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L'Eglise : Foi

La théorie des limbes demeure une opinion théologique possible

La théorie des limbes demeure une opinion théologique possible

Dans deux articles publiés sur Claves, l’abbé Charles Berger De Gallardo se penche sur le sort des enfants morts sans baptême et notamment sur la doctrine des limbes, aujourd’hui sérieusement contestée.

Retrouvez ici le premier article.

Extrait du second :

En avril 2007, la Commission théologique internationale (CTI) a publié un document intitulé : L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême[6]. Bien que cette publication ait été autorisée par le pape Benoît XVI et quoique l’on puisse lire ici ou là, il ne s’agit pas d’un document magistériel. En effet, la CTI n’a pas d’autorité magistérielle, mais elle est un organe scientifique au service du magistère[7]. L’autorité de ce document tient donc à la seule compétence théologique de ses rédacteurs et à la valeur de leurs arguments. Par ailleurs, malgré la tendance générale du document en faveur de l’abandon de la doctrine des limbes, on peut y lire d’importantes nuances. Ainsi, la théorie des limbes « demeure une opinion théologique possible[8] » et « ce qui nous a été révélé, c’est que la voie ordinaire du salut passe par le sacrement du baptême[9] ». À rebours donc de certains comptes-rendus hâtifs qui en ont été faits, ce document

« est loin d’affirmer positivement que tous les enfants non baptisés seraient sauvés[10] ».

S’il est donc erroné de dire que le magistère a récemment rejeté la doctrine des limbes, est-il du moins correct d’affirmer qu’il ne l’a jamais enseignée ? Il est clair que la doctrine des limbes n’a jamais été définie par le magistère. Pour autant, il serait faux de conclure que le magistère est demeuré parfaitement silencieux à son sujet. D’une part, deux textes pontificaux, qui n’atteignent pas le degré d’autorité d’une définition ex cathedra, plaident en faveur de la doctrine les limbes. Dans le premier, Sixte V, considérant le destin des enfants avortés, estime qu’ils ne parviennent pas à la vision béatifique, ce qui aggrave encore le crime que constitue l’avortement[11]. Dans le deuxième, Pie VI donne un certain appui à la doctrine des limbes. Le pape affirme qu’elle n’est pas contraire à la doctrine catholique :

« La doctrine qui rejette comme une fable pélagienne ce lieu des enfers (que les fidèles appellent communément les limbes des enfants) dans lequel les âmes de ceux qui sont morts avec la seule faute originelle sont punis de la peine du dam, sans la peine du feu, […] (est) fausse, téméraire, injurieuse pour les écoles catholiques[12]. »

Il faut noter, et ce point est important, que cette intervention de Pie VI vise certains jansénistes qui suivaient évidemment l’opinion de saint Augustin au point de rejeter la doctrine des limbes comme une « fable pélagienne ». Pour autant il ne condamne pas l’opinion de saint Augustin. On comprend donc que le débat théologique, permis par la discrétion du magistère au sujet des limbes, ne se tenait pas entre ceux qui soutenaient la doctrine des limbes et ceux qui affirmaient que les enfants morts sans baptême se trouvaient au Ciel, mais entre les partisans de la doctrine des limbes et ceux de la doctrine, plus sévère, de saint Augustin, qui estimait que les enfants morts sans baptême étaient purement et simplement en enfer.

Enfin, il ne faut pas oublier l’enseignement très net et récurrent du magistère selon lequel ceux qui meurent avec le seul péché originel sont privés de la vision béatifique[13]. Dès lors, la seule possibilité pour qu’un enfant mort sans baptême accède à la vision béatifique serait une intervention spéciale et exceptionnelle de Dieu, qui n’est pas lié par l’ordre sacramentel pour communiquer sa grâce. Mais il n’existe aucune certitude à ce sujet et cela ne saurait a fortiori constituer une loi générale.

Une doctrine liée à une conception périmée des rapports entre nature et grâce ?

La troisième objection que nous voudrions examiner conteste la possibilité d’une béatitude purement naturelle, telle la félicité que connaissent les enfants des limbes. Cette objection s’appuie en particulier sur les travaux de théologiens qui, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ont proposé – et réussi dans une large mesure à imposer – une conception des rapports entre la nature et la grâce en rupture avec l’enseignement classique, fondé sur saint Thomas et les approfondissements de ses commentateurs. Pour résumer en quelques mots un débat qui continue de faire couler beaucoup d’encre, nous pouvons dire que ces théologiens estiment qu’il y a dans la nature humaine une certaine exigence vis-à-vis de l’ordre surnaturel, un désir naturel de la vision béatifique. Dans cette perspective, cette exigence et ce désir seraient positivement frustrés pour les enfants des limbes et il devient donc inconcevable qu’ils puissent jouir d’une félicité purement naturelle.

Malgré le succès de ces nouvelles perspectives, il n’a pas manqué d’auteurs pour souligner qu’elles ne respectaient pas la consistance propre de l’ordre naturel et qu’elles conduisaient à d’insolubles contradictions : comment, en effet, parler d’un ordre sur-naturel s’il y a une exigence naturelle du surnaturel ? En ce sens, le pape Pie XII s’est élevé contre ce qu’il estimait être une corruption de la gratuité de l’ordre surnaturel :

« D’autres corrompent la véritable gratuité de l’ordre surnaturel, puisqu’ils tiennent que Dieu ne peut pas créer des êtres doués d’intelligence sans les ordonner et les appeler à la vision béatifique[14]. »

La doctrine des limbes est liée à la conception classique des rapports entre la nature et la grâce que défend Pie XII. C’est pourquoi elle se trouve en parfaite cohérence avec la gratuité du salut, qui est d’abord le fruit de la miséricorde divine.

Conclusion

La question des enfants morts sans baptême n’est pas seulement un sujet difficile au point de vue théologique, elle peut malheureusement se poser de manière douloureuse lorsqu’un drame survient dans une famille. Il nous semble cependant qu’elle ne doit pas être éludée. Et si, de la réponse qu’on peut y apporter, nous n’avons pu discerner que quelques lignes, tant elle demeure mystérieuse – il faudrait parler du mystère des limbes – cela vaut mieux encore que le silence dont pourrait jaillir à tout moment, soit le scandale, soit de folles espérances[15]. L’esprit humain veut toujours tout comprendre, tout expliquer ; la question du sort des enfants morts sans baptême fait entrer le chrétien dans l’humilité de la foi, revers de son obscurité : qui peut comprendre les profondeurs de l’Amour de Dieu, et les lois qui régissent ses choix ? La Rédemption est un mystère, que nous recevons de la révélation : ce que le Seigneur ne nous a pas révélé, il ne nous appartient pas de l’inventer, ni d’enseigner comme certain ce qui ne nous a pas été dit par Dieu.

Puissent ces réflexions sur la destinée éternelle des enfants morts sans baptême inciter les parents – ou futurs parents – chrétiens à confier leurs enfants à la miséricorde de Dieu dès leur conception, par la prière et en faisant célébrer des messes à leur intention[16]. Puissent-elles également les décider, après la naissance, à ne différer le baptême sous aucun prétexte[17], tant il est vrai que :

« par sa doctrine et sa pratique, l’Église a montré qu’elle ne connaît pas d’autre moyen que le baptême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la béatitude éternelle[18]. »

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