De l’ECLJ :
L’Association Médical Mondiale (AMM), fondée en 1947, se définit comme la « plateforme de création d’un consensus sur l’éthique médicale ». Son rôle est déterminant et son travail de longue date dans ce domaine lui permet d’être désignée « comme [la] voix internationale de la médecine ». Elle participe à une actualisation de la pratique médicale, influençant largement l’évolution des différentes politiques et législations nationales.
L’association est notamment à l’origine du Code international d’Ethique médicale[1], présentant les différents devoirs incombant à la profession médicale. En avril 2021, un projet de révision de ce Code a été présenté ; dans ce dernier, la modification d’un paragraphe est particulièrement alarmante. Il tente d’affirmer que « les médecins ont l’obligation éthique de minimiser les perturbations des soins aux patients. L’objection de conscience ne doit être envisagée que si le patient individuel n’est pas discriminé ou désavantagé, si la santé du patient n’est pas mise en danger et si la continuité des soins est assurée sans délai par une orientation efficace et opportune vers un autre médecin qualifié[2] ». L’intégration de cette « obligation d’orientation » s’inscrit dans la mouvance actuelle qui souhaite légitimer certaines pratiques non-thérapeutiques, comme l’avortement, dans le domaine de l’éthique médicale. Plus grave encore, elle vise à encourager la réalisation de ces actes dont l’accès se trouve légitimement entravé par un nombre de plus en plus important d’objecteurs de conscience. Il s’agit d’une tentative grave de renverser la balance légitime qui fait primer la liberté de conscience des médecins sur la pratique d’actes qui sont seulement tolérés par la loi.
L’ECLJ est intervenu auprès de l’AMM (lire ici notre Memorandum) au soutien du droit fondamental à l’objection de conscience, face à l’intégration d’actes immoraux tels que l’avortement et l’euthanasie dans le domaine de l’éthique médicale.
Le droit à l’objection de conscience est un droit fondamental et est une garantie accordée aux professions médicales, notamment face à la dépénalisation de pratiques considérées comme immorales et se trouvant hors du champ thérapeutique de la médecine (contraception, avortement, euthanasie). D’ailleurs, l’AMM réaffirme régulièrement ce principe ; en 2019, au sujet de l’euthanasie, elle a déclaré qu’« aucun médecin ne saurait être forcé à participer à une euthanasie ou à aider une personne à mettre fin à ses jours, pas plus qu’il ne devrait être tenu d’orienter un patient à cette fin[3] ». C’est le caractère moralement problématique de l’euthanasie qui justifie que les médecins soient protégés contre toute obligation d’y participer[4], d’une quelconque manière. Les conséquences de l’orientation d’un patient vers un autre médecin ne doivent pas être sous-estimé car le médecin engage sa conscience de la même manière que s’il pratiquait l’acte lui-même ; en effet, il agit positivement et se rend directement complice de la réalisation finale de l’acte.
Une confusion évidente apparaît avec le projet de révision du Code. Il semble que les conséquences dramatiques d’actes comme l’avortement soient minimisées, voire ignorées, afin de les faire entrer de force dans la catégorie des actes médicaux. Ainsi, la clause de conscience médicale n’aurait plus lieu d’être ou au maximum, devrait être fortement limitée. Pourtant, cela conduirait à un double standard, bien que, comme dans le cas de l’euthanasie, les conséquences sont les mêmes : une mort provoquée et une atteinte grave à la vie et à la dignité humaine.
Dans un second temps, c’est une vision biaisée de la médecine qui est promue et qui consisterait simplement en la satisfaction de demandes personnelles ; méconnaissant totalement la liberté thérapeutique des médecins et l’importance de leur expertise médicale leur permettant de définir, seul et sans pression ou influence extérieure, le traitement le plus approprié à chaque patient.
En outre, il faut souligner que le droit international ne reconnait en aucun cas un « droit à l’avortement » mais plutôt un droit fondamental à la vie[5] et en ce sens, les États ont pris l’engagement de prévenir le recours à l’avortement[6].
Face à cette menace, l’ECLJ a souhaité rappeler à l’AMM que la liberté des médecins doit à tout prix être protégée car l’utilisation grandissante de cette clause de conscience prouve au contraire que ce sont ces actes qui posent problème. L’ECLJ rappelle que si une loi nationale vient à tolérer la pratique exceptionnelle de certains actes, c’est à l’État seul qu’il revient de garantir que ces services soient effectivement accessibles, sans faire peser une obligation déraisonnable sur les médecins. Si un État ne parvient pas à faire appliquer sa loi sans déroger à un droit fondamental, c’est la loi en question qui doit être revue et non pas le droit en lui-même.