Dans l’entreprise, le zéro défaut est fréquemment considéré comme l’objectif ultime de qualité : que toute production (industrielle, administrative, décisionnelle…) soit conforme aux spécifications en vigueur.
Pour les processus caractérisés par des productions en grand nombre, il n’est pas rare de focaliser l’analyse sur des nombres unitaires en réalité très faibles, parfois ramenés alors aux « parties par million (ppm) », pour continuer de fournir des nombres assez significatifs pour des études individualisées.
Cette pratique a contaminé la vie publique. Le zéro défaut a été repris par le pouvoir politique comme un objectif dans de très nombreux domaines de la vie sociale, amenant la somme de cas individuels et leur traitement à préempter le bien commun par le biais de contraintes et d’interdictions incessamment renouvelées, au détriment de la liberté.
Un exemple en avait déjà été donné avec l’abaissement de la vitesse sur le réseau routier à 80 km/h, ou l’acmé des droits dans leurs bottes….
La tyrannie des nombres bien sûr la plus représentative est fournie par la gestion des annonces en mode salomonesque des admissions quotidiennes en hôpital, des patients sous réanimation et des décès, tous liés au COVID-19. Encore actuellement, avec au 25 mai 2020 358 nouveaux cas de COVID-19 confirmés (pour une population de 65 millions d’habitants sans compter les clandestins) et 73 décès (à comparer avec les 1700 décès quotidiens habituels en France), un quart du territoire est coloré en rouge, et les contraintes sur l’ensemble de la France sont encore très nombreuses.
Ces nombres relatifs à une crise sanitaire ont abouti à des violations des libertés publiques et individuelles comme jamais mises en place jusqu’à présent en France, hormis les cas de (vraie) guerre et d’occupation par des armées ennemies. C’est le privilège du fameux quoi qu’il en coûte asséné par M.Macron au début de la crise ! Y compris aux libertés.
A bien y réfléchir, le quoi qu’il en coûte est encore à la manœuvre dans d’autres domaines également monitorés maintenant au mort près. Deux exemples : d’abord celui des meurtres ou assassinats de femmes par leur conjoint. Nous avons assisté à une répétition régulière d’avertissements pendant la période du confinement, comme quoi ces meurtres allaient en quelque sorte se multiplier.
En réalité et heureusement, rien de tout ça comme le constate Mme Schiappa :
On aura reconnu la présentation caractéristique d’une démarche de qualité productive, avec même la précision du chiffre après la virgule (correspondant à environ 85 morts par an). Insupportables individuellement. Mais cela nécessite-t-il d’affubler toute femme en couple d’un statut de victime potentielle et tout homme de celui d’assassin potentiel ?
Le deuxième domaine est celui des maltraitances à enfant. Insupportables également bien sûr. Un enfant meurt ainsi tous les quatre jours sous les coups de ses parents (même ordre de grandeur que les femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints en période de confinement). Et là aussi, on ramène le phénomène à l’unité (un enfant tous les quatre jours), au cas individuel, pour évidemment générer de l’émotion.
Et ainsi, quelles limites à l’action ? Ou peut-être quel objectif de pureté sociale ? Ce 27 mai 2020, dans Le Figaro, M.Taquet (qui soutient sans barguigner l’extension de la PMA) annonce qu’il va lancer des états généraux de la lutte contre les violences faites aux enfants. Mais on croyait que tout avait été réglé avec l’interdiction des violences éducatives ordinaires à l’été 2019 !!! Vers quelles nouvelles mesures globales et encore inadaptées allons-nous ? Où va-t-on mettre le curseur, pour parler comme un parlementaire, pour essayer d’être (un peu plus) efficace dans la prévention sans pour autant pointer du doigt la famille souvent présentée comme l’antre de la maltraitance ? Après tout, M.Taquet observe : « J’étais très inquiet au début du confinement car on sait que 80 % des violences faites aux enfants ont lieu dans le cercle familial ». On pourrait peut-être interdire la famille à titre préventif, à l’exception bien sûr du foyer homoparental puisque l’enfant, souvent, y va même plutôt mieux, selon la rhétorique fréquente de M. le député Touraine.
