Les journalistes bataillent pour savoir si les évêques ont appelé à manifester. Dans Valeurs Actuelles, le Père Danziec souligne que la France des clochers, tout comme la France des ronds-points, sait très bien ce qu’elle souhaite :
Ce qui pose problème habituellement avec les médecins, c’est la difficulté avec laquelle on relit leurs prescriptions. L’ordonnance que Monseigneur Aupetit, médecin de formation et archevêque de Paris de son état, a délivré dans les colonnes de l’hebdomadaire Famille Chrétienne lundi dernier se lit pourtant aussi agréablement que l’écriture d’une institutrice au tableau. Le prélat se positionne sans complexe sur l’opportunité de la manifestation nationale organisée à Paris le 6 octobre prochain contre la PMA. « Tout le monde ne peut pas prendre la parole publiquement. (…) En revanche, la plupart des citoyens n’ont souvent pour seul moyen d’expression que la manifestation publique. Ils doivent pouvoir s’exprimer. Donc cette démarche est, non seulement licite, mais vraiment utile. ».
Le soir même se tenait justement au collège des Bernardins une présentation, au ton particulièrement grave, sur les enjeux bioéthiques à venir. L’Eglise en France entendait décliner, avec force et publiquement, les questions douloureuses qui touchent la rupture du lien corporel et charnel fondant la filiation. Souhaitons-nous que l’embryon humain devienne un matériau ? La vocation du médecin est-elle de devenir un prestataire du désir d’enfant ? Sous l’apparence fallacieuse du progrès, n’y aurait-il pas plutôt un marché de la procréation masquant des intérêts financiers tout à fait scandaleux ? La réunion, retransmise sur KTO, se voulait sérieuse. Les réponses furent précises. Les arguments solides. En marge de la conférence, le représentant des évêques français, Monseigneur de Moulins-Beaufort, interrogé sur la manifestation parisienne à venir, s’expliquait à son tour sans fard : « Je ne vois pas comment nous pourrions empêcher des citoyens, catholiques ou non, inquiets de ce projet de loi, de manifester s’ils pensent que c’est un moyen utile pour se faire entendre et pour faire progresser le débat. » Pour finir d’ajouter : « Et j’aurais tendance à dire qu’ils ont le devoir de le faire. » Le mot “ devoir ” , à entendre davantage ici par “ responsabilité de ”» que “ obligation de ”, présentait l’avantage de donner le ton. La langue n’était pas de buis. Le message, on ne peut plus clair.
Le lendemain pourtant, l’entretien du nouveau porte-parole de la conférence épiscopale de France dans les pages du Parisien laissait dubitatif. A contre-pied de ceux-là mêmes dont il est censé éclairer les propos, le Père Thierry Magnin déclare « non l’Eglise n’en fait pas un devoir ». Selon lui, « il ne nous appartient pas d’appeler à manifester ni de jeter l’opprobre sur ceux qui iront ». Après les couacs dans les ministères, aurons-nous droit aux couacs dans les presbytères ? Un tel dysfonctionnement de communication dans les hautes instances catholiques de France manifeste surtout au grand jour le fossé qui, inexorablement, se creuse entre la bureaucratie ecclésiastique et la réalité des catholiques observants. L’appareil clérical serait-il aussi déconnecté de la France des clochers que l’Elysée l’est de la France des ronds-points ?
A cette heure, beaucoup de baptisés estiment que la PMA menace le modèle de la procréation pour lui substituer un logiciel de production. Des paroisses s’organisent pour proposer des covoiturages afin de défendre la filiation dans les rues parisiennes. Des curés lèvent des fonds pour louer des autocars. Des fidèles, des familles nombreuses, des petites gens mettent de côté pour simplement défendre leur droit de se faire entendre. Ces oubliés, qui donnent au denier du Culte chaque année, s’investissent avec bon cœur, certes, mais surtout avec un vigoureux bon sens. Ils sentent que l’écologie intégrale de la famille est en danger.
Les calvaires sur les chemins, les clochers au centre des bourgs, la soif d’évangéliser les terres lointaines autrefois, les périphéries aujourd’hui témoignent du même appétit : l’identité du chrétien, c’est de se manifester. L’ADN du baptisé, c’est de se faire entendre. Et à travers lui, quelqu’un d’Autre. N’en déplaise à Monseigneur Magnin, la stratégie de l’enfouissement n’est plus à la mode. La jeune génération, dans le sillage de la Manif pour tous lui préfère la logique de la proclamation. Elle sait bien que “ manifester ” ne relève pas d’un devoir au même titre que les 10 commandements. Elle n’ignore pas cependant que la noblesse de la Foi, les certitudes intimes et l’honneur peuvent obliger. Et qu’il arrive même que l’on se fasse un devoir de répondre à un rassemblement comme à une invitation. Par sollicitude.
Que ce soit le 6 octobre prochain ou au quotidien, il ne s’agit donc pas pour le chrétien d’intervenir à tort et à travers. Mais de clamer ses convictions à cor et à cris. Envers et contre tout. Y compris les propos timides d’un porte-parole ecclésiastique.