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Histoire du christianisme

Le baptême de Clovis à Reims le 25 décembre 498 marque une étape décisive de l’histoire de notre pays

De Cotignac 500 :

Après des années de recherche et d’hésitations au contact de grands croyants de l’époque que furent Clotilde, Rémi, Vaast et Geneviève, c’est au sanctuaire de Saint-Martin de Tours que s’opère la conversion personnelle de Clovis au catholicisme, avant son baptême décisif par saint Rémi à Reims le 25 décembre 498. Il ne s’agit certes pas du baptême de la France à proprement parler mais ces événements marquent une étape majeure de notre histoire, un tournant qui a vite conduit, dans la logique romaine, à l’union de l’Église et de l’État.

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En 481, Clovis (vers 466-511) devient à 14 ans le roi des Francs saliens, tribu païenne installée par l'empereur Constantin (272-337) et ses successeurs en Belgique seconde, l’actuelle Belgique occidentale. Clovis représente le pouvoir politique romain dans cette Province, c’est-à-dire à Reims et dans les 12 cités qui en dépendent. Tous les combats qu’il mène contre les autres peuples germaniques (les Francs rhénans ou les Alamans par exemple) attestent d’une position politique personnelle originale, puisqu’il se comporte en général romain, au service de Rome, alors que cet Empire s’est disloqué et qu’il n’y a plus d’Empereur d’Occident depuis l’an 476.

Au début de son règne, il épouse Clotilde (sainte, vers 475-vers 545, canonisée vers 560, fêtée le 4 juin), une jeune princesse burgonde d’origine estonienne et de religion catholique. Croyante convaincue, Clotilde cherche dès le début de son mariage à convertir son mari alors que d’autres de ses proches veulent qu’il choisisse l’arianisme (courant de pensée hérétique du nom d'Arius, prêtre d'Alexandrie au début du IVe siècle, visant à approfondir le dogme chrétien de la Trinité). Clovis qui s’interroge sur la religion ne s’oppose pas à ce que les deux premiers enfants que Clotilde lui donne soient baptisés dans le catholicisme ; mais ils meurent l’un après l’autre dans leur jeune âge, ce qui peut s’interpréter alors comme une punition pour avoir délaissé les dieux de sa tribu.

Quelques années plus tard, Clovis reçoit un signe au cours de la bataille de Tolbiac (496). Voyant que ses guerriers allaient être battus, il promet d’adopter le Dieu de Clotilde s’il sort vainqueur (cf compléments). Le cours de la bataille s’inverse : les troupes de Clovis l’emportent ! Mais après cela, il n’y a aucun signe tangible de l’engagement de Clovis dans le catholicisme. Et Clotilde, constatant que les choses n’avancent pas, s’adresse à l’évêque de Reims.

Le grand saint Rémi (vers 437-533, évêque de Reims) échange à son tour avec Clovis et lui donne une série d’arguments théologiques sur la puissance de Jésus-Christ, sans pour autant convaincre son interlocuteur toujours en recherche. C’est encore l’hésitation qui domine quand le roi prend dans son entourage un ermite d’origine germanique, Vedastus Vaast, qui deviendra saint Vaast (+ 540, évêque franc, patron d’Arras, fêté le 6 février). Ils échangent aussi sur les questions religieuses, mais les arguments de saint Vaast ne parviennent pas non plus à séduire assez Clovis pour le conduire à la conversion, pas plus que les quelques échanges qu’il eut avec sainte Geneviève (423-502 ou 512, patronne de Paris et des gendarmes).

Tout change le 11 novembre 498… Après toutes ces rencontres et ces recherches qui se soldaient par des échecs, Clovis se rend dans le sanctuaire de Saint-Martin (316 ou 317-397, évêque de Tours) à Tours. Nous apprenons grâce à un texte inspiré par sainte Geneviève, qu’en ce sanctuaire Clovis est touché par le spectacle des miracles de guérisons de maladies psychosomatiques qu’il peut voir, et qui sont décrites avec beaucoup de soin par les recueils de miracles du sanctuaire (que l’on peut retrouver dans les Monumenta Germaniae Historica). C’est probablement à la vue des guérisons constatées dans la population des mendiants et des malades rassemblés autour du tombeau de saint Martin de Tours, qu’il est définitivement convaincu de la vérité religieuse du catholicisme. Cette foi qui se traduisait par des actes, était capable de convaincre non seulement les individus mais aussi le peuple. Cela a sans doute été un argument capital car nous savons grâce à un autre texte qu’à partir de ce jour-là, Clovis promet de se convertir « sans délai ».

Dès lors, il n’y a plus d’obstacle : Clovis reçoit finalement le baptême catholique de saint Rémi, dans la cathédrale de Reims, le 25 décembre 498 (ou peut-être éventuellement en 499 : la date n’est pas absolument sûre). Clovis a mis six à huit ans à se décider : ce qui montre qu’il s’agit d’une conversion personnelle d’autant plus solide qu’elle a été longuement réfléchie. Pour Clovis, la foi catholique est une foi choisie volontairement en toute connaissance de cause, loin d’être un acte motivé par des considérations politiques.

Ce baptême était attendu depuis très longtemps. La lettre de saint Avit nous prouve que devant Clovis se tenaient saint Rémi, mais aussi une grande série d’évêques catholiques de Gaule qui avaient pu se déplacer pour assister au baptême. Bien que nombreux, tous les évêques de cette Gaule déjà catholique n’étaient pas présents, ceux des territoires ariens, burgondes et wisigoths étant interdits de déplacement par les rois de ces provinces.

Ce baptême est celui d’une personne, le roi des Francs, accompagné de sa première sœur qui était païenne et de son autre sœur qui était arienne. Il s’agit ici d’un événement capital qui marque la renonciation au paganisme et la renonciation à l’hérésie arienne. Nous sommes ainsi devant un acte d’une importance majeure qui a des conséquences sur le reste de la population de Gaule. Même si plusieurs territoires sont encore sous contrôle des Burgondes et des Wisigoths, comme le dit Grégoire de Tours, à partir de cet acte, tout le monde en Gaule souhaitait avec ardeur l’arrivée des Francs.

Clovis a été accompagné dans le baptême par sa garde personnelle : 3000 soldats ont ainsi été baptisés avec lui. Ce baptême personnel dans la cathédrale de Reims (la cathédrale actuelle a été construite à partir du début du XIIIe siècle) était un choix dangereux. Comme il risquait d’être assassiné par son peuple, l’engagement de sa garde personnelle était capital ! Le reste du peuple franc n’a pas été baptisé à Reims. Les Francs se sont convertis au catholicisme de manière progressive, on retrouve la trace de certains de leurs baptêmes au VIe, VIIe et même encore au VIIIesiècle. Le roi est devenu officiellement catholique, attendant que le reste du peuple fasse de même. Il ne s’agit donc pas historiquement du baptême de la France, ce qui serait un anachronisme grossier, et lors de la célébration du 14e centenaire en 1896, une mauvaise analyse de ces questions a d’ailleurs été faite.

Il s’agit bien d’un acte de conversion personnelle et d’un acte de liberté d’un homme, comme en témoignent par des correspondances saint Avit ou saint Rémi de Reims, etc. Un acte profondément original par lequel le roi s’est opposé à son entourage pendant des années, ce qui constitue une preuve de la solidité de sa conversion. Il ne s’agissait pas d’un acte politique comme l'abjuration d'Henri IV (1553-1610) qui aurait dit : « Paris vaut bien une messe » (phrase qui aurait été dite lors des états généraux de 1593 lorsque le roi abjura le protestantisme).

Ce baptême a été un tournant, un cran définitif dans l’évolution du peuple franc : dans la logique romaine et dans l’application du droit romain, le baptême du roi impliquait que l’État devienne lui aussi chrétien, dans la perspective de l’union de l’Église et de l’État, proclamée par Théodose 1er (347-395), empereur romain, par la loi du 8 novembre 392. Clovis baptisé comme roi, déclencha dans cette logique la proclamation d’un État catholique, qui sera finalement appelé « fille aînée de l’Église », lorsque le Pape reçut Louis XII (1462-1515) au XVIe siècle. Derrière ce baptême singulier, les événements s’enchaînent et impliquent des conséquences capitales pour la France et pour l’Europe, avec la romanisation et la christianisation programmées d’un peuple d’origine germanique.

Michel Rouche,
professeur émérite d’histoire médiévale, spécialiste du Haut Moyen Âge et de l'Antiquité

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