Dans la loi actuelle, qui date de 2011, le diagnostic préimplantatoire (DPI) n’est autorisé qu’à titre exceptionnel si un médecin atteste que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter. Et d’éliminer l’enfant… Et à titre dérogatoire, le DPI peut être autorisé si le couple a donné naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique entraînant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
Le débat sur le DPI et la trisomie 21 avait déjà eu lieu en commission, et la possibilité d’élargissement avait été rejetée à 10 contre 8.
Cette nuit, les députés ont abrogé cette technique du DPI, appelée communément technique du “bébé médicament”…
L’Assemblée (plus de 80 députés présents après 22h, ce qui est assez rare) a voté l’abrogation de l’article du Code de la santé publique autorisant la technique dite du « bébé médicament », qui consiste pour des parents à concevoir un enfant pour sauver leur aîné atteints d’une maladie génétique. L’Assemblée a voté un amendement LR mettant un terme à cette technique. Dans cette technique, un enfant est conçu avec un double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA), pour qu’il soit indemne de la maladie génétique dont souffre un frère ou une soeur et immuno-compatible avec lui (ou elle), ce qui peut permettre la guérison de l’enfant atteint grâce à un prélèvement de sang de cordon.
Le député LR Anne Genevard explique dans l’amendement qui a été adopté :
La technique dite du bébé-médicament – encore nommée DPI-HLA ou double DPI – avait été autorisée à titre expérimental par la loi du 6 août 2004. Au regard de la transgression qu’elle représente, une telle possibilité ne saurait être maintenue dans le Code de la santé publique sans nécessité impérieuse. Or, il s’avère que plus aucune équipe française ne pratique ce double DPI. En outre, il avait été établi que les progrès réalisés en matière de collecte et de stockage des unités de sang placentaire, conduiraient à garantir une solution thérapeutique pour tous les besoins, rendant de ce fait inutile la conception d’un enfant pour être l’objet du prélèvement de ses cellules-souches hématopoïétiques. C’est pourquoi le Gouvernement devra rendre compte des efforts réalisés et des progrès enregistrés en la matière. Cet amendement supprime la technique dite du « bébé-médicament » et oblige le Gouvernement à rendre compte des progrès réalisés dans la collecte et le stockage d’unités de sang placentaires.
Xavier Breton (LR) a souligné (via ce fil twitter) :
“L’embryon humain comme un moyen et non plus comme une fin. C’est quelque chose qui interroge beaucoup comme l’utilisation de l’embryon humain comme un moyen.”
Thibault Bazin (LR):
“On est face à un vrai dilemme éthique entre plusieurs biens: celui de l’enfant à soigner et de l’enfant qui va naitre. Il faut qu’on fasse prévaloir la dignité de chaque personne qui doit exister pour elle même, et pas pour un autre. “
Agnès Buzyn a déclaré :
“Ce sont des familles qui ont un enfant malade et vont être amenés à faire d’autres enfants avec sélection de l’anomalie génétique par DPI. Et les greffes fonctionnent beaucoup mieux en intrafamilial compatibles”. “On a entre 10 et 15% d’avoir un embryon non atteint et compatible. (…) On les appelle bébés médicaments mais ce sont avant tout des parents qui ont un projet parental et qui ont un autre enfant. Ce ne sont pas des enfants fait pour sauver un autre bébé. “
P. Berta (Modem):
“On est en train de prendre des décisions scientifiquement lourdes. (…) Et en tant que scientifique, je ne suis pas sur que nous soyons très raisonnables. Je pense au vote que nous venons de faire sur le DPI-HLA: je suis assez estomaqué.”
P. Berta (Modem) propose d’étendre le diagnostic préimplantatoire aux trisomies, dont la trisomie 21. Il souligne que toutes les femmes ont déjà la possibilité de recourir à un diagnostic prénatal non invasif (DPNI) pour détecter la trisomie pendant la grossesse.
“Ces familles seraient amenés sinon à l’enchainement infernal suivant: fécondation in vitro avec dpi, puis dpni, et si risque de trisomie, amniocenthèse, et interruption médicale de grossesse.(…)N’oublions pas que le handicap est la première cause de divorce.” “Ne pas autoriser le DPIA, c’est autoriser une nouvelle forme de tourisme médical.”
P. Hetzel (LR) :
“Le principe de précaution devrait ici s’imposer. (…) Nous voteront contre ces amendements qui en réalité sont eugénistes.”
N. Turquois (Modem):
“Nous venons de voter des mesures très progressiste. Qd j’écoute les discussions,on va sur une vision très conservatrice.(…) Est ce qu’on éclaire le débat d’un point de vie scientifique ou est ce qu’on entre dans des considérations qui datent d’un autre âge?”
A. Firmin Le Bodo (Agir):
“Je ne crois pas que lorsque l’on parle de l’humain, on soit dans des considérations qui soient d’un autre âge.” “Dans la loi de bioéthique, il y a des mesures progressistes, et j’en suis fière. Mais je suis aussi fière qu’il y ait une mesure conservatrice.”
T. Bazin (LR):
“Dans ma commune, il y a eu près de 500 personnes handicapées sur 3000 habitants. Ces personnes humanisent la ville. (…) Elles ne sont pas que souffrance. Elles ne sont pas toujours que peine. Il y a aussi des sourires, de la vie, de la joie.”
Dominique Potier (PS):
“Il n’y a pas de honte à dire que la morale et l’éthique sont fondées sur des convictions spirituelles. Mais elles sont aussi sociales.” “Vendredi, je serai mieux dans ma peau de participer à une assemblée qui n’a pas joué aux apprentis sorciers sur ce sujet là.” “(Nous courons) Le risque non seulement de marchandisation mais aussi d’une fabrique sur mesure qui ouvre à toutes les démesures est inscrite en amont mais aussi en aval.” “Nous sommes terriblement humain lorsque nous sommes capables de renoncer à franchir certaines limites.”
Les amendements suivant, permettant d’étendre le DPI, ont été rejetés par scrutin public. L’amendement de Philippe Berta proposant d’étendre la DPI aux trisomies est rejeté: