemporain :
Certains peuvent se demander quelle est la signification de la résurrection de Jésus, le langage entourant cet évènement pouvant paraître ésotérique.
Tout d’abord à travers la résurrection, Jésus adresse un message direct aux autorités religieuses et laïques de son temps et finalement de tous les temps, un message du genre : vous avez voulu vous débarrasser de moi en m’accusant d’être un faux prophète, une personne faisant des miracles par le pouvoir du diable (de Belzebuth dans l’Evangile), quelqu’un mettant en danger l’ordre public et le respect de la torah et qui pourrait nous causer des ennuis avec les Romains, allant jusqu’à des tentatives de me tuer (ainsi on cherche à le précipiter d’une falaise à Nazareth) et finalement en me condamnant à mort par un jugement inique, et bien je suis toujours là, vous n’avez pas gagné, la mort, le mensonge et la violence n’auront pas le dernier mot, je suis vivant.
On peut rapprocher la mort et résurrection de Jésus du noble discours de Socrate à ses disciples avant qu’il boive la ciguë, tel que le rapporte Platon dans son Apologie mais le message de Jésus a une autre force : il ne s’agit pas simplement de dire que l’idée de la justice ou du bien pour laquelle Socrate est prêt à mourir est éternelle, de montrer le détachement dont fait preuve le philosophe à l’égard de la mort refusant même les possibilités de fuite, le message de la résurrection de Jésus n’est pas un message stoïque, il nous dit qu’il est présent avec nous dans nos luttes et le sera jusqu’à la fin des temps.
Bien sûr on peut discuter sur la nature du corps du Christ ressuscité : s’agit-il d’un corps physique ? Si oui, comment fait-t-il pour traverser les murs, apparaître et disparaître soudainement (les pèlerins d’Emmaüs et autres évènements). De plus, Jésus n’a été vu et entendu que par ses disciples même si ceux-ci furent jusqu’à 500 en une fois selon Paul à le voir simultanément et certains avaient du mal à reconnaître immédiatement Jésus ressuscité, à commencer par Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection, qui accourue au tombeau le prend d’abord pour le jardinier, jusqu’à ce qu’il ait effectué certains gestes (partage du pain, montrer ses plaies, préparer un repas) ou dise certaines paroles. L’historien juif Flavius Josèphe écrit dans son « Histoire ancienne des juifs » que Jésus « leur apparut le troisième jour » indiquant qu’il apparut aux disciples et pas aux autres juifs, et donc qu’il ne s’agissait pas d’une présence physique ou matérielle.
Cela n’empêche que la réalité de cette résurrection comme évènement vécu par les premiers chrétiens, évènement qui a bouleversé leur vie et l’histoire du Christianisme, est indéniable et reste au centre de la foi chrétienne.
C’est cet évènement de la résurrection vécu par les premiers chrétiens qui a permis à une bande de disciples apeurés, se réfugiant en divers endroits, de proclamer la bonne nouvelle, de faire face aux persécutions du Judaïsme et par la suite de celles bien plus sérieuses de l’Empire Romain pour arriver en quelques générations à gagner cet empire à leur cause. On peut vraiment parler d’un évènement historique dont les nombreux témoins ont été prêts à risquer leur vie et la torture pour leur témoignage.
Ce paradigme de la résurrection, du passage de la mort à la vie, de la mort spirituelle à la vie spirituelle, a dominé notre histoire occidentale et on le trouve repris à de multiples occasions : on peut citer Jeanne d’Arc, brûlée à Rouen, qui convoque son juge principal, l’évêque Cauchon, devant le tribunal de Dieu après sa mort et qui voit sa cause l’emporter moins d’une génération après sa mort et son procès remis en cause par l’institution ecclésiale qui l’avait jugée comme sorcière, relapse et hérétique.