Un philosophe américain, Matthew Crawford, était interrogé dans le Figaro du 27 mai et y dénonçait le danger pour nos démocraties du précautionnisme :
« J’appelle « précautionnisme » une tendance qui monte en puissance depuis des dizaines d’années et connaît un moment de triomphe aujourd’hui à cause du virus. C’est une détermination à éliminer tout risque de la vie, et c’est une sensibilité nettement bourgeoise. On peut la voir à l’œuvre dans la manière d’éduquer les enfants, par exemple. Au niveau émotionnel, il semble qu’il existe une sorte de paradoxe qui fait que plus on est en sécurité, plus le risque qui demeure nous paraît intolérable. Pour la voracité des bureaucrates, ceci présente une opportunité. Nous nous concentrons étroitement sur n’importe quel risque désigné comme choisi par les experts pour être celui du moment. Il semble qu’il existe une symbiose entre la morale précautionniste et l’autorité de l’expertise. Et qu’aucune des deux n’admette de limite à l’extension de leur emprise… Le précautionnisme est devenu un moyen d’intimidation morale ».
Cette vue productiviste de la société, cette valorisation du cas individuel, du zéro défaut comme objectif social par le pouvoir politique, au détriment de l’équilibre du bien commun, sont sans doute une explication partielle en écho à la remarque de l’avocat et ami de M.Macron, M.Sureau :
« Nous méditerons encore longtemps sur la facilité avec laquelle un pays entier s’est laissé assigner à résidence sur la base d’une crainte, et sans débat d’aucune sorte… ».
F. JACQUEL
Quand on voit les conditions fixées hier par le PM, Casse-ta-mère and Co pour les temps à venir, on peut penser que la protection sanitaire est dépassée pour se transformer en mesures dictatoriales destinées à “geler” la situation politique française, pour garantir la réélection de JUPITER en 2022. Toute manifestation de plus de 5.000 personnes, de quelque nature que ce soit, restant interdite, et cette mesure risquant d’être pérennisée indéfiniment, additionnée à l’application de la loi Total le 1er juillet prochain, toute opposition sera bâillonnée et toute contestation sera strictement censurée sur Internet et les réseaux sociaux.
On aura peut-être alors 80% d’abstention aux prochaines présidentielles, mais tant qu’il n’y a pas de quorum (on voit comment sont votées de nombreuses lois à l’Assemblée nationale), mais peu importera. JUPITER pourra sa gargariser de 80% ou 90% de résultat et passer pour le sauveur de la Nation (d’après).
Meltoisan
Comment ? “Toute manifestation de plus de 5.000 personnes, de quelque nature que ce soit, resterait interdite” ?
Vite, tous dans la rue, comme au moment de LMPT ou des centaines de milliers devenait quelques milliers… On n’a rien à craindre !
F. JACQUEL
@meltoisan
Mais quand c’est une manifestation d’antifas protestant contre une réunion autorisée de “partis populistes”, quelques dizaines de participants sont décomptés comme étant des “milliers de citoyens au comportement républicain”…
sivolc
Remarquable article que ce développement. Le zéro défaut n’existe pas davantage que le risque zéro. Un produit “pur” à 99,99 % peut encore devenir plus pur, mais l’effort industriel à faire pour augmenter sa pureté d’une nouvelle décimale devient de plus en plus grand: c’est la règle élémentaire de l’asymptote. Elle s’applique à toute activité humaine; elle en devient alors agaçante, avec les conséquences bien exposées dans cet article. Et pour revenir à mon dada: il faut savoir maîtriser les spécialistes!
Je ne sais pas qui est ce Mr Sureau mais la citation qui lui est attribuée est marquée au coin du bon sens, comme la claire dénonciation du “précautionnisme” par Mathew Crawford, philosophe américain que je ne connais pas davantage mais qui dit des choses vraies!