Nicolas Bauer, chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ), regrette l’évolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
[…] Entre mars 2020 et mai 2022, des diplomates au Conseil de l’Europe s’amusaient — ou s’inquiétaient — du « Covid long de l’Assemblée ». C’était alors bien souvent la “Commission permanente” qui assurait la continuité de l’action de l’Assemblée parlementaire. Cette Commission, composée tout au plus de 10 % des parlementaires, a voté une centaine de textes « au nom de l’Assemblée »… et souvent à distance. Cette procédure “parlementaire” a non seulement été marquée par l’absence des députés, mais aussi de tout débat public.
Les restrictions sanitaires ont bon dos. […] À présent, c’est enfin le « retour à la normale » et il est à nouveau possible de passer les portes de l’institution, comme autrefois. Les députés s’en réjouissaient, mais ils ont vite déchanté. Ils subissent l’impact concret des restrictions budgétaires sur leurs conditions de travail. Surtout, ils constatent que les obstacles à leur travail parlementaire se multiplient et se normalisent. Le Président, le Bureau et l’administration de l’Assemblée parlementaire accroissent leur pouvoir et marginalisent les initiatives qui ne vont pas dans leur sens.
L’illustration la plus éloquente est la modification de la procédure pour poser des questions écrites au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. C’est l’une des prérogatives les plus ordinaires des parlementaires : interroger l’exécutif. Grâce à cette procédure, le Conseil de l’Europe s’était penché en avril 2021 sur le problème des “juges Soros” de la CEDH, en situation de conflit d’intérêts. Il va aussi devoir apporter des réponses à deux questions de mars 2022 sur la vaccination anti-Covid. Ces sujets gênent, si bien que les questions écrites seront désormais « filtrées ».
Depuis juin 2022, le Règlement confie au Président de l’Assemblée le pouvoir de décider de la recevabilité des questions écrites. L’actuel Président est Tiny Kox, député néerlandais d’extrême-gauche. […]
L’organisation de conférences par les parlementaires du Conseil de l’Europe est désormais également soumise à un contrôle très strict. Ces conférences étaient habituellement l’occasion pour un député de rencontrer des ONG, ainsi que de promouvoir des sujets ou des idées. Pour réserver l’une des spacieuses salles du Conseil de l’Europe, il lui suffisait d’envoyer un simple courriel. Désormais, il lui faudra remplir un formulaire et se soumettre à des règles strictes.
C’est l’administration de l’Assemblée parlementaire qui a pour rôle de sélectionner les conférences qui pourront se tenir. Il y en aura maximum deux par jour, uniquement à 13h, et avec un maximum de 30 participants. Dans le formulaire imposé en juin 2022, il est notamment indiqué qu’une « préférence sera donnée à des organisations ayant un statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe ». Autrement dit, un député qui invite un représentant islamiste de FEMYSO sera privilégié par rapport à un député qui inviterait une organisation non accréditée au Conseil de l’Europe. […]
Reste la mission principale de tout membre d’un parlement : rédiger des propositions de texte, pour les soumettre au vote. C’est le Bureau de l’Assemblée parlementaire, composé principalement de son Président et de ses 19 Vice-Présidents, qui décide de la suite à apporter à un texte. Il peut écarter une proposition de résolution, sans apporter de justification. Ce pouvoir est important, car déposer une proposition de résolution est le seul moyen pour des députés ou une commission parlementaire d’amener l’Assemblée à débattre d’un texte ou d’un sujet. Les membres du Bureau peuvent donc empêcher un débat parlementaire.
C’est ce qui s’est passé à la suite d’une récente proposition de résolution, signée par 22 députés de tous les bords politiques et de 11 nationalités différentes. Le texte était intitulé « La justice fiscale en faveur des familles avec enfants ». Il proposait d’encourager les États à adopter des mesures concrètes de prise en compte des responsabilités familiales dans le calcul de l’impôt. Le député islandais Birgir Thórarinsson, à l’origine de la proposition, se dit « surpris » qu’elle soit jetée à la poubelle, d’autant plus que le sujet n’a jamais encore été traité par l’Assemblée. M. Thórarinsson dit « ne pas savoir pourquoi », car la décision qu’il a reçue du Bureau ne contient que trois mots : « Classement sans suite ». […]
AFumey
Autrement dit c’est un basculement non-dit dans un système totalitaire. Lorsqu’on observe les grands bénéficiaires de cette censure la question d’une véritable mafia – au sens propre – organisée au sommet de nos institutions se pose inévitablement.
philippe paternot
l’ue pour la liberté d’expression si et seulement si on est “progressiste” sinon, bossez pour payer des impots et fermez la!