Plus récemment, ce paradigme qui revient à dire que les forces du mal n’auront pas le dernier mot, était repris par le mouvement des droits civiques aux USA proclamant après l’assassinat de Martin Luther King que son rêve d’une Amérique libérée du racisme continuerait à avancer vers sa réalisation après sa mort. On retrouve le thème de la résurrection personnelle repris à travers les grandes œuvres littéraires de l’occident : Crime et Châtiment et les Frères Karamazov de Dostoïevski, Les Misérables de Victor Hugo, A tale of two cities de Charles Dickens ou le Comte de Monte Cristo de Dumas, ceci sans parler des peintures, œuvres musicales (symphonie Résurrection de G. Mahler) ou autres.
Mais une question demeure : pour Jésus, cette résurrection n’est pas simplement une victoire individuelle sur la mort même si tout commence par là, mais doit amener à un changement de la société, à hâter la venue d’un monde où la volonté de Dieu est faite « sur la terre comme au ciel », aussi il appelle ses disciples après sa résurrection à « faire de toutes les nations des disciples » (Matt. 28 :19), en d’autres termes la résurrection ne concerne pas seulement des individus mais aussi les institutions sociales, nationales et autres structures pour mettre fin à ce que les théologiens libéraux ont appelé les « structures de péché » comme l’esclavage et différentes formes d’exploitation et de non respect de la dignité humaine, indiquant par ces structures que le péché n’était pas simplement une affaire individuelle.
Au cours des siècles, le Christianisme, malgré toutes sortes de contradictions et de reculs, a répondu à cet appel en humanisant de différentes façons les sociétés dans lesquelles il s’implantait, mettant graduellement fin à l’esclavage et aux jeux du cirque dans l’Empire Romain, modifiant le droit romain et développant une synthèse entre ce droit et les aspirations chrétiennes, entre autres en mettant fin au droit de vie ou du mort du pater familias sur ses enfants, mettant fin aux sacrifices humains en Amérique latine chez les Incas et Aztèques et éliminant progressivement bien d’autres coutumes considérées comme païennes ce qui n’a pas empêché les chrétiens de commettre bien des crimes dans ces pays.
Toutefois, on ne peut faire preuve d’autosatisfaction concernant cette extension de la résurrection aux dimensions sociales, culturelles et autres. On est loin du compte même si certaines nations se déclarent chrétiennes ou donnent au Christianisme une place centrale dans leurs institutions. Ainsi, si l’on considère un grand pays comme les Etats-Unis où le président prête serment sur la Bible lors de son intronisation, où chaque session du congrès commence par une prière donnée par le « chaplain » du congrès, où chaque billet de dollar porte la mention « In God we trust », où les témoins d’un procès prêtent serment sur la Bible etc.., ce pays témoigne clairement par son histoire (ses origines avec les pères pèlerins du Mayflower) et ses institutions d’une influence chrétienne considérable mais si on considère la longue période d’esclavage, certaines guerres ou aventures étrangères aux motivations douteuses et bien d’autres aspects de la société américaine, on aurait du mal à le qualifier en tant que nation de disciple du Christ. Bien sûr, on pourrait en dire autant de toutes les grandes puissances occidentales dans lesquelles le christianisme a laissé une forte empreinte.
En d’autres termes, cette victoire de la résurrection de Jésus n’est toujours pas pleinement incarnée dans les structures et institutions de notre monde. Aussi l’horizon des chrétiens comme de tous les « hommes de bonne volonté » pour reprendre l’expression évangélique n’est pas simplement un horizon de résurrection individuelle mais de résurrection aux différents niveaux familial, social, national et mondial à laquelle chacun est appelé à œuvrer.
Bernard Mitjavile
Non, je n’ai pas la chance d’être publié dans la Croix. Qui sait, peut-être cela viendra.
DUPORT
Ah bon c’est une chance d’être publié dans un torchon anti chrétien ?
Biem
Il ne faut pas aborder la divinité du Christ en oubliant ou négligeant son humanité. Le Christ est “vrai Homme et vrai Dieu”, 100% l’un et 100% l’autre, affirmation du Concile contre l’hérésie consistant à occulter l’une ou l’autre nature. De ce fait, nous participons à sa nature autant qu’il participe à la nôtre, “Dieu s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu”.
Tout le monde sait ce qu’est un Homme sur le plan matériel, poussière né de la poussière et qui redeviendra poussière. La vision matérialiste, d’une vie épiphénomène de la matière et d’une pensée épiphénomène de la vie, ne nous laisse qu’une réponse sur la seule question importante : qu’y a-t-il après la mort? Si nous ne sommes qu’épiphénomènes, après la mort il n’y a évidemment rien. Le néant.
La vision spiritualiste enchaîne la causalité dans l’autre sens: c’est l’Esprit qui donne la Vie, et qui va jusqu’à créer le monde, la matière elle-même. La mort ne concerne que “la chair”, mais l’esprit demeure. Mais voilà : dans ce nœud central de la philosophie, qui a raison?
Le témoignage des Apôtres, la Bonne Nouvelle, se concentre sur l’affirmation pascale : le Christ est ressuscité. Mais qu’est-ce à dire?
Ça veut dire qu’il s’est passé quelque chose d’extraordinaire entre la Crucifixion et l’Ascension, ces deux termes étant fondamentaux pour comprendre la Résurrection. La Crucifixion permet d’affirmer que Jésus de Nazareth est bien mort sur la Croix, son humanité de chair a réellement cessé de vivre. Mais c’est ce même Jésus que les apôtres ont ensuite revu, physiquement et matériellement présent, mangeant du pain et du poisson malgré ses plaies – c’était bien Lui, en chair et en os. Et bien vivant? Et en même temps, à l’Ascension, il est “monté au ciel”. Pas au sens d’une fusée qui décolle, bien sûr, mais dans le sens d’une récapitulation de la création dans sa version spiritualiste : alors que tous témoignent que sa personne était bien présente, sa matérialité s’est effacée.
La signification de l’ensemble est extraordinaire. Cette histoire, ces témoignages, signifient que le Jésus corporel que les Apôtres ont vu n’est pas le résultat d’un épiphénomène charnel, suscité par la chair, mais a été d’une manière ou d’une autre “re-créé”, ré-ssuscité, littéralement, par l’Esprit. C’est donc que cet esprit a survécu à la mort, puisqu’il a pu se manifester d’une telle manière. C’est donc aussi, puisqu’il a pu manifester une telle puissance d’Esprit créateur, qu’il est “de même nature que le Père”. La Résurrection signifie que les Apôtres ont pu voir et toucher Dieu fait Homme.
Mais rétrospectivement, tout le témoignage de la vie cachée puis de la vie publique montre que Jésus de Nazareth était un homme véritable, il a pris chair de la Vierge Marie. Il a pris notre Humanité. Si le Concile de Chalcédoine affirme qu’il est à la fois “Vrai Homme et vrai Dieu”, c’est pour que l’on n’oublie pas qu’il a été un vrai Homme, et que ce qu’il a réalisé reflète aussi la nature réelle de l’Homme.
Tout le monde n’est évidemment pas capable de ressusciter, de même que tout le monde n’est pas capable de composer une symphonie comme Mozart, mais ce que réalise un Homme, vrai Homme, témoigne que cette réalisation est dans la nature humaine. Si le Christ est ressuscité, il est aussi dans notre nature de le faire – oh, pas au même niveau, mais la réponse à LA question nous est donnée : ce qui reste après la mort est ce que nous avons construit sur le plan de l’Esprit.
Construisons-nous donc un trésor dans le Ciel, c’est ce qui est important, parce que ce sera dans l’éternité.
Bernard Mitjavile
J’aime bien “ce qui nous reste après la mort, c’est ce que nous avons construit sur le plan de l’Esprit”, dit plus simplement dans l’évangile “Là où est ton cœur, là est ton trésor”.
Bernard Mitjavile
Bien sûr, je ne partage pas le point de vue de La Croix sur l’immigration ou l’islam, en particulier son dossier récent sur cette religion mais on peut y trouver des billets inspirants et je connais de bons catholiques qui restent abonnés à ce journal un peu par habitude, même s’ils sont en désaccord sur bien des points avec sa ligne éditoriale. De toutes les façons, je serais heureux de partager mes idées avec des lecteurs qui ne pensent pas comme moi. Après tout, Jésus nous encourage dans cette voie.